- Auteur Victor Ducrest
- Temps de lecture 5 min
Didon et Énée : Virgile, Purcell, et Blanca Li réunis à Vaison Danses
L’émotion, toujours l’émotion avec le retour après 11 ans de la chorégraphe espagnole Blanca Li, et son Didon et Énée, au festival de Vaison Danses. Une histoire intemporelle qui raconte que « finalement l’amour est la chose la plus importante de nos vies et que lorsqu’on vit des émotions amoureuses très fortes rien d’autre ne compte ».

Didon et Énée de Blanca Li – Vaison Danses 2025 ©AA
Avec le spectacle Didon et Énée, l'édition 2025 du festival Vaison Danses s'est réjouie ce 19 juillet, du retour dans la capitale voconces de Blanca Li, la danseuse, chorégraphe et réalisatrice franco-espagnole, qui, en même temps que Carolyn Carlson, Thierry Malandain et Angelin Preljocaj est entrée sous la coupole de l'Institut de France au fauteuil numéro 2 de la section « chorégraphie » en 2021. Après une absence de onze années au théâtre antique de Vaison-la-Romaine, elle est venue présenter sa pièce « Didon et Énée », dont la mise en scène avait été demandée par le chef d'orchestre William Christie. Cette chorégraphie a été créée avec dix danseurs sur le texte de Virgile et la musique d'Henri Purcell, écrite par le compositeur anglais en 1689.

Didon et Énée de Blanca Li
Les non-dits d’une histoire tragique
On connaît l'argument tragique du mythe antique : le héros troyen rencontre Didon, la reine de Carthage, et le couple connaît une passion amoureuse débordante. Mais le destin s'impose : Énée doit fonder Rome et abandonner Didon. Celle-ci ne peut surmonter cette rupture et met fin à ses jours.
Dans cet opéra de Purcell, c'est l'intensité des émotions qui a surpris Blanca Li. D'un côté il y a la narration et de l'autre les émotions.

« On est tout le temps dans l'action, et il y a quelque chose de très fort qui se passe. On n'a pas une minute à perdre ! » Blanca Li, chorégraphe
Pour Blanca Li, il y a cette histoire tragique mais aussi les non-dits de cette histoire. « Et c'est ça que j'ai pris dans la danse. On a cherché un langage corporel pour pouvoir décrire et transmettre ces émotions ». C’est ainsi que la chorégraphe a voulu créer un type de mouvements particuliers qui s’originent dans le diaphragme, « la partie où l’on a toujours les émotions fortes ».
L’atmosphère est généralement sombre, parfois sur fond bleuté, plus rarement sur fond ocre-orangé. Les costumes sont à dominante noires et dans une partie de la chorégraphie ils se réduisent à un simple maillot de bain.

Une chorégraphie aquatique
Il faut dire que, si le décor se résume à des lumières, le sol des danseurs a une originalité rare dans les spectacles de ballet : il est volontairement inondé. Blanca Li entend ainsi figurer la Méditerranée, mer de jonction entre Rome et Carthage, dont les reflets contrastent avec la nudité de l'environnement. Cette scène détrempée permet aux danseurs de véritables exploits en glissades variées qui vont jusqu'aux spirales de la mort qu'on trouve couramment dans les duos de patinage artistique. Les éclaboussures deviennent alors des éléments esthétiques, comme des arcs de perles éphémères.
Une histoire intemporelle
Par le minimalisme du décor et des costumes, la chorégraphe a voulu signifier l'intemporalité du récit, et par là concentrer toute l'attention du public sur l'aspect émotif de la représentation. « Je cherche avec la danse des choses qui ne sont pas faciles à dire ». À dire par exemple que « finalement l'amour est la chose la plus importante de nos vies et que lorsqu'on vit des émotions amoureuses très fortes rien d'autre ne compte ».

L’émotion, toujours l’émotion
Dans son ensemble, le public a marqué bruyamment sa grande satisfaction à la fin du spectacle, avec pourtant quelques bémols pour certains : les glissades seraient un peu trop répétitives et surtout le texte anglais de l'opéra dont la fonction est de faire comprendre clairement la narration, n’était pas surtitré en français comme c'est le cas pour de nombreux opéras étrangers. À cette réflexion d’après spectacle, Blanca Li, avec son grand sourire séducteur, a exprimé son désaccord : ajouter un texte écrit, ç’eût été détourner le spectateur de ce qui fait l’essentiel de la pièce, l’émotion.