Publié le 08/04/2021

Balade mentonnaise : « Le nez en l’air » à la découverte des frises et fresques d’antan

La riche histoire des frises et des fresques, grande valeur du patrimoine de la ville de Menton, prend sa source au XIXème siècle, elle est indissociable du développement économique, architectural et touristique de l’époque. Apprenti auprès d’un peintre itinérant, l’italien Carlo Cerutti-Maori s’installait à Menton en 1863 pour y développer une activité de peintre et de fresquiste créant avec sa famille une véritable entreprise. Découverte d’un savoir-faire préservé et des techniques utilisées, en compagnie de Fabien Gauthier, fresquiste du troisième millénaire…

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Partons à la découverte du patrimoine de la ville de Menton, les incroyables frises et fresques, fleuron du patrimoine architectural d'une ville d'art et d'histoire.

À Menton, se tissent "Les rubans du Patrimoine"

Au XIXème siècle la polychromie se décline en longues frises sous les toits de la ville de Menton. Les plafonds des maisons mentonnaises se parent de fresques, un art qui s’inscrit dans une tradition italienne et alpine qui connaît son temps fort entre 1860 et 1930. La proximité des sites de production des pigments que sont la Ligurie, le Piémont et le Roussillon favorise ces superbes créations. Carlo Cerutti Maori (1828-1890), puis son fils Guillaume, sont les grands créateurs des frises à Menton. Vers 1900, l’entreprise de Guillaume emploie jusqu’à cent personnes. Plus de 200 frises sont encore visibles dans le Mentonnais et certaines sont inscrites à l’inventaire des monuments historiques. La ville de Menton a reçu le prix Départemental du Concours National : « Les rubans du Patrimoine ».

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Les frises de Menton : un livre d’histoire sur le patrimoine à ciel ouvert

Si l’origine des frises est pour le Professeur Castela « dans la recherche et l’expression d’un art décoratif du pauvre au sein des populations d’artisans émigrés de Toscane ou d’Ombrie, elles demeurent comme les pages d’un livre d’Histoire qui nous a été légué par nos aïeux ». Qui lève encore la tête aujourd’hui pour décrypter les hauts faits narrés par ces artisans d’hier ? Peu d’entre nous, hommes pressés, les yeux rivés sur écran de téléphone ! Rien qu’à Menton on en dénombre encore aujourd’hui plus de 200 bel et bien visibles… Il suffit de lever les yeux, de se promener le nez en l’air !

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L’épopée d’une dynastie : la famille Cerutti-Maori

L’histoire de la frise est indissociable du développement économique et architectural contemporain et de l’essor du tourisme. L’exemple le plus frappant est celui de la famille Cerutti-Maori. Carlo Cerutti-Maori naît en 1828 des amours clandestines d’un officier Hongrois et d’une noble milanaise. Élevé comme un orphelin dans une famille paysanne, il la quitte pour faire son apprentissage auprès d’un peintre itinérant. Carlo Cerutti-Maori débute dans la peinture sacrée allant d’église en église, de ville en ville. En 1863, après bien des aventures, il pose ses pinceaux à Menton, où il développe l’activité de « fresquiste » (Palais des Princes, Palais des Beaux Arts de Carnolès, villas privées). A sa mort en 1890, Guillaume, poursuit l’œuvre de son père : réfection de l’Église Saint-Joseph, de l’Église Saint-Michel (aujourd’hui Basilique Saint-Michel)… L’entreprise compte alors une centaine d’employés. Elle réalise, entre autres, les fresques du Casino de Biarritz... Parmi les frises Cerutti Maori, encore visibles à Menton : La Maison d’Adhémar de Lantagnac (rue piétonne) La Fondation Bariquand (sur les hauteurs de Garavan), le Palais Gléna (rue Guyau), considéré lui comme un joyau de l’art fresquiste…

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« Sgraffite » « Frises » et « Fresques »

Le sgraffitto est une technique de peinture monumentale très populaire à la Renaissance. Après une relative discrétion, il réapparu comme art officiel dans l’architecture toscane du XIXème siècle. La forme la plus ancienne est le sgraffitto en couche unique. Puis, vient la technique du sgraffite en deux couches (ou plus). Les couleurs ressortent de l’usage en enduit de fond de la brique pilée (tuileau) ou du charbon de bois. On utilise aussi l’oxyde de ferrique noir ou rouge. Parfois on ajoute une solution au vitriol vert. Beaucoup plus tard, vers 1930, apparaît le faux sgraffitto qui reprend les motifs au pochoir… Pour la fresque, la technique la plus employée est celle du « Buon fresco », ou celle du « freco secco », de la détrempe, voire de la fausse fresque par application d’un lait de chaux. Les pigments sont le plus souvent des terres naturelles, de Sienne, d’Ombrie, verte de Vérone, blanche Sangiovanni. Les oxydes métalliques, cadium, chrome, cobalt, cuivre, proviennent souvent de Bourgogne ou du Vaucluse.

Les thèmes ? Innombrables

Les datations s’étalent de 1860 à 1930. On identifie plusieurs phases : du style Belle Époque au Réalisme figuratif jusqu’à la composition abstraite. Le style néoclassique : angelots, palmes, allégories grecques, l’ensemble des lignes est sobre, fluide, avec de grands espaces vierges. Le style éclectique : d’inspiration, comme son nom l’indique, de styles différents, relativement homogènes avec profusion de bandeaux, de fleurs, de rinceaux et de guirlandes. Le style Art Nouveau : marqué par le règne de la ligne courbe, les entrelacements avec souvent l’iris pour thème floral. Le style Art déco s’identifie au thème des fruits. Sa rareté correspond sur le Pays Mentonnais à la période de renaissance su Sgraffitto.

Citrons de Menton et la vigne

Les citrons sont les fruits les plus représentés : sept fois sur quinze. C’est l’indice de leur place dans l’économie locale. Une des dernières frises de porte leur fut consacrée en 1949, rue Benett : « Les Fruits d’or ». Les citrons sont présents dans une soixantaine de frises, suivis par la vigne. Entre la « Maison Ré » et la création de « Cerutti Maori » il existe une permanence de style. Rue Guyau l’expression s’enrichit de stuc et d’émaux…

De Monaco à Gorbio et Beausoleil

Dans le pays mentonnais on peut admirer de nos jours tout particulièrement : le Riviera Palace, à Beausoleil ; le Sanatorium de Gorbio, l’hôtel Hermitage de Monte-Carlo qui demeure l’un des plus beaux fleurons de la fresque avec ses personnages majestueux qui se rient des modes et du temps qui passe…

Sources : « Les frises, du Sgraffito à la Polychromie », ouvrage édité par la Jeune Chambre Économique de Menton-Roquebrune (1996).