Des Heures Musicales de prestige à Biot

L’un des plus anciens festivals de musique classique de la Côte d’Azur vient de s’achever dans le charmant village historique de Biot. La 42^ème édition des Heures Musicales de Biot (du 16 mai au 18 juin 2025) était dédiée cette année à celle qui a incarné la manifestation depuis son origine, Liliane Valsecchi, son emblématique présidente et directrice artistique, malheureusement disparue en début d’année alors qu’elle venait de mettre la dernière main à la programmation. 

Un lieu exceptionnel pour les Heures Musicales à Biot

L'église Sainte-Marie-Madeleine

Quatre concerts exceptionnels ont donc pris place dans le cadre magique de l’église Sainte-Marie-Madeleine, reconstruite au XVème siècle et dont l’acoustique remarquable met en valeur, sous le regard de la Vierge du Rosaire et de l’Enfant-Jésus immortalisés sur un magnifique retable par Louis Bréa inspirateur de l’école dite des « Primitifs Niçois » dans les années 1500, les prestations des artistes renommés qui sont invités au festival. Son clocher séculaire, sa façade et son parvis de galets polychromes accueillent le visiteur au fond de la typique place aux Arcades, animée par les tables d’un haut lieu de l’art et de la gastronomie, le café-restaurant des Arcades de la famille Brothier fréquenté jadis par les Fernand Léger, Lino Melano, Victor Vasarely ou Jean-Michel Folon.

Les Heures Musicales de Biot, une programmation 2025 de prestige !

Mao Fujita, pianiste

Une fois ce décor planté, on accède à l’église en descendant quelques marches. Cette année le jeune pianiste japonais Mao Fujita âgé de 26 ans, auréolé en 2017 d’ un 1^er prix au concours Clara Haskil en Suisse et médaillé d’argent au concours Tchaikovski de Moscou pour la seconde place derrière un certain Alexandre Kantorow. Son élégance et sa virtuosité ont séduit le public.

Renaud et Gautier Capuçon deviennent les parrains des Heures Musicales de Biot

C’était ensuite le tour du violon Guarnerius de Renaud Capuçon qui fut celui d’Isaac Stern, d’investir l’église. Renaud est l’un des artistes-fétiches des Heures Musicales de Biot avec son frère Gautier. Invités ici chaque année depuis des décennies, tous deux ont d’ailleurs accepté, à la demande du nouveau président du Festival Olivier Auge-Laribe et du maire de Biot Jean-Pierre Dermit de devenir les « parrains » des Heures Musicales en mémoire de leur amie fidèle Liliane Valsecchi. 

Le Maître et ses disciples

Renaud Capuçon n’était pas venu seul. Fidèle à sa volonté d’accompagner de jeunes artistes à l’aube de leur carrière via sa société dédiée « Beau Soir Productions », il avait invité à se joindre à lui, l’altiste Paul Zientara et la violoncelliste Julia Hagen et l’un de ses plus habituels complices le pianiste Guillaume Bellom.
On aura d’abord admiré la fusion musicale d’un sensible duo violon-alto de Mozart. Renaud Capuçon et c’est tout à son honneur, ne joue jamais au « patron »... S’il donne à l’ensemble une impulsion essentielle, c’est pour mieux favoriser l’écoute mutuelle qui conduit à des interprétations d’une rare justesse émotionnelle que l’on aura apprécié particulièrement dans l’unique mouvement d’un quatuor en la mineur, une œuvre de jeunesse écrite en 1876 à 16 ans par Gustav Mahler.
Pour beaucoup une découverte car maître du lied et de la symphonie, Mahler dévoile dans son rare abord de la musique de chambre, un lyrisme et une force de sentiments qu’ont su exprimer d’un élan commun les quatre interprètes, prouvant que les Heures Musicales de Biot se veulent aussi un véritable laboratoire musical.
L’interprétation du quatuor opus 13 pour piano et cordes en do mineur de Richard Strauss trop rarement entendu, restera un moment fort de ce concert. L’élan général d’une lecture tour à tour passionnée et nuancée sous les archets et le clavier des interprètes unis dans une rare symbiose ont offert à cette œuvre l’intensité romantique qui convenait.

