- Auteur Victor Ducrest
- Temps de lecture 8 min
Le Junior Ballet de l’Opéra de Paris, de l’Opéra royal de Versailles à Vaison Danses
Quand la danse traverse le temps et les styles …. Soirée historique pour Vaison Danses, ce 16 juillet dernier : le théâtre antique de Vaison-la- Romaine, à accueilli le tout nouveau Junior Ballet de l’Opéra national de Paris, premier lieu en dehors de l’Opéra royal de Versailles, avec un programme exceptionnel de Georges Balanchine à José Martinez.

Ballet Junior Opéra de Paris – Mi Favorita, de José Martinez – ©Antoine Abou
C'est à un programme varié et très réjouissant que nous ont convié José Martinez, directeur de la danse à l'Opéra de Paris et les 18 danseurs du Junior Ballet, créé en 2024, ce mercredi 16 juillet, dans le cadre du festival Vaison Danses 2025. Au programme, des pièces classiques, néo-classiques et contemporaines : “Allegro brillante” de George Balanchine ; “Requiem for a rose” d’Annabelle Lopez Ochoa ; “Cantate 51” de Maurice Béjart ; “Mi Favorita” de José Martinez.
Une soirée d'exception d'autant que le théâtre antique de Vaison-la-Romaine était le premier lieu français en dehors de l'Opéra royal du château de Versailles à recevoir ces jeunes danseurs âgés de 18 à 23 ans qui complètent leur professionnalisation pendant deux années dans le cadre de l'Opéra de Paris. Il faut savoir que leur recrutement est hyper sélectif : cette année, on comptait 1449 candidatures, 300 ont été sélectionnées, et 18 retenues !
Le Junior Ballet de l’Opéra national de Paris à Vaison Danses
Voir la musique, entendre la danse
Le programme de la soirée avec ses quatre ballets qui couvraient une partie de l'histoire de la danse avait de quoi séduire un très large public qui n'a pas ménagé ses acclamations. C'était d'abord l'« Allegro Brillante » sur une musique de Tchaïkovski et une chorégraphie de George Balanchine datée des années 50.
George Balanchine (1904-1983) est un danseur d’origine géorgienne qui fut engagé à Paris dans les ballets russes de Diaghilev avant de partir pour les États-Unis dans les années 30. C’est lui qui soutient qu'il faut « voir la musique, entendre la danse », c'est-à-dire qu'il faut que la danse traduise en mouvements la musique et que, de son côté la danse crée sa musicalité propre par ses respirations, par ces frappes au sol, par ses silences.
Cet « Allegro Brillante » est une belle introduction de celui qu'on classe parmi les grands néoclassiques, capable d'allier la virtuosité, la rigueur de l'école classique et la modernité des figures et des mouvements. Les danseurs dansent avec le sourire. Les amateurs de pointe et de robes vaporeuses ont été comblés. Ceux qui sont sensibles à l'élégance comme à une certaine forme d'abstraction dansée l'ont été également.

« Requiem pour une rose »
Avec le « Requiem pour une rose » sur une chorégraphie d’Annabelle Lopez Ochoa et une musique de Schubert, les spectateurs ont apprécié un autre univers, une autre forme de néoclassicisme, sur le thème de l'amour. Un univers métissé avec, comme elle le dit elle-même, « un vocabulaire instinctif et composite ». C'était une première à Vaison-la-Romaine.
Annabelle Lopez Ochoa
La chorégraphe belgo-colombienne compose des chorégraphies d'aujourd'hui en utilisant le vocabulaire classique. « C'est important d'amener ce vocabulaire à notre sensibilité d'aujourd'hui. C’est un ballet très poétique avec beaucoup de liberté dans le haut du corps » précise José Martinez.
Le corps de ballet existe, comme dans la danse classique où traditionnellement il joue le rôle de décor vivant du ballet, de mise en contexte, de réaction collective à un événement dramatique, et de faire-valoir des solistes. Mais chacun a une place. « Ça crée une fluidité. »
« La rose est un personnage central avec les cheveux détachés, symbole de féminité, figure forte et libre. Je vois les autres danseurs comme des émanations, comme le parfum de cette fleur ».

