- Auteur Marie Celine SOLERIEU
- Temps de lecture 10 min
Mendelssohn par Abdel Rahman El Bacha – Orchestre national de Cannes, une interprétation habitée
Interview d’Abdel Rahman El Bacha, pianiste à la sensibilité rare et aux origines franco-libanaises, qui mettra toute son émotion au service du concert « Mendelssohn par Abdel Rahman El Bacha », aux côtés de l’Orchestre national de Cannes. Une interprétation habitée, traversant les siècles et les frontières. Un concert immanquable, le samedi 28 juin au Palais des Festivals, à Cannes.

Abdel Rahman El Bacha ©Ku Leuven Rob Stevens
Dans la continuité de sa saison symphonique 2024-2025, l'Orchestre national de Cannes présente un concert symphonique exceptionnel "Mendelssohn par Abdel Rahman El Bacha", le samedi 28 juin au Théâtre Debussy, Palais des Festivals à Cannes.
Au programme de ce concert :
WOLFGANG AMADEUS MOZART
Lucio Silla – Ouverture (1772)
FELIX MENDELSSOHN-BARTHOLDY
Concerto pour piano et cordes en la mineur, MWV O 2 (1822)
LUDWIG VAN BEETHOVEN
La Grande Fugue en si bémol majeur pour quatuor à cordes, op. 133 (1824-1825)
Orchestration pour orchestre à cordes par Ernest Ansermet
WOLFGANG AMADEUS MOZART
Symphonie n°31 en ré majeur, « Paris », KV 297 (1778)
Abdel Rahman El Bacha, virtuose pianiste d'origine franco-libanaise, interprètera le concerto pour piano et cordes composé par Félix Mendelssohn à l'âge de 13 ans, où il mettra au service de l’œuvre, toute sa sensibilité et ses influences culturelles. Une interprétation unique, portée aux côtés des musiciens de l’Orchestre national de Cannes, sous la direction musicale de Pavel Baleff, chef d'orchestre d'origine bulgare et directeur musical de l’Opéra de Limoges.

Concert Mendelssohn par Abdel Rahman El Bacha - Orchestre national de Cannes
Interview d'Abdel Rahman El Bacha, éminent pianiste
Abdel Rahman El Bacha et l'Orchestre national de Cannes
Abdel Rahman El Bacha, vous êtes l'invité soliste pour un concert le 28 juin avec l'Orchestre national de Cannes. Connaissez-vous cet orchestre ?
Abdel Rahman El Bacha : Bien sûr, je connais cet orchestre même depuis très longtemps. À l'époque, il s'appelait l'Orchestre régional de Cannes-Provence-Alpes-Côte d’Azur. Philippe Bender en était le chef d'orchestre permanent. Je trouve que l'orchestre a fait d'énormes progrès depuis sa création. J'ai eu la chance et le plaisir de jouer également avec l'orchestre de Cannes, sous la direction de Benjamin Levy.
L'orchestre de Cannes est devenu national en janvier 2022.
En tant qu’invité soliste, que vous inspire l’évolution d’un orchestre comme celui-ci, appelé à devenir un orchestre national ?
D'abord, je suis heureux pour l'orchestre. Et je pense qu'il a gagné vraiment en compétitivité, en hauteur artistique et technique. Et ça, c'est très net à l'écoute. Il y a une direction artistique très efficace aussi. Je suis toujours très heureux de jouer en concerto quand il s'agit d'une oeuvre intéressante ou importante, selon les cas. J’ai également eu l’occasion d’interpréter les Quatrième et Cinquième concertos de Beethoven avec l’Orchestre national de Cannes.
Mendelssohn par Abdel Rahman El Bacha

