Publié le 16/03/2021

Écrivain, chanteur : Robert Rossi, un trublion aux talents multiples nous parle de son dernier livre “La Californie”

Robert « Rock » Rossi est né à Marseille en 1956. Chanteur et parolier du groupe Quartiers Nord, il s’intéresse à l’histoire de sa ville et a publié, entre autres, une Histoire du rock à Marseille et un roman sur la Commune de Marseille. “La Californie”, son dernier roman à paraître, est publié aux Éditions du Fioupélan et se déroule entre la plage de la Couronne et San Francisco. “Une aventure initiatique avec une galerie d’allumés conjuguant influences états-uniennes et locales, fruits d’un croisement improbable entre l’esprit de Haight-Ashbury et celui de Martigues.”

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"La Californie" de Robert Rossi, alias "Rock" pour les fans et les intimes, sort en librairie pour le plus grand bonheur de tous les nostalgiques des années hippies, de la plage de la Couronne… et les autres. À lire sans modération !

Robert Rossi et son groupe indémodable : Quartiers Nord

Robert Rossi a coupé ses cheveux longs depuis longtemps déjà mais il reste Rock, le fou de musique au cœur tendre, fidèle en amitié, attachant, amoureux de voyages et de découvertes, assoiffé de fraternité. Il est, avec Alain Chiarazzo, guitariste, le fondateur en 1977, alors minot et au collège, de l’excellentissime groupe Quartiers Nord.

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Robert Rossi © J-M Valadier

On les connait par leurs surnoms : Rock, Tonton, Loise… On les reconnait grâce à leurs tubes. De "Ah ! putain, putain, qu’il fait beau !" en passant par "Les cigareuses de la Belle de Mai", le groupe Quartiers Nord a enchanté et continue à ravir tous les publics. Avec une musique et des musiciens du tonnerre, ils embrassent tous les styles avec bonheur. Ce sont les créateurs de l’opérette rock marseillaise. Quartiers Nord, chez nous, c’est une véritable institution qui mérite une réelle reconnaissance.

"La Californie" de Robert Rossi : Peace and Love plage de la Couronne

Qu’il soit chanteur ou écrivain, Robert Rossi s’exprime avec ses tripes. Dans ses livres, il manie la plume avec une dextérité désarmante. et ses textes reflètent la culture, le savoir, l’amour de la vérité et du combat permanent que cet humaniste, amoureux de musique et de mots, mène depuis toujours. Une culture qu’il défend âprement sur tous les modes.

Un travail de mémoire, un auteur à la littérature fouillée, intelligente, enrichissante, et souvent même salutaire, qui partage avec ses lecteurs le plaisir de la connaissance ; un excellent auteur qu’on ne mesure pas à la hauteur de sa renommée mais à celui de son talent. Son dernier livre, "La Californie", sort en librairie : une histoire où le personnage principal nous entraine avec lui et ses copains vers les années hippies, entre Los Angeles et Marseille.

Nous avons rencontré Rock, Robert Rossi qui, sans se départir de son accent marseillais et de son rire communicatif, a répondu avec un réel plaisir à nos questions

Danielle Dufour-Verna - Projecteur TV : Robert Rossi écrivain, depuis longtemps ?

Robert Rossi : Oui depuis longtemps mais j’ai publié à partir de 2003.

Danielle Dufour-Verna : Le dernier "Quand Marseille criait Vive Paris" est un formidable livre fiction sur la Commune.

Robert Rossi : Après, j’ai fait paraitre ce qui est plus un fascicule qu’un bouquin : "La naissance du rock à Marseille".

Danielle Dufour-Verna : Parlez-nous de votre dernier livre à paraître.

« C’est une fiction et ça s’appelle "La Californie" parce que leur référence, c’est San Francisco et le mouvement de la beat génération. Il y a constamment un aller-retour entre la Californie, San Francisco, et la Côte bleue. »

Robert Rossi : Oui, c’est un roman assez court qui est basé sur une expérience de jeunesse. On était au mois d’août. En 1974, un copain m’avait appelé parce que je "m’emmerdais" chez moi. Ses parents avaient un cabanon à Sainte Croix aménagé dans un blokhaus. J’étais allé le rejoindre mais quand la nuit est arrivée, ses parents ont refusé que je dorme à l’intérieur parce que je portais les cheveux très longs, donc je ressemblais à un hippie et il était hors de question que le hippie dorme à l’intérieur. J’ai donc dormi dehors et au réveil je me suis dit que je n’allais pas continuer à dormir là et je suis allé me balader sur la plage de la Couronne. J’y ai rencontré une bande de zonards cheveux longs qui m’ont un peu adopté. Le soir, ils m’ont emmené avec eux dormir dans une grotte sur la falaise de Carro. Je n’ai vécu que cela, c’était mon expérience personnelle.

