Publié le 21/04/2021

Helena Noguerra est bien la « Reine de la piste » sur scène !

Helena Noguerra, actrice et chanteuse de talent a présenté son dernier spectacle “La Reine de la piste” au théâtre anthéa de la ville d’Antibes. Une représentation retransmise en ligne en direct pour les abonnés, où quelques journalistes étaient invités. Cabaret, récital, pièce de théâtre, “La Reine de la Piste” est un hymne à la liberté de la femme.

Soeur de Lio Helene Noguerra La Reine de la Piste Anthea Antibes

Dans son spectacle "La reine de la piste", Helena Noguerra, artiste multidisciplinaire, (chanteuse, comédienne, romancière) impressionne non seulement par son talent, mais également par une étonnante présence scénique. Elle était accompagnée du guitariste Philippe Eveno. Un spectacle musical présenté - toujours en privé- à l'anthéa Théâtre d'Antibes et diffusé en direct sur le site du théâtre uniquement pour les abonné(e)s ayant réservé.

Privée de concerts et de festivals à cause de la pandémie pour aller défendre son dernier album « Nue », sortie en 2019, Helena Noguera s’est retrouvée -quasi seule- sur la grande scène du théâtre anthéa d’Antibes. Un exercice d’autant plus inédit qu’elle a dû se produire devant un noyau de professionnel(le)s du spectacle vivant, le personnel du théâtre et quelques journalistes dont celui de ProjecteurTV. Quelques dizaines de personnes, rigoureusement masquées et distancées pour éviter d’être perdue, sentir un soutien devant les caméras qui diffusaient -une nouvelle fois- en direct sur le site d’anthéa pour les abonné(e)s ayant pré-réservé.

La très bonne note artistique de Pierre Notte

Lorsque j’arrive dans cette immense salle, le guitariste Philippe Eveno fait ses derniers essais de son et lumières, côté jardin, avec ses deux guitares. Il me paraît noyé sur cette très grande scène et je suis interpellé par le décor très minimaliste, spartiate pourrait-on dire. Il file aussitôt vers les loges pour se changer.

Quand il revient, ses pas discrets résonnent étrangement comme font ceux des sportifs qui jouent dans des enceintes désertées par le public, on pourrait l’entendre respirer. Premières notes qui sortent de la guitare acoustique et la longiligne silhouette noire d’Helena Noguerra surgit côté cour dans une démarche féline, très lente mais bien rythmée aussi par les accords. Beaucoup moins rapide et saccadée que celle du mannequin qu’elle a été dès les années 80 mais avec la même classe, peut-être encore plus car elle a surtout un message à faire passer.

« J’avance, j’avance quand même… J’avance, tant pis. Encore une fête à laquelle je n’ai pas été invitée. »

Vexée par cette nouvelle humiliation, elle s’y incruste, nous y emmène pour découvrir les personnages -parfois familiers- et nous dresser un portrait de chacun et chacune, sans concession, au couteau bien aiguisé ! En même temps elle revient sur son histoire, ses rencontres plus ou moins heureuses. Il en est une qui revient souvent, celle avec Paul, l’homme du Bar Hemingway à qui elle cri « Je t’aime, salaud. »

Il ne s’agit pas d’une récitation des textes écrits par Pierre Notte qui a trouvé la bonne note artistique pour mettre en scène ce qui pourrait être le croisement entre un récital, un spectacle de cabaret sans véritable décor et du théâtre musical.

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Helena Noguerra, presque seule sur scène, mais quelle présence !

Quand on évoque un récital, il est question d’un concert public ou privé avec un ou deux musiciens. Ce soir-là, ce fut le cas avec Philippe Eveno, seul musicien, et nous étions en "concert privé". Sans oublier qu’Helena est aussi chanteuse avec un premier titre Lunettes noires en 45 t (1988) sorti -pour ses débuts sous le pseudo d’LNA Noguerra- et soutenu par un clip réalisé par le fameux duo Pierre & Gilles (1). Les fans auront aussi reconnu quelques morceaux de son dernier album "Nue". Pour les autres qui ont jalonné son cheminement sur la piste, il faut revenir à Higelin, Barbara et Dalida.