Vous êtes invité le 28 juin pour interpréter Mendelssohn. Le titre du concert est "Mendelssohn par Abdel Rahman El Bacha". Qu'allez-vous interprété exactement ?
Felix Mendelssohn a écrit trois concertos pour piano, mais il n'en a publié que deux de son vivant qu'il considérait les plus importants. Celui que je vais jouer est son premier concerto. Le Concerto pour piano et cordes en la mineur, MWV O 2 a été composé en 1822, à l'âge de 13 ans.
Mendelssohn était un musicien très précoce, comme Mozart ou Chopin. Il a écrit beaucoup d'oeuvres et des longues oeuvres depuis l'âge de 12, 13, 14 ans. Et ça s'entend, d'ailleurs. C'est extrêmement volubile, très virtuose parce que Mendelssohn, à cet âge là, était déjà un immense pianiste.
C'est une virtuosité très pianistique, très agréable. Mais c'est aussi un lien avec Mozart dans ce qu'on appelle de l'écriture virtuose du piano, c'est-à-dire des arpèges qui veulent toujours dire quelque chose.
C'est aussi de la musique bien pensée, bien ressentie. J'aime bien cette écriture où le pianiste est à l'aise, où la musique met en valeur le jeu du pianiste. Cela le met aussi à l'épreuve parce qu'il faut quand même garder de l'endurance jusqu'au bout. Il y a tellement de figures de virtuosité.
Abdel Rahman El Bacha, un pianiste sans partitions
Plus la sensibilité d'Abdel Rahman El Bacha ?
Ah, j'espère. En tout cas, je fais tout pour. J'y mets tout mon soin et toute mon attention au moindre détail. D'ailleurs, vous savez que je fais partie encore de pianistes qui tiennent à jouer sans partitions. C'est vraiment pour arriver au stade où la musique sort vraiment du cœur. Quand on dit par cœur, ce n'est pas pour rien. C'est qu'elle est totalement intégrée et un peu comme l'auteur qui dit un texte, enfin une tirade, où il personnifie vraiment le rôle qu'il joue.
C'est à cette hauteur-là que je voudrais arriver une fois sur scène. Vraiment dire le texte de moi-même. C'est notre idéal à tous en tant qu'interprète.
Traverser les siècles, traverser les frontières
À travers cette interprétation, justement, que vous jouez par cœur — en deux mots — vous êtes reconnu pour votre sensibilité. Mais vous partagez aussi certaines émotions liées à votre parcours, à vos origines franco-libanaises. Je me souviens de notre dernière interview, où vous évoquiez une passerelle entre l’Occident et l’Orient. Est-ce un sentiment que vous allez également mettre au service de l’œuvre de Mendelssohn que vous allez interpréter ?
Bien sûr, comme tout ce que je fais. C'est ma nature première, mon héritage génétique et culturel qui fait que l'empreinte orientale, elle est là, que je le veuille ou non. Et d'ailleurs, je ne cherche pas du tout à ne pas le vouloir, évidemment. Je trouve que c'est un enrichissement pour la musique, je pense.
Parce que, à partir du moment où une musique a pu traverser les siècles, ça veut dire qu'elle était capable de traverser les frontières. C'est la définition même d'une musique universelle, intemporelle.
La musique n'a pas de barrière entre les cultures, ni dans l'histoire.
C'est sa force. L'apport d'un interprète Japonais, Chinois, Libanais, Américain, Brésilien peut toujours montrer ce que cette musique a d'universel.
Mais en même temps, elle est unique à la fois par sa sensibilité et par les origines de l’interprète ?
Oui, chaque expression va être unique. La musique a cette particularité, elle ne peut fonctionner qu'avec un mariage. Un mariage avec l'interprète. Et un interprète n'est pas là pour dissoudre sa personnalité dans l'oeuvre. Il est là pour dialoguer avec sa personnalité et avec la personnalité de l'oeuvre. Et l'enfant qui en naît, c'est l'interprétation. Je parle de l'enfant de ce mariage.

