Publié le 27/01/2023

Berlioz Trip Orchestra – Orchestre National de Cannes

Cannes, Auditorium les Arlucs les 27 et 29/01/2023 – Une ‘Folie’ artistique musico-théâtrale innovante et flamboyante ! Rencontre avec avec Géraldine Aliberti, directrice Artistique, auteur et compositrice.

Berlioz Trip Orchestra - Geraldine Aliberti orchestre de cannes

Berlioz trip Orchestra © Orchestre National Avignon-Provence

Concert en famille ! L’orchestre National de Cannes présente Auditorium des Arlucs à Cannes la Bocca, les vendredi 27 et dimanche 29 janvier 2023, une œuvre originale : Berlioz Trip Orchestra, avec Géraldine Aliberti à la direction artistique, Romain Dumas à l’orchestration, Grégoire de Lafond à la création lumière, à la conception et à la production Les Clés de l’écoute. 

Berlioz Trip Orchestra - Orchestre National de Cannes

Géraldine Aliberti, directrice artistique

Du jamais vu !

Réunir la comédie à la grande musique, il fallait l’oser. Géraldine Aliberti à la direction artistique, Romain Dumas à l’orchestration, Grégoire de Lafond à la création lumière, à la conception et à la production Les Clés de l’écoute, l’ont fait. Le résultat est sublime. 

Une histoire avec un air de Bohème

Berlioz sort du théâtre de l’Odéon totalement bouleversé par Hamlet de Shakespeare et éperdument amoureux de la comédienne irlandaise Harriet Smithson. Il se lance alors dans l’écriture de ce qu’il envisage comme la plus grande œuvre symphonique du siècle, sa Symphonie Fantastique. Un Berlioz survolté, dans sa petite chambre et sans le sou, une sorte de Bohème, envisage des sons que l’on n’a encore jamais entendus. L’orchestre est son imagination. Nous voilà dans son esprit, assistant à ses idées, ses erreurs, ses fantômes et bientôt à son « Songe d’une nuit de sabbat », véritable délire musical et fantasmagorique.

Nous avons rencontré Géraldine Aliberti, la directrice artistique du projet, pour une interview à bâtons rompus.

Danielle Dufour Verna / Marie-Céline.com – Pouvez-vous vous présenter succinctement à nos lecteurs ?

Géraldine Aliberti © DR

Géraldine Aliberti –Je suis niçoise, du quartier de la Madeleine. J’adorais la musique classique et je ne vais pas trop la jouer dans mon quartier. Ce n’était pas trop l’intérêt des autres. J’avais envie d’aller à l’opéra mais je trouvais ça trop ringard. Aujourd’hui je crée des formes artistiques innovantes pour plaire aussi aux jeunes gens et faire en sorte que la musique classique ne soit plus connotée comme ‘ringarde’. 

DDV – Vous êtes directrice artistique, auteure, compositrice. Qu’est-ce qui vous passionne le plus, écrire, concevoir, mettre en scène ?

Géraldine Aliberti – Un peu tout ! Je n’ai pas de préférence. J’aime vraiment tout. Je crois que ce que j’aime le plus peut-être c’est écrire… Non, non, j’aime tout. 

DDV – Berlioz Trip Orchestra les 27 et 29 janvier avec l’orchestre de Cannes. Difficile de gérer une équipe de créatif ?

Benjamin Levy © Yannick Perrin

Géraldine Aliberti- On s’est déjà parlé plusieurs fois par téléphone avec Benjamin Levy pour présenter le projet. Il est ouvert à toute forme artistique différente et c’est super. On va commencer les répétions. Régis Boyer est un très grand comédien, comme tout grand comédien, moins facile à gérer mais je garde mon admiration intacte, tous les jours, pour lui. 

DDV – Berlioz Trip Orchestra, vous m’en parlez ?