Si je parle de cabaret, on ne peut s’empêcher de se rappeler qu’elle a été danseuse/choriste sur le clip Tes yeux noirs d’Indochine, réalisé par Gainsbourg (1985) . Mais c’est surtout parce que dans « La reine de la piste » il y a tous les ingrédients, musique, danse , histoire et costumes comme dans les spectacles de cabaret. Si Helena fait la très grande partie du spectacle dans sa tenue noire, elle en change totalement lorsqu’un habit de lumière lui tombe du ciel et qu’elle le fait sur scène, pas en coulisses. Il est rouge, parsemé de paillettes et c’est le moment de reprendre Laissez-moi danser de Dalida.

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Les textes, musiques et attitudes s’enchaînent avec la précision et la justesse d’un mécanisme horloger monté par des orfèvres en la matière. A noter le jeu de lumières qui arrive à nous faire oublier l’absence de décor.

Pour ce qui est de l’aspect théâtre musical, nous avons déjà évoqué la musique à travers la carrière d’Helena. Sur la scène antiboise, on a vu la comédienne qui retrace la vie et les amours d’une femme qui ne sont toujours synonymes de fêtes, la raconter sans détour, avec humour, sarcasme, mélancolie ou colère mais toujours avec les mots justes. Elle livre à notre esprit, les réflexions d’une femme, peut-être une partie des siennes, sur sa condition dans la société. Mais qui se souvient de ses débuts au cinéma dans Ah Si j’étais riche de Gérad Biltin & Michel Munz (2002) aux côtés de Valéria Bruni-Tédeschi, Jean-Pierre Darroussin… Mais aussi de son premier roman la même année L’ennemi de l’intérieur (Éditions Denoël) ? Ne pas mettre de côté son activité comme réalisatrice de court métrage et documentaire.

Si on veut finir avec la musique, il faut souligner que nous avions un expert guitariste en la personne de Philippe Eveno. Il est auteur-compositeur et interprète mais surtout le compositeur et accompagnateur d’un autre Philippe, Katherine avec qui -depuis 2017- il présente un concert littéraire Ce que je sais de la mort, Ce que je sais de l’amour. Si on rajoute que ce même Philippe Katherine a été le mari d’Helena Noguerra, il n’y a pas de hasard de retrouver cette dernière sur scène avec le guitariste.

Je vous souhaite de pouvoir voir ce très juste et touchant spectacle d’une quinquagénaire resplendissante, artiste multidisciplinaire, où elle réussit la gageure de nous faire oublier qu’elle est seule -avec juste un musicien- sans vraiment de décor sur une grande scène qu’elle occupe tout au long avec une aisance qui paraît si facile.

A l’issue du spectacle, les deux artistes Helena Noguerra et Philippe Eveno ont été rejoints par Pierre Notte, le metteur en scène et auteur et par Daniel Benoin comme médiateur avec les internautes. Avant les questions des internautes, celle du directeur d’anthéa, Daniel Benoin.

Questions-réponses entre Helena Noguerra, Philippe Eveno, Pierre Notte et les internautes

Daniel Benoin : Comment est venue l’idée du spectacle ?

Helena Noguerra : En fait, lorsque j’ai fini mon dernier album, je me suis rendue compte que de tourner dans les circuits classiques comme je le faisais auparavant, cela devenait compliqué pour moi. J’étais plus assimilée comme comédienne. Un ami m’a dit d’amener ma musique au théâtre. Je suis allée frapper à la porte de Pierre (NDLR: Pierre Notte) pour lui demander comment on pouvait inventer un projet où je mélangerai la comédienne avec la musicienne pour amener la musique au théâtre.

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Pierre Notte : Il était question de rassembler les trente ans de carrière de la chanteuse avec les différents albums dont le dernier "Nue". Rassembler une quinzaine de titres qu’Helena Noguerra choisissait et a choisi. De choisir ensemble l’ordre et avec Philippe qui est le compositeur essentiel de toutes les partitions, de toutes les musiques issues de chansons de Barbara de Jacques Higelin. Réunir les chansons et à partir de celles-ci tisser une trame, une sorte de poème qui serait aussi pour elle, un portrait d’Helena à travers les choses qu’elle pouvait raconter l’histoire d’une femme dans ses rapports avec les hommes, un rapport qui peut être tendre mais parfois violent aussi, assassin.

