Publié le 05/03/2021

Neuf artistes pour nous faire « Rire de tout » avec les textes de Pierre Desproges

Peut-on encore “rire de tout”, comme le disait si bien Pierre Desproges ? Daniel Benoin organise une soirée en hommage à l’œuvre encore si parlante de l’humoriste, en compagnie de François Berléand, François-Xavier Demaison, Michel Boujenah, Gad Elmaleh, Charles Berling, Mélanie Doutey, Dora Tillier et Stéphane de Groodt. L’anthéa, Antipolis Théâtre d’Antibes organisait à nouveau une diffusion puis une rencontre en ligne avec les artistes.

Hommage pierre desproges anthea antibesJPG

En quelques jours et coups de téléphone, Daniel Benoin a réuni un groupe d’artistes sur la scène de l'anthéa, Antipolis Théâtre d’Antibes, pour un hommage imprévu à Pierre Desproges, "humoriste français réputé pour son humour noir, son anticonformisme et son sens de l'absurde" selon la définition de Wikipédia.

Dans sa série non exhaustive de spectacles diffusés en streaming, cet hommage à Pierre Desproges n’était pas prévu par le théâtre Anthéa d’Antibes. C’est la magnifique surprise que nous avait réservé Daniel Benoin pour les quelques dizaines de personnes présentes et masquées mais surtout pour les milliers devant leurs écrans.

Pierre Desproges, un iconoclaste de l’humour

Pas du tout certain que la génération « Z » ou même une bonne partie de celle d’avant ne sache qui était Pierre Desproges. Cela fait presque trente trois ans (18 avril 1988) que cet iconoclaste de l’humour est parti semer la zizanie ou secouer le cocotier au paradis des humoristes. Pas certain du tout qu’il pourrait encore - dans le contexte actuel de « culture cancel », de censure à tout-va, nous abreuver de ces maximes, petites phrases ou analyses qui ont fait le régal de notre génération que l’on qualifié - parfois dédaigneusement de « boomers ».

"Desproges citation"

« On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui » Pierre Desproges

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La plus célèbre des ses phrases « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui » est plus que jamais d’actualité !

Alors quand on reçoit une invitation à être parmi les privilégié(e)s pour assister en live à un hommage à Pierre Desproges proposé par Daniel Benoin qui a réussi à inviter - en quelques jours et coups de téléphone - un panel d’humoristes et de comédiennes, on sait que l’on va revenir à un rire qui nous manque mais également que l’on va rajeunir de plus de trente ans !

Quand le rideau se lève, c’est la photo de Pierre Desproges, avec son nœud papillon rouge sur sa chemise blanche sans oublier l’énorme coquelicot dans la pochette de la veste de son costume qui nous accueille. Tout suite nous pensons à cette immortelle séquence « La minute nécessaire de Monsieur Cyclopède » qui serait totalement impossible à diffuser en ce moment ! Si vous ne connaissez pas, je vous invite à consulter les archives de l’INA d’où est extrait ce moment culte que constitue le sujet « Évaluons le quotient intellectuel de Beethoven » qui ouvre cette soirée, avec Desproges dans la peau du compositeur… Le test est édifiant.

C’est sur cette même musique de Beethoven que Daniel Benoin, le metteur en scène et grand ordinateur de cet hommage pénètre sur la scène de la salle Audiberti en compagnie de ses huit complices. François Berléand & François-Xavier Demaison (qui étaient déjà la veille sur cette scène pour la pièce « Par le bout du nez »), Michel Boujenah, le voisin, Gad Elmaleh, l’habitué tout comme Charles Berling mais également Mélanie Doutey, Dora Tillier et Stéphane de Groodt.