Géraldine Aliberti – L’idée de Berlioz Trip Orchestra, c’est créer une nouvelle forme artistique avec les musique, créer une pièce de théâtre avec orchestre pour toucher vraiment le grand public. L’idée, c’est qu’on passe une nuit avec Berlioz. Il a 24 ans, il habite une chambre de bonne à Paris, il n’a pas un sou. Son père pense qu’il fait des études de médecine. Lui va tous les soirs au théâtre et va tomber amoureux d’une actrice dont tout Paris parle. Delacroix, Victor Hugo, De Nerval lui font des poèmes et des éloges et lui va lui écrire quarante lettres. Il va suivre cette femme dans la rue mais elle ne fera jamais attention à lui. Pour que cette femme entende parler de lui, il décide alors d’écrire une œuvre qui va révolutionner la musique. Il va inventer un orchestre qu’on n’avait jamais entendu auparavant avec 12 bassons dans son orchestre, 120 violons et 40 altos. C’est du jamais vu. Il n’arrivera pas à tout ça. En fait, l’idée, c’est que dans ce spectacle, on voit avec lui, on est dans son imagination, dans ses fantasmes. Quand il dit, je veux 12 bassons, on entend les bassons. Quand il dit je veux 120 violons, on entend les violons.

DDV – La chambre du musicien avec le comédien est figurée sur scène?

Géraldine Aliberti – Il y a l’orchestre sur scène et lui dans sa chambre. L’orchestre est en 2023, en train de jouer, lui ne le voit pas. Cela sert de conscience de vecteur entre tout ce qu’il a dans sa tête et lui. 

DDV – Il n’a pas le sou, il est dans une chambre. C’est un peu la Bohème, non ?

« Berlioz va payer le déménageur des cloches de Saint-Sulpice pour s’arrêter juste à côté de la rue du conservatoire et qu’il tape les coups de cloche pendant le  Dies Irae qui est joué à l’intérieur du conservatoire. C’est pour cela que, dans la Symphonie fantastique, on a tout l’orchestre sur scène et les cloches sont toujours en coulisses. »

Géraldine Aliberti – Oui, complètement, c’est exactement ça ! Le Paris avant Hausmann, c’est à dire un Paris vraiment sale sans système d’égout et il habite une chambre de bonne. Il va inviter tout Paris à sa représentation et tout Paris va venir. Il va même, je n’en parle pas dans le spectacle mais c’est mignon comme anecdote. Il apprend que les cloches de l’église de Saint-Sulpice vont être nettoyées. Il fait en sorte que son concert ait lieu le même jour. Il va payer le déménageur de ces cloches pour s’arrêter juste à côté de la rue du conservatoire et qu’il tape les coups de cloche pendant le  Dies Irae qui est joué à l’intérieur du conservatoire. C’est pour cela que dans la Symphonie fantastique, on a tout l’orchestre sur scène et les cloches sont toujours en coulisses. 

L'Orchestre national de Cannes sous la direction musicale de Benjamin Levy © Yannick Perrin

DDV – Vous avez déjà travaillé avec l’Orchestre national de Cannes ?

Géraldine Aliberti – Ce sera la première fois. En fait, on va commencer une résidence avec l’Orchestre de Cannes et l’Orchestre d’Avignon, l’idée étant de faire plusieurs saisons avec ces deux orchestres pour de nouvelles créations. Autour de ces spectacles, il y a toujours des ateliers et une exposition autour de chaque spectacle. 

DDV – Ce spectacle a bénéficié d’une résidence d’écriture à la Villa Médicis à Rome. On ne peut rêver mieux comme lieu d’inspiration. Vous aimez l’Italie ?

