Publié le 02/08/2019

Don Giovanni – Chorégies d’Orange : de l’autre côté du miroir …

Don Giovanni Chorégies d'Orange

Don Giovanni - Chorégies d'Orange - Interviews des artistes lors du maquillage, à quelques instants de la représentation générale

Le mercredi 31 juillet 2019
Représentations les 2 et 6 août à 21H30

Ne pouvant pas mettre l'intégralité des interviews dans notre vidéo, pour respecter une durée conforme d'un reportage,  nous avons retranscrit ces témoignages qui méritent d'être partagés dans toute leur splendeur.

Frédéric Chaslin, directeur musical

Comment pourriez-vous présenter cette musique ?
Don Giovanni, c'est l'opéra dans lequel, je dirais, Mozart a donné la main à l'époque romantique, où il a ouvert quelques portes. Beethoven s'est chargé de "défoncer par la suite", parce que Beethoven, c'était le taureau qui rentrait dans l'arène. C'est quelqu'un qui a pris les rennes de la musique baroque telle que lui avait léguée Haydn, et qui a ouvert au romantisme. Il choisissait toujours des thèmes extrêmement romantiques. Et là en choisissant un thème qui en plus joue avec le surnaturel, et plus encore avec La Flûte Enchantée qu'il a écrite par la suite qui est encore plus dans le surnaturel. Quand je dis qu'il ouvrait les portes au romantisme, au romantisme allemand, qui était très basé sur le surnaturel, quand on pense à Wagner, Schumann, Faust, etc, c'est vraiment Mozart qui a ouvert les portes au romantisme.

Quelles sont les émotions que le public peut ressentir à travers cette musique ?
Les émotions que l'on trouve chez Mozart, c'est celles que l'on trouve dans toutes ses autres oeuvres. La beauté des lignes mélodiques, le théâtre. Chez Mozart, toutes les lignes mélodiques ont un rapport avec une émotion théâtrale. Vous prenez par exemple les concertos ou les symphonies, il utilisait le même matériau symphonique. ce qui veut dire selon moi, qu'il était toujours dans le théâtre, toujours dans la scénographie.

Quelle est l'approche que vous avez avec les solistes, les choeurs, les musiciens?
Le chef d'orchestre est un chef d'équipe. mais là nous avons une équipe qui marche toute seule. Alors tout va bien !

Erwin Schrott, baryton basse : il est Don Giovanni

Que représente Don Giovanni pour vous ?
C'est un plaisir de jouer et de chanter la musique formidable que Mozart lui a écrit, et le magicien de Da Ponte qui a écrit l'histoire. C'est un honneur pour moi, comme artiste, d'avoir la possibilité de rencontrer cette pièce théâtrale et de musique ici, à Orange.

Quel lien avez-vous avec ce personnage ?
La première fois que j'ai vu la partition, j'avais 14 ans où j'ai participé en tant que choriste à Montevideo, lors de mes études d'opéra. La seconde fois, c'est lorque j'ai eu la possibilité de faire un enregistrement de Don Giovanni, mais j'étais très jeune. J'avais 22 ans. Je ne croyais pas que c'était une bonne vocation. Ensuite, j'ai fait mes débuts dans cet opéra, lorsque j'ai joué le rôle de Mazetto, à l'Opéra de Paris, avec José Van Dam qui jouait le rôle de Leporello. C'est une magnifique rencontre avec un artiste de cette taille là. C'était incroyable pour moi.
J'ai faits mes débuts dans la prise de rôle de Don Giovanni à Washington, sous la direction musicale de Placido Domingo  après avoir interprété le rôle de Leporello à l'Opéra Royal House.
Et maintenant ? à Orange ! La dernière fois que l'on a joué Don Giovanni ici, c'était avec Ruggero Raimondi, un icône!
Une personne très douce, humaine, noble. Avec José Van Dam et Léo Nucci, ce sont des artistes avec qui j'ai beaucoup appris. C'était une grande chance.
Avec la production d'Orange, c'est un rôle que j'ai joué plus de 300 fois. c'est incroyable, car  je n'ai que 22 ans !!!! (rires)