Le spectacle commence avec la lecture de Daniel Benoin de la lettre de Perrine Desproges, la fille qui donne le ton de la soirée « Contrairement aux idées reçues, mon géniteur ne débordait pas de nombreux talents, il était gaucher contrariant…. » avant d’apporter sa caution morale à cette nouvelle initiative de rendre hommage à son père à travers une sélection de textes ou de petites phrases. Aujourd’hui, on appellerait cela des « punchlines » sur les réseaux sociaux.

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Certaines servent de toile de fond entre les interventions longues comme les premières.

« L’Amour : Il y a ceux qui en parlent et ceux qui le font. A partir de quoi il m’appartient de me taire »

François Berléand se présentera sur une photo de l’humoriste lisant Playboy. Pour lui succéder c’est la phrase « Si Dieu avait créé l’Homme avec de la toile émeri aux creux des mains, il y aurait moins de branleurs ». Pour les footeux, ce n’est pas une nouvelle bourde d’Emery, l’ex-entraîneur du PSG…

C’est Mélanie Doutey qui enchaîne devant une photo de Desproges avec son sourire taquin et ses yeux moqueurs, un peu espiègle avant de céder l’espace à Gad Elmaleh. Pour le devancer une autre phrase encore plus pertinente :

« La culture et l’intelligence, c’est comme les parachutes ! Quand on n’en pas on s’écrase… »

Pour lui succéder, une plus coquine : « La femme des uns fait le bonheur des autres. »

Après le local Michel Boujenah il était logique de trouver celle-ci « Au paradis on est assis à la droite de Dieu, c’est normal, c’est la place du mort. »

Phrase qui aurait très pu être détournée par le jongleur des mots qu’est Stéphane de Goodt qui a lu son texte devant une photo de Pierre tenant dans la main un combiné téléphonique d’un autre temps.

Quand je parlais de phrase qui ne pourrait certainement passer dans les circonstances actuelles « Noël au scanner, Pâques au cimetière » figurerait dans les premières et aurait déchaîné des torrents injurieux sur les réseaux sociaux en pleine crise sanitaire…

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Des « sorties » encore d’une étonnante acuité

Mais il s’en serait moqué comme le signifiait la photo qui le montrait la langue tirée quand ce fut le tour de Dora Tillier. Elle est venue au centre de la scène pour interpréter son texte car elle fut la seule à ne pas le lire, elle l’avait appris par cœur, performance qui a été longuement salué par Stéphane de Goodt et applaudi par le public restreint mais enthousiaste. Pour sa première apparition sur les planches, une belle performance pour cette comédienne qui est aussi scénariste.

Quand François-Xavier Demaison se lève pour cette dernière longue lecture, c’est une autre phrase « On n’a quand même pas pris La Bastille pour en faire un Opéra » qui lui sert de décor et nul doute que cela lui a plu.

Entre chaque longue lecture, le rythme n’était pas perdu avec celles de petites phrases lues alternativement par chacune des neufs personnes sur scène. Comme :

« Les enfants croient au Père Noël, l’adulte non. L’adulte ne croit pas au Père Noël, il vote. »

Si vous ne le connaissez pas je vous invite à vous pencher sur les publications de cet humoriste anticonformiste, doté d’un sens de l’absurde inégalé et inégalable dont l’humour noir a fait grincer bien des dents.

Recherchez les enregistrements du célèbre « Tribunal des Flagrants Délires » sur France Inter. De très grands moments radiophoniques et d’humour où Claude Villers incarnait le président du Tribunal, chargé de présenter le « prévenu » ou invité avant le réquisitoire du procureur Pierre Desproges et la plaidoirie de Luis Rego pour la défense.

Si quelques unes des ses sorties ont pris un peu la poussière car elles collaient trop à l’actualité de l’époque, la très grande majorité sont encore d’une étonnante acuité.

Il était même un sacré« devin » dans sa chronique du 19 mars 1986, il y a bientôt 35 ans, intitulée « Mes excuses au pangolin » et diffusée sur France Inter (1) car il s’en était moqué dans un livre publié l’année précédente. La bestiole n’a visiblement pas digéré la pique et s’est vengée comme nous l’avons - hélas - constaté.

