Publié le 04/12/2016

Opéra Grand Avignon : “Katia Kabanova” de l’orage au désespoir !

Katia Kabanova opéra Avignon

Vu à l’Opéra d’Avignon, Katia Kabanova de l’orage au désespoir !

Histoire de l’Opéra Katia Kabanova

Inspiré d’un ouvrage russe intitulé “Orage” du dramaturge russe Alexandre Ostrovski, Katia Kabanova est un ouvrage lyrique tragique et sombre composé par Léos Janacek et créé au Théâtre National de Brno (Moldavie) en 1921.

Le texte est traduit en tchèque par un critique littéraire, que l’on qualifierait aujourd’hui de nationaliste, Vincec Cervinka. Il est l’ardent défenseur d’une volonté patriotique exacerbée et d’une résistance farouche à la domination germanique de l’Empire Austro-Hongrois. Cela lui vaudra même d’être condamné à mort par l‘Empereur François-Joseph en 1916 avant d’être gracié en 1918. Cervinka, tout comme Janacek, sont des ardents défenseurs de leurs origines slaves et de leur langue natale. Des ouvrages comme Katia Kabanova expriment toute la force et le symbolisme dans leur volonté d’exister dans le contexte politique et social des années troubles de la fin de la grande guerre.

Katia Kabanova à l’opéra d’Avignon

Le spectacle est donné sans entracte afin de ne pas perdre la trame dramatique que les éclairages du défunt Jacques Chatelet et la mise en scène de Nadine Duffaut savent retranscrire avec sensibilité et talent. Les décors d’Emmanuelle Favre, bien que simple, sont d’une réelle expressivité et retranscrivent avec justesse l’intrigue du drame, tout en le situant dans son contexte scénique où les déplacements d’acteurs et de décors, dans certaines scènes, ne sont pas sans nous évoquer le théâtre d’ombres.

Transposé par la mise en scène dans des costumes du XXème siècle, sans doute des années 40, l’adaptation de l’œuvre nous plonge ainsi dans une autre guerre avec une volonté de liberté farouche symbolisée par la résistance. Résistance de la langue tchèque avec un opéra chanté dans sa langue originelle, résistance à la force du destin et à la tyrannie d’une belle mère odieuse sublimement interprétée par Marie-Ange Todorovitch.

Christina Carvin, dans le rôle de Katia, est poignante de réalisme, et son expressivité vocale est remarquable.

Dès les premières mesures de l’œuvre, l’alchimie des sens, chère à l’imagerie tchèque, nous plonge dans l’intrigue qui s’élève musicalement comme une confidence au dessus des berges sinueuses de la Volga où flottent les brumes du royaume des morts. Le rideau de scène, dont le visage christique évoque la Passion, s’accorde pleinement au mysticisme de Katia dans sa volonté de vivre et d’aimer avec passion jusqu’à en devenir petit à petit folie et errance et aboutir fatalement à son renoncement d’être pour devenir à son tour passion du Christ.

L’Orchestre Régional Avignon Provence apporte, sous la direction de Jean-Yves Ossonce, le timbre musical juste au langage dramatique de Janacek, les instruments traditionnels comme le célesta ou les grelots nous transportent dans le langage populaire et nostalgique de l’âme slave. L’orchestration donne ainsi une couleur particulière à une progression inéluctable jusqu’au final fatal interprété par le chœur.
Un opéra d’une rare puissance musicale et scénique qui est inspiré à l’auteur par une rencontre qu’il a eu en 1917 avec une femme de 38 ans sa cadette, à laquelle il dédie ainsi l’ouvrage lors de sa création en 1921 : “Vous savez que j’ai fait votre connaissance à Luhacovice durant la guerre, j’ai vu pour la première fois l’amour qu’une femme peut porter à son mari, je me souviens de vos larmes, cela m’a fait penser à Katia Kabanova et à le composer”.