Philippe Eveno : Je voulais juste préciser qu’Helena a fait beaucoup d’albums, je n’ai pas composé toutes les chansons qu’elle a chantées depuis le début de sa carrière. Pour l’album "Nue", particulièrement, on l’a fait ensemble, elle a écrit les textes et j’ai fait la musique.

Internautes : Remarque sur une forte présence de Barbara.

Pierre Notte : Nous avons en commun Helena et moi, une grande fascination pour Barbara et Dalida, moins Dalida pour moi j’avoue. Helena m’a demandé si on pouvait intégrer des chansons de Barbara dans le spectacle, j’étais enchanté. Pour moi Barbara a eu une influence très importante en matière de chansons, de textes et de musiques ainsi que de théâtre. Ici on retrouve cette force féminine dangereuse, effarante, effrayante. La passion du théâtre, de la scène, la figure si forte, monstrueuse que la comédienne, Helena , transforme en grâce extrême. Il est évident d’évoquer ces fantômes qui sont si chers à nos coeurs, Barbara, Dalida et d’autres.

Internautes : Êtes-vous belge, portugaise ou star américaine ou tout cela en même temps ? En tout cas, bravo !

Helena Noguerra : C’est gentil. Je suis belge, mon passeport est belge.Mes deux parents sont portugais, je ne suis pas une star américaine.

Pierre Notte : En attendant la prochaine question, je tiens à préciser qu’il est question de cornets de frites et de sauce américaine dans quelques chansons. La belge attitude est très présente, notamment dans le dernier album "Nue".

Helena Noguerra : Avec de la sauce américaine, bien sûr. J’ai en tellement mis que je dois être américaine, maintenant.

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Internautes : Que ressentez-vous avec ce retour sur scène ?

Helena Noguerra : Cela fait du bien, du bien. En même temps ce sont de drôles de conditions, ça fait un peu peur de savoir que les gens regardent sur leur écran. Ce qui m’effraie c’est que ce soit filmé, monté. Ce que j’aime bien dans le théâtre, c’est que les gens regardent où ils veulent.Ça m’effraie de me dire que je suis en gros plan. Il y a un truc qui me fragilise un peu mais à part cela, la joie d’être sur scène c’est formidable et très très rare.

Philippe Eveno : Évidemment et c’est un grand plaisir de le faire ensemble. Moi j’ai fait beaucoup de scènes mais assez peu de scènes mise en scène. Ce qui est très troublant pour cette représentation , c’est qu’habituellement un spectacle s’inscrit dans une durée, même quand on le joue pour la première fois. On sait qu’on va le jouer ensuite plusieurs fois. Alors qu’ici, on arrive, on joue qu’une fois exceptionnellement -grâce à toi Daniel- dans ces conditions et qu’ensuite le spectacle est terminé. C’est à la fois une première, une sorte d’avant-première, elle est exceptionnellement retransmise. Il n’y a pas cette relation aux vivants qui nous est interdite aujourd’hui au théâtre et c’est à la fois la dernière. Ce qui est aussi un ensemble de choses troublant.

Internautes : Comment vous êtes-vous rencontrés tous les deux ?

Helena Noguerra : A travers un ami que nous avons en commun qui s’appelle monsieur Katherine, Philippe de son prénom qui est également chanteur. Philippe -lui (le guitariste) est ami avec l’autre Philippe, avec qui j’ai vécu. Cela fait vingt ans que nous jouons ensemble, en fait.

Philippe Eveno : La première fois que je l’ai vue, nous étions en résidence avec Philippe Katherine et Anna Karina. Elle est venue nous rejoindre.

Helena Noguerra : Je n’ai pas souvenir de cette première fois. Moi j’ai l’impression que je t’ai vu dans un café à Saint -Germain, on a bu un verre de vin blanc, on a deux première fois mais bon. Et Pierre quand est-ce que nous sommes rencontrés ?