Dans cette même chronique de mars 1986, il se moquait de lui-même en parlant « de sa santé préoccupante puisqu’à 46 ans passés je n’ai toujours pas de cancer… ». Le savait-il et était-ce un pied de nez à une maladie qui allait l’emporter deux ans après le 18 avril 1988 ?

S’il disait que « l’intelligence est le seul outil qui permet à l’ Homme de mesurer l’étendue de son malheur », l’absence de Pierre Desproges nous permet de réaliser à quel point nous avons eu la chance de le connaître de son vivant, de rire de ses sorties mais aussi à quel point il nous manque.

Comme pour les précédents spectacles en streaming, celui-ci était aussi suivi par un échange avec les internautes - mais pas avec le public masqué et très clairsemé dans l’immense salle de 1200 places très confortables - dont le médiateur était naturellement Daniel Benoin.

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Pierre Desproges, une source d’inspiration

Rencontre avec les internautes

Internautes : Peut-on véritablement rire de tout ?

Gad Elmaleh : C’est une question qui revient souvent mais la plus belle des réponses que j’ai entendu mais dont je connais plus l’auteur, c’est "Oui, on peut rire de tout mais on n’est pas obligé."

Internautes : Comment ont été choisis les textes ?

Daniel Benoin : Cela a été relativement rapide de choisir parmi les textes longs et courts de Pierre Desproges mais cela pouvait changer à tout moment. (En s’adressant aux artistes) Chacun d’entre vous a pu choisir son texte sauf ceux qui l’avaient déjà fait lors du précédent hommage. Est-ce que chacun a choisi son texte ?

François Berléand : Non (éclats de rire dans la salle et sur scène).

Et l’on apprend que Charles et Stéphane faisait partie du projet il y a deux ans et demi pour le premier hommage et cela débouche sur un échange de vannes « Ah mais tu l’avais déjà fait ! » ou « Mais tu m’appelles quand il n’y a personne » (Gad Elmaleh). François Xavier Demaison révélera que cette soirée était d’autant plus spéciale « que l’on entendait les gens rire dans la salle mais on ne les voyait pas avec les masques. C’était très émouvant. » A force de s’envoyer des blagues, Gad Elmaleh a fini par lâcher "Je trouve cette partie du spectacle très marrante."

Internautes : Qu’est que cela vous fait de vous retrouver seuls sur scène ?

Michel Boujenah : C’est très étrange, c’est même spécial. On entend les personnes rire mais on ne voit pas leur visage. Y en a c’est bien qu’ils gardent leur masque sur le visage (rires) (NDLR. Tout le monde sauf les artistes sur scène a gardé son masque pour les sceptiques).

Internautes : Quelle a été l’influence ou l’inspiration que Pierre Desproges a eu sur vous ?

Certains l’ont rencontré, d’autres un peu plus comme Michel Boujenah "Oui j’ai été son prof" sourit-il.

Si François-Xavier Demaison reconnaît que Pierre Desproges est naturellement une source d’inspiration, c’est Gad Elmaleh qui va faire éclater de rire quand il sort « J’ai arrêté avec les sources d’inspiration » en se pinçant de rire… Chaque personne dans la salle ayant pensé aux accusations de plagiat pour certains de ses spectacles.

Tout le monde sur scène a remercié Daniel Benoin pour cette invitation (2) de monter sur scène même devant un public très restreint, c’était un besoin vital et de nôtre côté nous le remercions également pour nous avoir permis de vivre de tels instants privilégiés.

(1) La fameuse chronique sur le Pangolin du 19 mars 1986 sur France Inter.

(2) Devant le succès internet et la demande, le Théâtre Anthéa rediffuse exceptionnellement le spectacle sur son site mais que pour les abonné(e)s durant toute cette semaine du 02 au 07 mars à 20h30.