- Auteur Jacques Jarmasson
- Temps de lecture 5 min
Kyoko Yonemoto, Federico Santi et l’ONAP, virtuosité et émotion pour ouvrir la saison
Vendredi 26 septembre 2025, l’Orchestre National Avignon-Provence (ONAP) a donné son concert d’ouverture de saison 2025‑2026 à la FabricA du Festival d’Avignon. La violoniste Kyoko Yonemoto et le chef Federico Santi ont offert au public une soirée alliant virtuosité et convivialité, confirmant ce rendez-vous comme un moment attendu de la vie musicale avignonnaise.

Federico Santi, Kyoko Yonemoto, Cordelia Palm ©Jacques-Jarmasson
Avignon a connu, ce vendredi 26 septembre 2025, l’une de ces soirées qui marquent durablement les mémoires. Pour la troisième année consécutive, la FabricA du Festival d’Avignon s’est imposée comme l’écrin idéal du concert d’ouverture de saison 2025-2026 de l’Orchestre National Avignon-Provence (ONAP) avec la soliste Kyoko Yonemoto au violon, sous la direction musicale de Federico Santi. Un rendez-vous désormais attendu par un public toujours plus nombreux, fidèle à cette rencontre où convivialité et haute tenue musicale vont de pair.
Kyoko Yonemoto, l’Orchestre national Avignon-Provence, Federico Santi, concert d'ouverture de la saison 2025-2026

Un prélude festif et solidaire
Dès 18h30, le lieu vibrait déjà d’une énergie chaleureuse : associations locales « Un sourire pour tous » et « Cuisine pour un voisin », accompagnaient la soirée avec une restauration solidaire, tandis qu’un brasseur artisanal complétait l’offre conviviale. Les jeunes du dispositif Demos, sous la baguette bienveillante d’Emmanuelle Stimbre, et le Chœur de l’Opéra Grand Avignon, conduit avec rigueur et passion par Alan Woodbridge, avaient préparé un préambule à la fête. Leur enthousiasme communicatif et leurs regards pétillants ont enchanté les spectateurs, déjà conquis avant même le lever de rideau.

Une soirée d’exception sous la houlette de Federico Santi

À 20h, le chef Federico Santi, fraîchement nommé chef associé de l’Orchestre national Avignon-Provence (ONAP), prenait les rênes d’un programme audacieux, ciselé, alternant les chefs-d’œuvre du répertoire français et des pépites du XXe siècle. Son geste clair, précis, son sens des respirations et des dynamiques ont servi avec intelligence et sensibilité chacune des œuvres.
Sous sa direction, le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy (dans une réduction pour orchestre de chambre par David Björkman), s’est révélé comme un rêve suspendu, d’une grande délicatesse, ouvrant une fenêtre sur un monde sensuel et mystérieux, comme dans l’Adagio céleste de Rautavaara, moderne et lumineux, qui a élevé le public vers des sphères contemplatives, avant que la pétillante Sinfonietta de Poulenc ne conclue la soirée par une effervescence orchestrale digne des grandes symphonies.
Kyoko Yonemoto, chamane et funambule du violon
Mais l’événement de la soirée, celui qui a littéralement électrisé la FabricA, fut l’apparition de la violoniste japonaise Kyoko Yonemoto. Déjà légende vivante depuis son sacre, à 13 ans seulement, comme plus jeune lauréate du concours Paganini en 1997, l’artiste a confirmé à Avignon l’étendue d’un talent aussi époustouflant que bouleversant.
Dans le Tzigane de Ravel, Kyoko Yonemoto n’était plus seulement une soliste : elle était une conteuse d’horizons lointains, qui ouvrait les portes d’un monde tissé à la fois de nostalgie et de fougue. Son archet a dessiné dans l’air des volutes ardentes, tantôt incendiaires, tantôt caressantes. Chaque note semblait s’arracher à l’instrument comme un cri, chaque silence résonnait comme une prière suspendue.

Puis vint la Carmen Fantaisie de Sarasate. Là, Kyoko Yonemoto s’est muée en actrice lyrique, en diva sans voix mais au timbre incandescent. Elle a incarné Carmen dans toute sa complexité, séductrice flamboyante dans sa robre rouge (évidemment ….), femme libre et insoumise, mais aussi héroïne tragique promise au destin funeste. Son violon a su tour à tour chuchoter les séductions du personnage, éclater en rires insolents et gronder comme un orage passionné. Techniquement, l’exploit fut absolu, avec des doubles cordes étincelantes et des pizzicati d’une absolue netteté. Mais surtout, Kyoko Yonemoto n’a jamais cédé à la tentation de l’esbroufe, en livrant seulement une vérité humaine, une profondeur émotionnelle qui a bouleversé le public Avignonnais.
Un concert d'ouverture placé sous le signe du partage
Dans un geste généreux, dix spectateurs tirés au sort ont eu le privilège de rejoindre l’orchestre sur scène lors de la seconde partie, pour vivre de l’intérieur la respiration collective. Une expérience sûrement inoubliable, qui symbolise à merveille l’esprit de ce concert d’ouverture : abolir les frontières entre artistes et public, entre virtuosité et convivialité.
Un triomphe partagé
En ce 26 septembre 2025, Kyoko Yonemoto, a offert une leçon magistrale de virtuosité et d’émotion, Federico Santi a confirmé une complicité féconde avec les musiciens de l’ONAP, et la FabricA s’est imposée, une fois encore, comme le théâtre rêvé de ces rencontres d’exception.
La nouvelle saison de l’Orchestre National Avignon-Provence ne pouvait rêver plus éclatant lever de rideau.