Publié le 01/03/2021

Avec la résurgence du baptistère paléochrétien, Ajaccio retrouve une partie de ses racines

La municipalité de la ville d’Ajaccio a décidé de mettre en valeur son patrimoine, avec un magnifique projet : un antiquarium autour du baptistère médiéval du quartier Saint-Jean, qui verra le jour au printemps 2022. Une formidable façon, par la culture, de lier passé, présent et futur des citadins. Rencontre passionnée avec Simone Guerrini, adjointe à la culture et aux programmes culturels de la ville d’Ajaccio, qui nous éclaire sur le projet.

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Là où un immeuble et un parking devaient être construit, le projet d'un antiquarium autour du baptistère médiéval découvert dans le centre de la ville Ajaccio va naitre au printemps 2022.

A l’origine, le cœur de la ville d’Ajaccio était le quartier Saint-Jean. C’est à cet endroit qu’une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a découvert les vestiges du baptistère paléochrétien Saint-Jean, datant du 6ème siècle, et classé par arrêté du 14 février 2013. L’antiquarium actuellement en travaux mettra les vestiges en valeur dans quelques mois. Ils apparaîtront sous verre dans une allée qui rejoindra le cours Napoléon. L’intérêt archéologique du quartier a été souligné à maintes reprises depuis 1738 et les découvertes réalisées au gré des travaux agricoles et d’urbanisation ont conduit les historiens à localiser dans ce secteur l’agglomération antique d’Ajaccio. C’est aussi ici que se trouvait le siège épiscopal, mentionné pour la première fois dans une lettre du pape Grégoire le Grand datée de 601. Le groupe cathédral était placé sous le vocable de Saint Jean et de Saint Eufrase, dont les reliques furent peut être transportées en Corse par les évêques africains lors de la persécution vandale du Ve siècle.

Baptistère du quartier Saint-Jean, des fouilles et des hommes

Une fouille préventive avait été réalisée par une équipe de l'INRAP, dirigée par Daniel Istria, entre le 14 mars et le 10 juin 2005 en amont de la construction d'un parking souterrain et d'un immeuble d'habitation au cœur de la ville actuelle d'Ajaccio, rue du Dr Pellegrino.

Elle a porté sur une superficie d'environ 1 000 m2 et a permis la découverte d’un établissement romain, mais surtout de mettre au jour une partie du groupe épiscopal paléochrétien, constituée d’une cathédrale et d’un baptistère de plan polylobé. Elle vient compléter la connaissance des ensembles baptismaux de la même période en Corse comme ceux de Mariana, Sagone, Bravone ou Rescamone.

Un antiquarium pour abriter la culture

Rencontre passionnée avec Simone Guerrini, adjointe à la culture et aux programmes culturels de la Mairie d’Ajaccio

Projecteur TV - Danielle Dufour Verna : Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?

Simone Guerrini : Je suis adjointe au maire pour la culture depuis 2014.

Danielle Dufour Verna : De tels projets au temps du Covid, c’est difficile ?

Simone Guerrini : On ne va pas s’arrêter de vivre ! On va continuer à avoir des projets et se projeter sur un avenir meilleur.

Danielle Dufour Verna : Parlez-moi du projet concernant le Baptistère.

Simone Guerrini : Ce projet remonte à plusieurs années avant que nous ne soyons élus. En fait, un projet de construction sur le site avait été prévu, qui remonte à 2004. Un immeuble devait être construit et comme ce territoire, cette région d’Ajaccio était connue depuis très longtemps. L’intérêt archéologique de toute cette zone était déjà connu. Lors de travaux agricoles ou d’urbanisation, au cours du temps des choses avaient été découvertes et on supputait qu’il s’agissait du secteur de l’agglomération antique d’Ajaccio. En 2004, un immeuble et surtout des parkings devaient être construits. La DRAC, à ce moment-là, a demandé un diagnostic archéologique et il s’en est suivi l’archéologie préventive puisque c’était intéressant. L’ensemble du site a été fouillé à partir de 2005. C’est Daniel Istria, archéologue, qui dirigeait tout le travail de l’INRAP à l’époque.

Danielle Dufour Verna : Vous voulez donner à votre projet, le nom d’antiquarium, pourquoi ? En se référant à un petit musée ?

Simone Guerrini : Oui, antiquarium, comme son nom l’indique, est un ouvrage dédié à la découverte d’un site archéologique. La municipalité qui était avant nous avait décidé de faire une structure qui était assez monumentale. En fait c’étaient des murs très hauts et le site disparaissait à l’intérieur. Pour nous, il doit, au contraire, être visible, et non pas transformé en blockhaus et impossible à découvrir de l’extérieur. Ce grand mur avait déjà été construit. Nous l’avons détruit car notre ambition était de le rendre à la population et qu’il soit visible pour tous. Même si vous n’êtes pas un passionné d’archéologie, vous ne pouvez pas passer à côté sans le voir et vous aurez automatiquement l’intention de découvrir plus avant et quel est ce passé de notre cité. Ce petit antiquarium aura un plafond de terre d’une montagne qui n’est pas très loin d’Ajaccio et tout le site est entouré d’une structure de verre courbée qui suit la forme du site. De jour comme de nuit, un éclairage adéquat permettra de le voir à 360 degrés. Tout autour seront des gradins. Ce sera un lieu de vie, un lieu d’échanges qui favorisera les rencontres culturelles, conférences etc. Et pourquoi-pas aussi contempler simplement.

