- Auteur Léa-Sarah Perez
- Temps de lecture 5 min
À Salon de Provence, le Festival International de Musique de Chambre se joue des frontières musicales
Retour sur le concert de clôture du Festival International de Musique de Chambre de Salon-de-Provence, de l’été 2025. Un splendide bouquet final offrant un dialogue musical entre les époques. Au programme, les oeuvres des compositeurs d’hier et d’aujourd’hui, d’Orlando Bass à Beethoven, en passant par Paul Schoenfeld, Franck Bridge et Mozart.

C’est au bruit des programmes virevoltants dans le vent que le dernier concert de l'été du Festival International de Musique de Chambre de Salon-de-Provence s’ouvre au Château de l'Empéri. Un fabuleux programme, mêlant musique classique et musique contemporaine, avec les compositeurs d'hier et les compositeurs d’aujourd’hui, a clôturé l'édition 2025 d'une mémorable virtuosité.
Bouquet Final au Festival International de Musique de Chambre 2025 - Salon-de-Provence
Freylakh - Musiques traditionnelles juives et musique contemporaine
Paul Schoenfeld (1947-2024)
Composé de Natalia Lomeiko (violoniste lauréate du prix Tibor Varga), Paul Meyer (clarinettiste français à la carrière internationale) et Orlando Bass (pianiste et compositeur anglais), cette formation s'attache à honorer l'œuvre de Paul Schoenfeld (connu pour sa facilité à combiner différents genres musicaux). Freylakh, signifiant « joyeux » en yiddish, est une œuvre de fusion musicale mêlant musiques traditionnelles juives et musique contemporaine.
À la clarinette, on retrouve les sonorités, harmoniques et phrasés typiques du style klezmer, soutenus par le piano et le violon, aux sonorités et à la technique plus contemporaines. La formation se distingue par son habilité à s'exprimer dans des styles différents. Tout au long de cette œuvre, la virtuosité est mise en avant, notamment par l’utilisation de la technique de glissando à la clarinette, rappelant le fameux Rhapsody in Blue de George Gershwin.
La Boîte de Pandore
Pandora, création de Orlando Bass
Le concert se poursuit avec Pandora, création du pianiste Orlando Bass, interprété par lui-même et le contrebassiste Olivier Thiery (3e prix d’un concours international allemand). Le titre de l’œuvre fait référence à la légende de la boîte de Pandore, issue de la mythologie grecque : lorsque Pandore ouvre la boîte renfermant les malédictions destinées à l’humanité, elle la referme aussitôt. Elpis, également connu sous le nom d’ « espoir », est la seule entité à y rester enfermée… Mais que signifie donc ce terme ? C’est à cette question qu’Orlando Bass tente de répondre, à travers une œuvre chaotique et contemporaine, plongeant l’audience dans un univers étrange.
Des harmonies riches et voluptueuses
Lamento pour deux altos de Frank Bridge (1879-1941)
La troisième œuvre de la soirée, Lamento pour deux altos de Frank Bridge (compositeur et altiste anglais, s’inscrit dans la musique classique et dissonante). Elle est interprétée par les deux altistes Amihai Grosz (premier alto de l'Orchestre philharmonique de Berlin) et Joaquín Riquelme García (premier alto de l’Orquesta Sinfónica del Principado de Asturias). À travers cette pièce, Frank Bridge plonge l’audience dans une atmosphère aigre-douce, empreinte de mélancolie, renchérie par la présence d’harmonies riches et voluptueuses. Au caractère tourmenté, l’interprétation instrumentale est au service de l’émotion, et non de la virtuosité, comme les précédentes pièces de la soirée.
Une atmosphère mystérieuse
Le Prélude pour quatuor à vents - Frank Bridge
Le Prélude pour quatuor à vents, deuxième œuvre du compositeur Frank Bridge au programme, exprime une écriture instrumentale et un travail d’arrangement pointus, introduisant des sonorités singulières. La superposition de mélodies courtes crée une sensation de chaos, souvent retrouvée dans l’œuvre. Interprétée par Emmanuel Pahud (flûtiste soliste du Berlin Philharmoniker), Paul Meyer, François Meyer (premier hautbois de l’Orchestre Philharmonique de Nice), Gilbert Audin (premier basson de l’Orchestre de l'Opéra national de Paris), l’audience est médusée par l’atmosphère féérique et mystérieuse dégagée par cette interprétation.
Une expérience riche en sonorités
Le Quatuor n°2 pour flûte et cordes en sol Majeur - Mozart (1756-1791)
La soirée se poursuit avec Le Quatuor n°2 pour flûte et cordes en sol Majeur de Mozart, interprété par Emmanuel Pahud, Natalia Lomeiko, Joaquín Riquelme García et Zvi Plesser (violoncelliste et directeur musical du Festival de la Voix de la Musique en Haute Galilée, festival de musique de chambre). Avec cette pièce, Mozart offre une expérience riche en sonorités, avec la présence de deux palettes de couleurs s’opposant : le côté cristallin, léger et pétillant de la flûte et l’aspect plus sobre et chaud des cordes. Tout au long de cette œuvre, les thèmes principaux sont dédiés à la flûte traversière, souvent repris par le violon.
Une grande virtuosité
Septuor pour cordes et vents en mi bémol majeur - Ludwig Van Beethoven (1770-1827)
Le programme se termine par le Septuor pour cordes et vents en mi bémol majeur de Ludwig Van Beethoven, œuvre souvent méconnue du prestigieux compositeur. Divisée en six mouvements, elle est interprétée par l’intégralité des musiciens précédemment cités, avec l’addition de Benoît de Barsony (cor soliste de l’Orchestre de Paris). La présence d’une grande virtuosité (notamment au violon et à la clarinette) se fait entendre tout au long de l’œuvre. À travers ce septuor, l’audience est confrontée à une atmosphère constamment changeante. Elle imposée par l’alternance de différents ressentis, tantôt mélancolique, tantôt romantique.
Un superbe hommage aux différentes voix de la musique savante et traditionnelle, marque la fin de cette saison 2025 pour le Festival International de Musique de Chambre de Salon de Provence. Un beau final dédié à de multiples couleurs sonores.