Pierre Notte : Nous sommes rencontrés au Théâtre du Rond-Point quand tu chantais avec ton fils et que je te présentais sur le plateau. Ensuite tu as fait une lecture de tes pièces au Rond-Point puis on s’est revu plusieurs fois autour de la pièce « Une femme » avec Catherine Hiegel puis un peu plus autour de "Vera", la pièce de Petr Zelenka que vous avez joué ici … Il y avait Helena et Karine Viard... Et vous Daniel, vous vous êtes rencontrés comment avec Helena ?

Daniel Benoin : Il y a longtemps… 2007, quand je montais "Faces" d’après le film de Cassavetes, je cherchais la comédienne qui allait incarner le rôle de Gena Rowlands et on a retravaillé ensemble par la suite mais je ne suis pas là pour parler de moi.

Helena Noguerra : Ce fut une belle rencontre dans ma vie et avec cette chance là, merci.

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Internautes : Content de vous revoir en musique autant qu’au cinéma ! A quand sur scène quand ce sera possible ?

Helena Noguerra : Sur scène avec cette pièce, quand ce sera possible. On a une tournée mais les dates sont reportées, octobre, novembre jusqu’en 2022, on a des dates qui se reportent à chaque fois. Au cinéma, j’ai fait un film belge mais je ne sais quand il va sortir. Pour le cinéma, j’ai fait un téléfilm pour TF1 avec Franck Dubosc qui s’appelle "La dernière affaire".

Internautes : Pourquoi avoir choisi le thème de l’homme violent, de la violence conjugale ?

Helena Noguerra : Moi ça m’intéresse de parler des femmes, de la liberté et de la difficulté d’être libre. On va demander à Pierre mais quand je l’ai vu, je lui ai dit que ce qui m’intéressait aussi, c’est un pseudo portait de moi. Bien sûr ce n’est pas tout à fait un portait de moi car je suis vivante, je n’ai pas été assassinée et je n’ai pas eu de drame comme cela dans ma vie. Mais j’avais la sensation quand on disait "Helena est une femme libre" mais libre de quoi ? Il y a une prison, mes sœurs sont en prison ? Si on dit que je suis libérée c’est qu’il y a un problème. Tant que l’on dira que les femmes sont libres ou libérées, c’est qu’il y a encore un problème. J’avais la sensation -et je l’ai toujours- que la vie que je viens de traverser (j’ai déjà 50 ans et je peux déjà comprendre ce que l’on vient de traverser) que cette liberté que l’on m’octroie et pour laquelle je me suis bagarrée a un coût. Et ce coût représente une forme de violence car il faut vraiment se battre. On est parfois mal jugées, c’est au prix d’une grande solitude. Il y a quelque chose de douloureux à être une femme libre. Souvent on me voit très joyeuse parce que j’ai cette politesse là, à la Jacques Demy, d’être légère et souriante pour ne pas m’appesantir sur ces choses là mais la question du féminisme et de la femme m’intéresse beaucoup depuis toujours. J’ai toujours été une militante très en douceur et humblement, discrète. Ça m’intéressait d’avoir un spectacle pour parler de cette liberté. Quand Pierre a entendu mes chansons qui sont très légères et parlent d’amour, il a ressenti, à travers mes textes, une forme de violence qui m’avais moi-même échappée. Mais c’est vrai que quand une femme de 30 ans (à l’époque) écrit "Je t’aime, salaud même quand tu bois de trop…" c’est stupide. Mais c’est encore l’héritage que nous avons -nous les femmes- des chansons des années 50 qui chantaient "Bah c’est mon mec qui fout des beignes mais je l’aime" et que l’on retrouve dans une chanson d’une jeune femme de 30 ans dans les années 2000. Je pense que Pierre a saisi toute cette violence qui était dans mes chansons.

(1) Pierre et Gilles est le pseudonyme du couple d'artistes plasticiens français formé par le photographe Pierre Commoy, né le 15 août 1950 à La Roche-sur-Yon, et le peintre Gilles Blanchard, né le 9 décembre 1953 au Havre. Ils vivent et travaillent au Pré-Saint-Gervais. Ils créent des photographies multicolores, peintes sur toile, dans un style kitch et très glamour, inspiré de la culture pop. Ce sont des œuvres réalisées à quatre mains et dont le fond est constitué par des décors très sophistiqués, construits en taille réelle dans leurs ateliers.