300 fois ? whaoo ! Comment évolue chacune des représentations?
Elle change continuellement. Je change continuellement ! Le moment particulier dans ce moment même à Orange, c'est que je me rappelle de l'énergie, de la testostérone de Don Juan ! J'apprends tous les jours. Ce n'est pas uniquement que je change, mais aussi que j'apprends. J'ai appris hier, j'apprends aujourd'hui. Entre la pré-générale d'hier et la générale d'aujourd'hui, avec beaucoup de public, et je suis vraiment très content, ce sera différent, ce sera encore des choses que je vais comprendre, et que je pourrais jouer dans l'avenir.
Une autre chose qui m'a beaucoup aidé : j'ai eu l'opportunité en janvier 2019, de faire la mise en scène de Don Giovanni et de jouer le rôle titre au Théâtre des Champs Elysées à Paris. C'était un succès incroyable. Je vous remercie si vous êtes venus! Pour moi, c'était une grande expérience, et cela m'a permis d'avoir un regard extérieur sur le personnage de Don Giovanni, plus profond dans sa mentalité, de mieux comprendre sa relation avec les autres.
C'est une surprise constante. c'est merveilleux !

Karine Deshayes, mezzo-soprano : elle est Donna Elvira

Comment vous sentez-vous à une petite heure de la représentation générale ?
Sereine, parce que je profite justement de ce moment de détente qui nous est offert de se faire maquiller, chouchouter. C'est vrai que c'est un moment plutôt de détente; et en même temps, je me concentre aussi par rapport à mon texte, par rapport à mon rôle. Mais c'est un côté zen avant l'excitation qui sera un quart d'heure avant le début. (sourire)

Est-ce que le maquillage apporte une complémentarité à votre interprétation?
Bien-sûr, cela nous aide énormément. Quand on répète, on n'est pas en situation, mais dès que l'on a un maquillage qui correspond au personnage, la coiffure, les costumes, cela donne une allure, une présence autre.

Présentez-nous votre personnage...
Donna Elvira, c'est la femme légitime de Don Giovanni. C'est la seule qu'il a épousé. C'est quelqu'un qui est très amoureuse de Don Giovanni, je le pense vraiment, qui est aussi très fidèle. C'est aussi une caractéristique du personnage, la fidélité. Dans cette mise en scène, on a beaucoup accentué peut-être le côté bipolaire : il y a la femme amoureuse, et en même temps, il y a la femme qui est trahie, qui est bafouée. Donc elle a aussi parfois un sentiment de vengeance complètement exacerbé. C'est sans arrêt une juxtaposition de ses sentiments entre la femme amoureuse, qui est prête d'aller jusqu'au bout pour le sauver. Jusqu'à la scène finale, elle va vraiment encore, avec cette foi, vouloir sauver l'homme qu'elle aime. Et puis, dans son air, on voit vraiment tout le contraste de ses sentiments. C'est un rôle où à vraiment plein de choses à exprimer. C'est une grande chance de l'interpréter. Vocalement, c'est très beau, et au niveau du personnage, on est nourrit par plein, plein de choses. Et justement, à la fin, une fois que Don Giovanni est mort, on voit le côté de la haute société de Donna Elvira. Comme elle n'a pas réussi à sauver l'homme qu'elle aime et son mariage, elle décide de se retirer au couvent . On voit que c'est une femme croyante, fidèle, amoureuse.

Avez- vous déjà interprété ce rôle ?
C'est un rôle que j'ai interprété une seule fois, à l'Opéra de Paris, il y a quatre ans, donc ce n'est que la deuxième fois, et je suis très excitée de reprendre ce rôle. Même si je l'ai déjà fait une fois, je l'ai retravaillé avec mon professeur de chant, mon chef de chant, comme si c'était une première fois. J'aime toujours me réapproprier un rôle parce qu'avec les années qui passent et les autres rôles que l'on a fait, évidemment entre-temps, la voix évolue, nos désirs évoluent. Il faut travailler comme si c'était une première fois.