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Puis, en écrivant mon histoire du rock à Marseille, j’ai rencontré Fifi, Philippe Torel, qui était le clavier de Leda Atomica, et je lui ai demandé sa trajectoire. Il me dit « J’ai beaucoup zoné du côté de la plage de la Couronne qu’on appelait "La Californie". » Ça m’a fait tilt. Et je lui dis que j’avais connu ça de manière éphémère. J’ai demandé à un copain qui continuait à fréquenter des gens qui avaient participé à cette bande de la Couronne de m’organiser une entrevue un soir à Carro pour qu’ils me racontent toutes leurs expériences, leurs vies etc. Je suis parti dans ce livre de mon personnage propre, réel, de ce que j’ai vécu et je lui fais vivre des expériences incroyables avec cette bande-là. C’est une fiction et ça s’appelle "La Californie" parce que leur référence, c’est San Francisco et le mouvement de la beat génération. Il y a constamment un aller-retour entre la Californie, San Francisco, et la Côte bleue.

Danielle Dufour-Verna : La publication est prévue pour quand ?

Robert Rossi : Il est sous presse. Il est parti à l’imprimerie. Il devrait sortir sous peu. On pourra le trouver en librairie, ainsi que sur notre site quartiersnord.com.

Danielle Dufour-Verna : Comment a débuté le groupe Quartiers Nord ?

Robert Rossi : On a commencé dans les années 1972 avec des groupes de lycée avant de fonder Quartiers Nord en fin 1977.

Danielle Dufour-Verna : Le succès est venu comment ?

Robert Rossi : C’est un succès relatif. Comme on s’est toujours produit nous-mêmes, on s’est autogéré, on avait un périmètre assez restreint. On n’avait pas de force de frappe de communication des autres compagnies. On a eu la chance dans les premières années, dès 1978, de pouvoir jouer dans les facs des concerts que nous organisions nous-mêmes. On faisait payer tout au plus 10 francs. La fac de lettres d’Aix, par exemple, faisait deux concerts par semaine. Il y avait parfois un groupe anglais qui jouait. Quand on jouait là, beaucoup d’étudiants et de jeunes avaient l’habitude de venir voir des concerts de rock dans les facs. Il nous arrivait, alors que nous étions inconnus, d’avoir un public de 500 personnes. La même chose dans les MJC dont le réseau, à l’époque, était très important. Par la suite, les villes qui ont voulu conserver les MJC ont dû investir elles-mêmes alors que c’était l’État qui, auparavant, les prenait en charge. André Malraux avait dit que la culture devait entrer dans tous les villages de France. Il y avait un maillage très important et nous avons bénéficié de cela au début.

Danielle Dufour-Verna : Combien étiez-vous au départ dans le groupe ?

Robert Rossi : Au départ, nous étions cinq dans le groupe, un groupe de rock classique, avec deux guitaristes : guitares, basse, batterie et chant et ce jusqu’en 1986. Il y a eu des époques avec des changements de style de musique. Nous sommes neuf à présent parce qu’on a une section cuivre et trois chanteurs.

Danielle Dufour-Verna : Et la COVID dans tout cela ?

Robert Rossi : Depuis le COVID on ne tourne plus. Le spectacle prévu au Théâtre Toursky en novembre 2020 est reporté à novembre 2021 et plusieurs autres concerts ont été reportés. Même pour la fête de la musique, à Rognes, le 21 juin 2021, on espère qu’il pourra se faire.

Danielle Dufour-Verna : Au niveau musical, depuis le début, quelles ont été les évolutions ?

Robert Rossi : Comme je disais, il y a eu plusieurs époques. Dans la première, qui a duré dix ans, il y a une grosse base, plutôt hard rock, blues et une grosse influence de ce qu’on appelle zappaïenne, c’est-à-dire influencée par Franck Zappa qui racontait des histoires sur des plages sonores assez longues. Selon l’histoire, le climat changeait avec une grande part d’autodérision. Dans nos premiers albums, la première face est blues rock, et l’autre face, tendance zappaïenne avec plein de délire, et ça part dans tous les styles musicaux. La deuxième période va de 1987/88 à 1991. C’est une période jazz rock, plus fun, avec une musique moins agressive. Elle reste blues, mais blues jazz rock tendance funk. De 1992 à 1997, il y a eu une période déjantée, encore plus que dans la première période, un peu moins fouillée musicalement, mais toujours avec la même recette qu’au départ : hard rock et morceaux déconnants.

Quartiers Nord, inventeurs de l’opérette rock marseillaise

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Robert Rossi : On arrive, en 2000, au moment où on a conçu les opérettes. Au début pour en faire une, et finalement, il y a eu un tel succès régional, que nous en avons fait plusieurs. De 1977 à 1999 environ, c’est un groupe de rock qui se laisse aller à d’autres expériences, pour arriver à ce mélange de théâtre et de musique où on crée l’opérette rock marseillaise. Mais, en parallèle, le groupe continuait à jouer. Jusqu’en 2000, le groupe était vraiment dans un courant underground malgré ses digressions musicales, plutôt un groupe afficionado du rock. A partir de 2000, on est devenu plus famille, avec tellement d’ambiances différentes en se basant beaucoup sur le côté marseillais. On passait donc dans des fêtes de village et ailleurs. On n’était plus dans le circuit totalement underground.

