Publié le 21/11/2019

Bruno Procopio, prend la direction artistique du festival “Les Nuits Musicales de Mazan”

Bruno Procopio Les Nuits Musicales de Mazan

Première édition d'un Festival de musique baroque sur le territoire de Mazan. "Les Nuits Musicales de Mazan" - Direction Artistique : Bruno Procopio

Rencontre avec Bruno Procopio - Boiserie de Mazan

Trois jours de musique baroque et classique sur instruments d’époque

Ce festival est intitulé "Les Nuits Musicales de Mazan", pour faire d'autres types de musique que la musique Baroque.
Hugo Reyne est là pour un premier concert. Je jouerai le second au clavecin sur des pièces de Rameau baroque.
C'est vrai que l'on peut assimiler ce festival à la musique baroque, mais la volonté est beaucoup plus ambitieuse, avec le troisième concert : de la musique romantique interprétée sur des instruments d'époque.

L'avenir principal du festival, ce sont les instruments d'époque...allant de la musique baroque à la musique romantique - Bruno Procopio

La Musique avec un grand M ?
Bruno Procopio : Je pense qu'il faut faire la différence entre la musique acoustique et la musique amplifiée. Entre la musique dite classique, savante et musique populaire. Entre les instruments d'aujourd'hui, qui peuvent jouer cette musique là, et les instruments de l'époque.
Le terme d'instruments d'époque est fautif, parce que l'époque étant vaste, le baroque couvre une période assez large, des cultures variées. On peut jouer un instrument d'époque qui ne correspond pas à la musique que l'on fait.
L'idée est de remettre la musique dans l'instrumentarium qui l'a vu naître, pour avoir le son, la perception, et nous les musiciens, arriver au plus proche, de ce qui a été fait à l'époque.

Les Nuits Musicales de Mazan, issues d'une rencontre

Comment s'est créé le Festival "Les Nuits Musicales" sur le territoire de Mazan ?
Bruno Procopio : Un ami en commun avec Hugo Reyne, Bertrand Biette, qui est par ailleurs flûtiste amateur, même très confirmé, et qui a fait des études musicales avec les mêmes professeurs qu'Hugo Reyne, m'a toujours dit : "on va monter un festival ! "
Et le temps passait ... Jusqu'au jour où il a acheté une maison à Mazan, car sa famille vient de la Région. Et il a dit "À Mazan, il y a une très belle salle"!
Nous avons vu rapidement la mairie et la salle, et l'idée a été très bien accueillie. L'idée est née depuis très longtemps, mais il manquait le lieu et l'attachement avec le territoire. Et je pense que là, tout y est ...

Vous êtes le directeur artistique de ce festival, directeur musical et claveciniste. Comment reliez-vous ces trois enseignes ?
Bruno Procopio : Oui et j'ai une autre activité aussi . J'ai un label discographique. Ainsi, je suis aussi dans la partie "production" de la musique. J'ai fait des études de clavecin au Conservatoire de Paris, avec Christophe Rousset et Pierre Hantaï. Par la suite, j'ai fait des études de direction. Ce qui m'a permis de sortir du clavecin et de monter sur le podium, notamment ce que mon instrument ne couvre pas, c'est à dire la musique classique, pré-romantique, voire plus. par exemple, la musique du 20ème siècle, que je ne fais fais pas beaucoup, mais que j'incite à faire de plus en plus. Je suis toutefois étiqueté par la musique moderne, mais les orchestres symphoniques m'invitent parfois à jouer le répertoire qui est le mien. J'essaie alors de faire du répertoire de plus en plus varié.
"Comment combine t-on ?"
Je pense qu'avec le temps, tout devient naturel. Quand on joue du clavecin, on dirige depuis le clavecin. Et c'est difficile, parce que l'on a les mains au clavier, il faut regarder les gens, il faut faire des petits signes.

"Au clavecin, il faut rester zen "

C'est un instrument assez pauvre par rapport aux instruments d'aujourd'hui. Il n'y a pas de volume, de longueurs de son. Il faut rester très concentré dans le geste et espérer que ça passe.

Bruno Procopio crée "Paraty Productions," un label discographique pour s' "auto produire"

Du clavecin au podium, c'était naturel. Et lorsque l'on est musicien, et que l'on souhaite faire de cela, une vie professionnelle, on doit enregistrer. J'ai compris rapidement qu'il fallait enregistrer pour d'autres labels.
La difficulté est telles, et le monde de la musique est très compliqué au niveau du financement, et surtout sur la vente des disques aujourd'hui, que finalement, devenir auto-producteur, est en gros la même chose. J'ai rapidement compris qu'il faillait faire beaucoup de disque pour être crédible auprès d'un distributeur, juste pour en être libre.

Avez-vous une sensation de liberté depuis la création de ce label ?
Bruno Procopio : Une sensation de liberté, oui, mais en même temps très coincé parce que le Label compte aujourd'hui plus de 200 titres, avec une sortie de 25 disques par an. Moi je suis libre, mais je dois défendre d'autres artistes, des projets coûteux, difficiles. La responsabilité n'est plus sur moi et ma petite volonté personnelle de faire des disques, mais surtout, les disques des autres.
Donc finalement, en voulant être libre, j'ai trouvé ma liberté, mais je me suis coincé en étant responsable envers les projets des autres.