Danielle Dufour Verna : Une sorte de théâtre à la grecque ?

Simone Guerrini : C’est un peu une sorte de théâtre avec des gradins de pierre. Accouplé à cela, juste à côté, au rez-de-chaussée de l’immeuble qui jouxte le baptistère, nous aménageons une salle de médiation qui permettra d’avoir une compréhension du site grâce à des écrans, aux nouvelles technologies… Les fouilles seront racontées, l’histoire du site etc. Des cars de touristes, des élèves, toute une médiation culturelle aura lieu autour de ce site.

Danielle Dufour Verna : Est-ce que vous pensez ainsi donner un second souffle au quartier ?

Simone Guerrini : Le quartier lui-même est en pleine effervescence. C’est un quartier qui est en train de revivre. Beaucoup de choses y ont vu le jour : un hôtel, une société qui travaille sur les nouvelles technologies, le centre communal pour tout ce qui touche au social, toute l’administration de la Communauté d’Agglomération d’Ajaccio. C’est un lieu qui vit actuellement. Ça fait partie aussi de notre réflexion parce que bien sûr, c’est pour nous la découverte de ce patrimoine, c’est aussi favoriser cet espace nouveau, cette déambulation entre deux quartiers de la ville, c’est-à-dire entre le Cours Napoléon qui est l’avenue principale -il y aura un accès piéton- et le quartier Saint Jean où se trouve le baptistère et cela permet de vivre différemment dans le quartier.

Danielle Dufour Verna : Vivre la ville d’une autre façon ?

Simone Guerrini : Absolument et je pense que c’est une excellente chose. La ville a le label Art et Histoire et à ce titre, on met en œuvre toute une politique patrimoniale importante. Je vous parle de l’antiquarium mais nous avons beaucoup d’autres projets qui sont en perspective et tout cela, naturellement, afin de préserver notre patrimoine mais aussi de le valoriser. Le Baptistère fait partie de toute cette politique.

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Danielle Dufour Verna : Les travaux ont commencé quand ?

Simone Guerrini : Le 7 décembre 2020, j’ai eu le plaisir de présider une grande réunion de démarrage des travaux de l'antiquarium. C’était, pour moi, un moment très important car lorsque ce site a été découvert j’étais à l’époque conseiller de Corse à la Culture et au Patrimoine et j’étais à toutes les réunions qui laissaient présager des choses extraordinaires. Ce baptistère, qui est paléochrétien, du Ve siècle, a pour la ville, une importance majeure d’autant qu’il s’intègre dans une vue générale de la Corse car il y a sur la Corse plusieurs sites avec des vestiges semblables. Il est ainsi replacé dans un contexte. Ce site vient compléter la connaissance des ensembles baptismaux de la même période en Corse. Nous avons en Corse un moyen-âge tardif.

Danielle Dufour Verna : Comment réagissent les Ajacciens par rapport à ce patrimoine extraordinaire ?

Simone Guerrini : On a sorti un petit article sur le site de la mairie ; vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui ont visité le site. Nous pouvons considérer que c’est vraiment une attente de la population et je pense que le jour de l’ouverture, il y aura énormément de monde.

Danielle Dufour Verna : Qui est prévue, à quelle date, cette ouverture ?

Simone Guerrini : La fin des travaux est prévue pour le printemps 2022.

Danielle Dufour Verna : Vous qui êtes en charge de la programmation culturelle, j’imagine qu’elle sera riche autour de ce baptistère.

Simone Guerrini : Je l’espère bien ! Non seulement le baptistère, mais bien d’autres choses ont été découvertes sur le site. Les fouilles ont permis de trouver sur un dépotoir qui était à côté, plus de 5000 fragments de céramique du 6e au 8e siècle. Ça permet d’intégrer Ajaccio dans un réseau méditerranéen commercial. Au cours des siècles, ce site a évolué, s’est transformé en cimetière médiéval et on a découvert, là aussi, 80 tombes avec des typologies différentes, allant du 7e siècle au 12e siècle. On a même découvert un sarcophage en marbre blanc en 1938 qui pour le moment est à la Préfecture de Corse et qui intègrera le site par la suite. La médiation sur le site sera effectivement importante.

Danielle Dufour Verna : Quel est, in fine, votre désir pour la consécration de ce projet ?

Simone Guerrini : Qu’il vive ! Qu’il vive réellement. Que ce soit vraiment un lieu de partage, un lieu de prise de conscience de ce que nous sommes, d’où nous venons. Une prise de conscience pour les générations futures ; qu’il est essentiel de préserver ce que nous sommes et ne jamais l’oublier. Ces vestiges en témoignent, puisque c’était la première cathédrale de la ville. Ne jamais oublier d’où nous venons.

Danielle Dufour Verna : Pour résumer : Pour construire le futur, ne jamais oublier le passé ?

Simone Guerrini : Oui, mais en plus, nos racines, nos traditions. Nous nous replaçons aussi, avec ce site, dans le monde méditerranéen.

Danielle Dufour Verna : Pour terminer, quel est le coût des travaux ?

Simone Guerrini : Un million deux cent mille euros.