- Auteur Victor Ducrest
- Temps de lecture 3 min
Vaison Danses « Il cimento dell’armonia et dell’inventione » La spirale des saisons, selon De Keersmaeker
Notre regard sur »Il cimento dell’armonia et dell’inventione » d’Anne Teresa de Keersmaeker et Radouan Mriziga, d’après les quatre saisons de Vivaldi, spectacle d’ouverture du festival Vaison Danses 2025, Une confrontation de l’harmonie et de l’invention saluée par une critique controversée du public.

©Anne van Aerschot
Le 9 juillet 2025, le festival Vaison Danses s'est ouvert au théâtre antique sur « Il cimento dell’armonia et dell’inventione », du nom du recueil dans lequel ont été publiées « Les quatre saisons » d’Antonio Vivaldi. La chorégraphie est signée Anne Teresa de Keersmaeker et Radouan Mriziga. Elle dure 1h30 et elle est dansée par quatre danseurs de la Compagnie Rosas : Bostjan Antocic, Nassim Baddag, Lav Crncevic et José Paulo dos Santos. La musique de Vivaldi qui l’accompagne est un enregistrement de l’ensemble Gli Incogniti, dirigé par Amandine Beyer.

" Il cimento dell’armonia et dell’inventione" Anne Teresa de Keersmaeker et Radouan Mriziga
Décidément, Anne Teresa de Keersmaeker est une personnalité chorégraphique clivante. Des spectateurs ont été jusqu'à déserter les gradins. D'autres se sont posé beaucoup de questions sur le sens de la pièce ...
La plupart enfin se sont laissés embarquer par les quatre danseurs formidablement impliqués, ayant une maîtrise exceptionnelle du mouvement, pouvant passer sans transition d'une rythmique syncopée tenant du haka guerrier à une gestuelle ouverte, accueillante, élégante, faisant oublier les shorts et jogging dont ils sont vêtus pour nous concentrer sur la danse.
Il est vrai qu'on peut avoir des raisons d'être dérouté. La vaste scène du théâtre antique présente un plateau discrètement orné des motifs géométriques qu'affectionne la chorégraphe flamande, adepte de la spirale, des suites de Fibonacci et plus généralement de la géométrie sacrée.
Sur les trois pans de la boîte scénique, sont accrochés 70 tubes de néon qui s'allument et s'éteignent selon une logique à décrypter. La pièce débute dans le noir, éclairée aléatoirement par les néons, puis par un long solo silencieux.
Le programme indique que la musique est de Vivaldi. En fait, l'accompagnement sonore est fait d'une alternance de musique et de silences musicaux, ponctués par des bruitages corporels dont certains très réalistes comme les hennissements de chevaux à l'automne, les vocalises des oiseaux ou l’aboiement des chiens au printemps. Quel sens donner à cette alternance ? Louna, une petite écolière vaisonnaise de 10 ans, complètement fan de danse, a tout compris : « c’est une attente, c'est fait pour nous calmer ».

À mesure que se déroule la chorégraphie et que les saisons passent, on entre dans l’univers particulier de celle qu'on a qualifiée de « Mozart de la danse », où l'abstrait le dispute à l’émotionnel, où les questions que l'on se pose restent parfois sans réponse, où la boucle est bouclée en spirale, puisque, partis de l'automne, et traversant les quatre saisons, nous retournons à l'automne à la fin de la pièce, mais un automne différent, plus sombre.
Serait-ce un présage pessimiste sur notre avenir politique et écologique qui trancherait sur l'énergie toujours débordante du prêtre roux ?