Nelson Goerner, un interprète de référence

Le 12 juin, les Heures Musicales de Biot édition 2025 recevaient le pianiste argentin Nelson Goerner dont on peut affirmer au fil de ses concerts qu’il est l’un des plus éminents pianistes du moment. Ce fut de bout en bout un récital éblouissant de poésie, de maîtrise, de virtuosité et de musicalité. Nelson Goerner avait choisi de commencer par la sonate n° 28 opus 101 de Beethoven.
Le pianiste en a dégagé avec bonheur l’extraordinaire liberté de ton de cette inspiration supérieure, l’inventivité de l’écriture, introduisant avec logique le carnaval opus 9 que composa Schumann quelques 18 ans plus tard. Dans une sorte de crescendo émotionnel, Nelson Goerner dessinait les contours nuancés, colorés et poétiques de cette suite, tantôt en caressant son clavier pour atteindre l’intimisme, le plus profond, tantôt sollicitant l’instrument jusqu’à ses limites. La seconde partie du concert fût abordé avec les 10 préludes opus 23 de Rachmaninov oscillant entre virtuosité, tendresse et émotion. Son récital se conclue avec les spectaculaires arabesques de concert sur le beau Danube Bleu d’Andrei Schulz-Evler, laissant le public sous le choc d’une interprétation ébouriffante de technique maîtrisée.

Le public debout obtenait encore la joie de deux bis qui clôturait ce moment musical de référence. 

De la Sonate de Rachmaninov à l'Hymne à l'amour

Il revenait à Gautier Capuçon de mettre un point d’orgue aux Heures Musicales de Biot en compagnie de l’un de ses partenaires de prédilection et ami de 27 ans, Jérôme Ducros.
Le concert de clôture du Festival 2025 était ouvert selon le souhait du violoncelliste par l’exécution de trois mouvements de la sonate de Ravel pour violon et violoncelle par deux frères, jeunes solistes de haut-vol, Luka et Léo ISPIR, tous deux solistes de la Fondation Gautier Capuçon, une structure fondée pour soutenir et encourager les jeunes talents. Tous deux ont démontré leur entente musicale dans cette œuvre exigeante.

Gautier Capuçon et Jérôme Ducros avaient inscrit à leur programme après trois Fantaisestücke opus 73 de Schumann transcrites pour violoncelle et piano, deux œuvres majeures du répertoire. La sonate opus 38 n° 1 en mi mineur de Johannes Brahms, chef d’œuvre romantique s’il en fût, dans lequel l’archet généreux, l’autorité, et la fabuleuse sonorité du violoncelle de Gautier Capuçon se sont unis dans une rare osmose musicale et dans une émotion partagée avec l’expressivité du piano de Jérôme Ducros.
Un engagement commun de tous les instants que l’on a retrouvé dans la sonate opus 19 en sol mineur de Rachmaninov où les deux musiciens ont mis toute leur âme dans l’interprétation.
Là aussi des frissons d’émotion ont parcouru les auditeurs, les accents déchirants des sonorités du violoncelle tels ceux d’une voix humaine se fondant intimement dans l’énergie vitale d’une expression pianistique qui rappelle le concerto n°2. Les contrastes et la beauté des thèmes offrant une interprétation de référence. Pour mettre un point final à cette soirée, Gautier Capuçon faisait monter sous les voûtes de l’église de Biot, dans des arrangements d’une rare sensibilité signés par le fin musicien qu’est Jérôme Ducros, l’interprétation émouvante dédiée à Liliane Valsecchi d’Amazing Grace, « Over the rainbow » et de l’Hymne à l’Amour laissant le public au bord des larmes.

Vivement la  43^ème édition des Heures Musicales de Biot en 2026 !