Danielle Dufour-Verna : Combien d’albums depuis le départ et qui compose la musique et les textes ?

« Un nouvel album en mai 2021 »

Robert Rossi : On en a fait 17 et on enregistre le 18ème en ce moment. Au niveau de la composition, c’est Loise, Alain Chiarazzo, le guitariste. Au niveau des textes, c’est souvent moi parfois avec Gilbert "Tonton" Donzel, surtout sur les opérettes où Gilbert a été très important. Pour ce dernier album, on nous a appelé il y a deux, trois ans, pour jouer au Cherrydon Club, à la Penne sur Huveaune, les premiers morceaux très rock du groupe pour revenir aux origines. On a fait cette expérience, on a joué trois fois. J’ai eu envie de prolonger cette expérience, revenir au rock dur de la première époque avec de nouveaux textes. En fait, Loise me dit qu’il n’est plus trop sur ce créneau et je suis allé chercher un guitariste avec lequel j’ai joué sur la troisième période dans les années 90, Fabrice Baud. Je lui ai demandé s’il pouvait mettre en musique les quatre textes que j’avais faits et il a fait ça très vite. Après avoir composé la musique, il m’a demandé si j’avais d’autres textes pour composer d’autres musiques. J’ai donc cherché dans mes archives et finalement on a fait neuf compositions. Voilà pourquoi l’album que nous sommes en train de terminer et qui devrait sortir en mai.

Danielle Dufour-Verna : Pour Quartiers Nord, à coloration revendicative, ça a été difficile de chanter à Marseille pendant les années Jean-Claude Gaudin ?

Robert Rossi : Oh oui ! Avec Jean-Claude Gaudin, chaque fois que j’avais affaire à un responsable de la culture à Marseille, on sentait l’incommunicabilité. Il y avait un fonctionnaire, responsable musique de ces années qui nous adorait et qui nous a dit qu’il ne fallait pas demander des subventions chaque année, que nous devrions l’avoir automatiquement, qu’il n’y avait pas à faire de demande. Il nous a assuré essayer de s’occuper de ce dossier. En fait, il n’est jamais arrivé à faire aboutir ce dossier car nous a t’il dit « Vraiment, ils ne vous aiment pas ».

Danielle Dufour-Verna : Pensez-vous que la culture soit muselée en ce moment ?

« C’est quand même incroyable que les lieux de culte soient ouverts et les lieux de culture interdits. On a comme une impression de volonté d’éradication de la culture »

Robert Rossi : Oui, justement, je suis allé cet après-midi à la manifestation des gens du spectacle sur le parvis de la mairie de Marseille parce que c’est exactement ce que l’on ressent. C’est-à-dire que la COVID a bon dos. Le virus existe mais là on est en train de tuer sous ce prétexte tous les artistes, tous les petits commerçants et la culture. C’est quand même incroyable que les lieux de culte soient ouverts et les lieux de culture interdits. On a comme une impression de volonté d’éradication de la culture. Beaucoup vivaient comme intermittents du spectacle, qui n’appartiennent pas au monde du show business. Pour qu’ils vivent, il faut bien que ce soit subventionné. C’est la seule alternative pour faire revivre une autre culture, la vraie, plus proche des gens, pas celle qu’on nous balance dans les médias. Déjà les subventions se sont taries presque totalement. L’absence de subvention a liquidé un bon nombre d’intermittents du spectacle : en allant un peu plus loin, on a l’impression qu’on veut éradiquer totalement ce métier hors show-biz.

Danielle Dufour-Verna : Quelle est votre définition du bonheur ?

« Le bonheur ne peut être que dans la passion »

Robert Rossi : Le bonheur ne peut être que dans la passion. Je ne crois pas à un bonheur passif. C’est basé sur la consommation. Le bonheur est dans l’action. Le cas par exemple d’un footballeur. Il marque un but devant des milliers de gens mais il faut qu’il ait travaillé avant. Il arrive à une espèce d’extase quand il marque le but mais ça a demandé des séances et des séances d’entrainement. C’est comme l’alpiniste, pour arriver au sommet il a transpiré, sinon il n’y a pas de satisfaction.

Danielle Dufour-Verna : Vous êtes un passionné ?

Robert Rossi : Oui, moi, dans ma vie, je n’ai fait pratiquement que ce que j’ai voulu. J’ai vécu de ma passion ou de mes passions. C’est déjà exceptionnel, c’est une grande chance.

Danielle Dufour-Verna : Qu’espérez-vous pour demain ?

« Je suis un pessimiste jovial »

Robert Rossi : Je n’ose même plus évoquer d’espérance. Je suis très pessimiste. Je suis un pessimiste heureux, jovial mais je suis très pessimiste en vérité. Je ne pensais pas vivre ça, la pandémie et tout ça, je ne pensais pas vivre ça de mon vivant. Je pensais que les générations futures allaient le vivre. Mais ce chaos, j’espère que ce ne sera pas le chaos final, mais ce carnage est en train d’arriver. Et le chaos planétaire amène le fascisme.