Un dialogue entre la musique et l'interprète
Il y a le dialogue entre la musique et l'interprète, mais il y a aussi le dialogue entre la musique, l'interprète et les musiciens de l'orchestre. Comment se fait-il ?
Ah oui, évidemment. Là, ça dépend des oeuvres.
Il y a des oeuvres où la part de l'orchestre est très importante. Le dialogue est important. Je pense que dans les concertos de Mozart, de Beethoven, de Brahms et de Schumann particulièrement, s'il n'y a pas une véritable écoute de part et d'autre, le concerto n'est pas réussi.
Même si le soliste est formidable.
Mendelssohn, la place au romantisme du soliste
Dans le cas de Mendelssohn, c'est un concerto dans la tradition d'un Mozart, mais avec le romantisme du soliste.
C'est-à-dire qu'on est un peu entre Mozart et Chopin. Parce que la part de l'orchestre, elle est là, elle fait des transitions importantes. Quand le soliste commence, il a une grande place dans le concerto, l'orchestre est là pour l'écouter, pour le soutenir. Il y a une écoute de la part du soliste, mais je pense que l'écoute de la part de l'orchestre va être plus importante que dans un concerto de Brahms, de Rachmaninov ou de Beethoven.
Comment se fait cette connexion entre les musiciens de l'orchestre et vous-même ?
C'est la valorisation musicale de l'élément que l'on est en train de faire. C'est-à-dire que la musicalité du chef de l'orchestre va tout de suite se révéler aux musiciens pour savoir ce qui est important de mettre en valeur et ce qui l'est moins. Si moi j'ai une partie à un moment donné un peu moins importante, je vais mettre plus en valeur l'orchestre en jouant un tout petit peu moins fort.
Et puis l'inverse va être aussi à l'orchestre. J'ai passé des mois à mettre au point ce concerto .. Quand je vais arriver, je vais donner déjà une interprétation qui est la mienne. Et l'orchestre va s'adapter, il va découvrir à travers moi et à travers le chef, l'importance des différents éléments qui constituent ce concerto.
Et il va s'adapter, et va prendre plaisir j'espère et réagir en conséquence. Il s'agit plus d'une réaction de dernier moment je dirais, plutôt qu'une préparation approfondie. En revanche certaines parties sont purement orchestrales. D'ailleurs là, il s'agit vraiment d'un orchestre à cordes. Il n'y a pas de vents, il n'y a pas de percussions, il n'y a pas de cuivre, pas de bois. Nous sommes vraiment avec les cordes uniquement. Ce sera donc un dialogue chambriste entre le piano et l'orchestre.

Beethoven, Mendelssohn, Mozart, un programme contrasté
Vous intervenez entre Beethoven et Mozart lors de ce concert ...
Quel lien pourriez-vous faire entre La Grande Fugue de Beethoven, le concerto de Mendelssohn, et la Symphonie "Paris" de Mozart ?
Eh bien je trouve que c'est un programme extrêmement contrasté. La Grande Fugue de Beethoven est une œuvre de maturité, une œuvre tellement moderne, tellement intimidante.
Et puis, on passe à un autre répertoire où l'on est presque dans le monde de l'enfance, de l'exubérance, de l'émerveillement. Mais il y a aussi un hommage à Beethoven constant et à Mozart de la part de Mendelssohn. C'est très très facile à déceler.
Déjà dans l'introduction du concerto de Mendelssohn par l'orchestre, on entend des bribes de La flûte enchantée de Mozart. Dans le mouvement lent, on va sentir l'esprit de Beethoven. Mais pas le dernier Beethoven, plutôt un Beethoven je dirais de maturité autour du troisième concerto par exemple.
Et puis il y a Mendelssohn, avec sa volubilité, sa fraîcheur, son humour aussi. Dans le dernier mouvement, il nous réserve des surprises. On sent qu’il s’amuse au piano. Ce sera, je pense, une véritable respiration entre Beethoven et Mozart.
Informations pratiques, réservations, billetterie, Concert Mendelssohn par Abdel Rahman El Bacha
Théâtre Debussy
Palais des Festivals et des Congrès
1 boulevard de la Croisette
06400 Cannes
Tarifs :
de 31 à 50€
- 26 ans : 10€
Samedi 28 juin 2025 à 20h
Durée : environ 1h40 avec entracte