Mais c'est peut-être cela qui est enrichissant, d'apprendre par ces expériences là et d'être à l'écoute d'autre répertoires ?
Bruno Procopio : Absolument ! Mais plus que ça ... Je pense que le musicien que j'étais au Conservatoire de Paris, nous étions un peu formaté encore à l'époque pour être musicien du 19ème siècle. Ce qui veut dire : "j'ai du talent, je viens d'une famille aisée, et je ne fais que de la musique." Je pense qu'aujourd'hui, on est loin de cela.
Cela veut dire, donc, qu'il faut être producteur, entrepreneur. Il faut savoir se vendre, et il faut savoir rencontrer des gens.
Mais on ne nous a pas appris cela au Conservatoire. Est-ce que lorsqu'on on apprend à devenir médecin, il faut apprendre à chercher des malades ? Non. les malades arrivent ...
Quant à la Musique, ce n'est pas un métier de demandes, mais un métier d'offres.
C'est cette action d'entreprendre qui m'a enrichit, à comprendre le mécanisme, dans le but, toujours le même, de faire de la musique. En fait, je me suis rajouté plusieurs professions, pour espérer de continuer dans la course.

À travers vos origines latines, italiennes et brésiliennes, comment êtes vous arrivé à la musique baroque ?
Bruno Procopio : Tout est une question de rencontres. J'étais dans une ville près de Rio de Janeiro, où se trouve un très grand festival de musique baroque. Il s'avère que c'est l'unique du pays. C'est ici que j'ai rencontré la musique baroque. je jouais déjà du piano. Quand j'ai rencontré le clavecin, et comme j'aimais aussi les cordes pincées, et plutôt ce répertoire là, je me suis dis : "c'est ça !"

La mission de la Culture : "mettre la personne qui écoute en position d'ouverture et de curiosité"

C'est la rencontre avec l'instrument qui vous a amené à la musique ?
Bruno Procopio : C'est la rencontre avec un tout. Ce sont des concerts. C'est la rencontre avec des gens qui font ça bien. C'est l'opportunité de toucher à l'instrument. Il suffit parfois de peu, mais si on ne le rencontre pas, c'est juste pas possible.
Finalement, les Arts, c'est un peu comme tout. C'est pour cela que la diversité est très importante. Et la culture est très importante dans un cadre autre que se dire "la collectivité fait de la culture, pour dire que je fais de la culture." Je pense qu'il y a une mission plus importante que cela. De mettre la personne qui écoute en position d'ouverture et de curiosité.

"C'est très important d'apporter cela aux enfants. Mine de rien, ça fait un effet colossal"

J'aurai pu faire autre chose lié à l'art, lié à la culture, mais il s'avère que j'ai fait de la musique, parce que c'était la rencontre avec ça. C'est pourquoi je pense que c'est très important d'apporter cela aux enfants. Mine de rien, ça fait un effet colossal. On se rend pas compte aujourd'hui, mais je suis persuadé que dans quelques années, ces enfants vont se dire "ah j'ai écouté de la musique baroque à Mazan, cela m'a donné envie de faire ça..." De fil en aiguille, devenir quelqu'un grâce à ce noyau là.

Pensez-vous apporter vos origines brésiliennes à travers votre interprétation ?
Bruno Procopio : J'aimerai dire oui, parce que ça fait tout de suite charmeur ! Difficile à dire ... Je dirai plutôt que non, au même titre que les français n'apportent rien à la musique française. Je trouve qu'il y a quand même une grande déconnexion entre le monde d'il y a trois siècles et le monde d'aujourd'hui. Alors si aujourd'hui, on est brésilien, chinois ou français, est-ce que l'on est plus apte à apporter quelque chose de positif à cette musique ? Je ne crois pas du tout. C'est là toute la difficulté .
Premièrement, de vouloir faire un chemin personnel, parce qu'il n'y a pas de culture. On s'invente quelque chose de toute pièce. C'est complètement artificiel ce que l'on fait . On se dit : "je fais une musique d'il y a trois siècles sur un instrument d'époque et je joue comme les mecs qui jouaient à l'époque" Peut-être que je suis complètement à la plaque ! Et effectivement, je le suis. Si je fais cette démarche, c'est parce que je le crois. Il y a alors une très grande volonté personnelle de se créer un monde artificiel.

Je me rappelle de Christophe Rousset, au Conservatoire qui me disait : "Travaille, tu n'auras pas le temps de travailler après !" On n'a pas le temps de travailler. "Ce sont les rencontres qui te faire plus ou moins bien jouer" ... la difficulté, c'est côtoyer des musiciens, des artistes, qui font ça bien, pour que l'on s'imprègne de leur énergie. Ce n'est pas une question d'origine, mais une question de ceux qui on fait l'effort personnel de passer outre à la difficulté du temps. La difficulté du temps de se dire "je vais créer un art de toute pièce".

Quand on fait les arts d'aujourd'hui, on s'en fiche si l'on est bon ou mauvais, si on chante faux, ou si l'on a des paroles qui sont nulles, si l'on a une sono qui nous pète les oreilles.... On ne se pose pas les questions. C'est le truc d'aujourd'hui. Quand on le fait, on peut plus ou moins bien le faire, mais en tous cas, on ne se pose pas la question de si on est vrai ou faux. Nous, on est faux, et pourtant, on doit faire quelque chose de profondément de vrai pour nous, afin que ce soit vrai pour les autres.
La difficulté est telle que je sois là ou d'ici, cela ne change rien. C'est beau finalement.
C'est un peu l'esprit de la lumière en quelque sorte !