Géraldine Aliberti – J’adore. Je suis allée là-bas car c’est là que s’est passé le drame Berlioz. Il va à la Villa Médicis. Il voit que cette actrice ne répond à aucune de ses lettres et est tombé amoureux, entre-temps, d’une jeune femme pianiste à Paris et se sont promis le mariage. Il reçoit, à la Villa Médicis, une lettre de la mère de cette pianiste lui annonçant que le mariage est annulé car sa fille doit se marier avec Pleyel. Il décide d’aller tuer tout le monde à Paris. Pour cela, il s’habille en femme de chambre, prend une diligence et va jusqu’à Gênes où il s’arrête. On lui ôte les armes et son costume. Il poursuit en calèche et se fait arrêter à Nice. A Nice, il jeter à la mer, d’après ce qu’il raconte et  se dit à ce moment-là « en fait la vie est trop belle, pourquoi irais-je tuer des gens et ne pas écrire les œuvres que j’ai envie d’écrire. »

Berlioz Trip Orchestra @ Arnaud Kehon

DDV – Pensez-vous que le numérique apporte de la fraicheur à la grande musique, en changer l’écoute et ouvrir à un nouveau public ?

« L’idée de cette expérience est de réaliser le rêve de Berlioz qui était de créer un orchestre tout autour des spectateurs. »

Géraldine Aliberti – Oui, l’idée du numérique, par exemple ce que nous présentons ‘la Micro-folie’ à Nice, une expérience en réalité augmentée, une expérience binaurale sonore, c’est de plonger le spectateur au cœur de l’orchestre au niveau sonore. C’est très rare d’avoir une écoute au milieu de l’orchestre. Il n’y a que le chef qui ait cette écoute privilégiée. L’idée de cette expérience est de réaliser le rêve de Berlioz qui était de créer un orchestre tout autour des spectateurs. Lui voulait réunir tous les musiciens amateurs entre la place de la Bastille et la place de la République, et mettre les gens au milieu. L’idée est de mettre de ce projet est de mettre un casque sur les oreilles, une tablette dans les mains et on va entrer dans la tête de Berlioz, avoir tous ces instruments autour de nous. C’est une écoute interactive avec la musique et les orchestres dans un dispositif immersif. 

DDV – Vous faites partie des signataires du F.E.M.M, (Femmes engagées des métiers de la musique), un manifeste contre le sexisme qui appelle au changement des mentalités et des pratiques dans l’industrie musicale.  Les disparités sont-elles plus fortes au sein du secteur de musique dite classique ou est-ce la même chose et avez-vous constaté une évolution en la matière ?

Géraldine Aliberti – Oui, il y a carrément une évolution depuis deux ans. Je trouve cela très bien car je constate que si j’étais un homme avec le même parcours que j’ai, je pense que j’en serais un peu plus loin que là où j’en suis aujourd’hui, c’est sûr. Dans les autres milieux musicaux, dans le jazz par exemple qui est un milieu hyper masculin, il y a beaucoup de changements. J’ai beaucoup d’amies qui font du jazz. Heureusement les mentalités changent, mais les femmes se retrouvent encore entre elles pour travailler sereinement.

DDV – Les médias ne participent-ils pas à un appauvrissement de la culture en général ?

« On devrait signer également pour des charges de responsabilité culturelle »

Géraldine Aliberti –Le contenu qu’on met dans les médias, oui, pour moi, n’est pas assez responsable. Aujourd’hui, on va signer des charges de responsabilité environnementales, je pense qu’on devrait aussi signer des charges de responsabilité culturelle et d’en rendre compte à la télévision qui a une parole publique. Ces derniers temps la parole qu’a tenue Hanouna est terrible. C’est terrible que des gens avec une pensée aussi primaire puissent s’exprimer devant autant de gens. Oui, je pense qu’il y a une responsabilité à avoir.

DDV – Comment êtes-vous venue à la musique ?

Géraldine Aliberti- Je pense parce que j’attendais ma sœur au conservatoire de danse, dans les couloirs. J’entendais la musique au fond. Le fait d’attendre et de ne pas savoir ce qu’il se passait derrière la porte m’a fait complètement fantasmer sur la musique que j’entendais. 

Berlioz Trip Orchestra - Direction artistique Géraldine Aliberti

Concert en famille, à partir de 10 ans. Auditorium Les Arlucs - Cannes

Vendredi 27 janvier 20h
Dimanche 29 janvier 11h