Cantate 51, de Bach à Béjart
En troisième partie, José Martinez a proposé « Cantate 51 » sur une musique de Bach et une chorégraphie de Maurice Béjart. On peut rappeler ici que Béjart fut le premier chorégraphe invité du festival de Vaison-la-Romaine. On trouve chez cet artiste contemporain une forme de classicisme qu'on reconnaît aussitôt par son inspiration sacrée, orientale, avec des figures parfois hiératiques et un rythme particulier à ses créations.
Pourquoi avoir choisi « Cantate 51 », ce ballet qui prend pour thème l’Annonciation, c'est-à-dire dans la tradition chrétienne cet épisode qui marque le début de l’Incarnation, le moment où Dieu se fait homme ?
« C'est une pièce qui a été relativement peu dansée. Ce qui est intéressant c'est cet équilibre particulier entre classique et contemporain avec ce contraste entre le couple central et les danseurs qui sont autour. Le costume est classique : une tunique blanche avec une jupette blanche. En même temps, les chorégraphies de Maurice Béjart sont très graphiques surtout dans les duos. Il combine les positions fixes, arrêtées et une dynamique vivante qui crée l'émotion. »
À cette cantate titrée « Louer Dieu sur toute la terre », Béjart donne par sa gestuelle une signification très générale qui voudrait, comme la musique qui l’inspire, « dépasser l'humain »

Mi Favorita de José Martinez
Le spectacle se termine avec Mon Préféré (Mi Favorita) sur une musique de Gaetano Donizetti chorégraphiée par José Martinez lui-même. Un feu d'artifice pour les 18 danseurs du Junior Ballet de l’Opéra national de Paris pendant une demi-heure où le chorégraphe rend un hommage vivifiant à tous les maîtres de l'art de la danse. Non sans humour il remercie pour leur collaboration « Marius Petipa, William Forsythe, Georges Balanchine, Rudolf Noureiev, Fred Astaire, Jiri Kylian, Pierre Lacotte, Lev Ivanov, Claude Brumachon, Patrice Bart, Jules Perrot et Jean Coralli, Harald Lander, Jean-Claude Galotta … sans oublier Louis XIV « le Roy Soleil ! Personne (ou presque) ne manque au catalogue 1651-2025 !
C'est la première pièce chorégraphié par José Martinez en 2002. « Je me suis dit que j'allais travailler avec le vocabulaire classique parce que c'est ce que je connais le mieux, mais que j'allais mettre un peu de poivre, un peu de sel, et laisser aux interprètes cette liberté que j'aurais voulu avoir en tant que danseur. Ça en fait quelque chose de très spontané. Je voulais aussi montrer que la danse classique peut ne pas toujours être sérieuse, qu’on peut s'en amuser, et danser d'une manière très libre.

Au début je voulais trouver mon identité, faire quelque chose qui ne ressemble à personne. Je me suis aperçu que ça n'était pas possible pour une première chorégraphie. Alors j'ai pris le parti contraire. Je vais dire au public que je m'inspire de tout ce que je connais et que ça va être un dialogue avec l'histoire de la danse.
Une anecdote assez drôle. Après la première, des gens sont venus me dire qu'ils avaient vu des références à « La Bayadère » (un ballet chorégraphié Marius Petipa datant de 1877), alors que je n'y ai jamais pensé. Comme quoi, selon le vécu de chacun, on a une vision différente sur un spectacle. On peut même y voir des choses que le chorégraphe n'a jamais imaginées !
Je crois que la manière d'aller de l'avant c'est de s'appuyer sur la tradition et de la faire évoluer. »
Quand la danse traverse le temps et les styles
Cette soirée avec le Junior Ballet de l’Opéra de Paris a offert bien plus qu’un simple panorama de l’histoire de la danse. Sous l’impulsion de José Martinez, ces jeunes interprètes, à l’aube de leur carrière, ont démontré avec brio qu’ils étaient déjà les dignes héritiers d’une tradition vivante, ouverte à toutes les influences. Un vibrant hommage à la danse, à ses maîtres, et à son constant renouveau.