Publié le 01/05/2025

Kareen Guiock Thuram chante « Nina »- « Donner le meilleur de soi-même »

Interview de Kareen Guiock Thuram, à l’occasion de son concert à Jazz à Pau les 23 et 24 mai 2025. De journaliste à artiste, la chanteuse partage l’histoire de sa passion pour la musique, qu’elle met au service de son interprétation du répertoire de Nina Simone, tout en donnant le meilleur d’elle-même pour rendre le public heureux.

Kareen Guiock Thuram Interview album Nina

Kareen Guiock Thuram sera en concert les 23 et 24 mai pour clôturer la saison 2024-2025 de Jazz à Pau. En tournée depuis 2023, elle présentera, dans la salle de concert Le Foirail, son album Nina, où elle raconte l’histoire de Nina Simone, l’une des plus grandes icônes du jazz.

Kareen Guiock Thuram, à travers son interprétation unique et passionnée de ses chansons, rend un vibrant hommage à l’artiste, mais aussi à la femme inspirante qu’était cette grande prêtresse de la soul.

Interview de Kareen Guiock Thuram, autour de ses chansons pour Nina

Une chanson cadeau pour Jazz à Pau

Kareen Guiock Thuram, cela fait trois ans que vous présentez au public votre premier album, Nina. Est-ce toujours le même concert ?

Kareen Guiock Thuram : Oui, oui, c’est le même concert. Mais évidemment, ça évolue beaucoup. Aucun concert ne se ressemble vraiment. On est presque toujours en « création », entre guillemets, mais en tout cas c’est le même répertoire, à une exception près. Il y a une chanson qu’on a ajoutée en cadeau, mais je ne vous en dis pas plus.

Pourquoi avez-vous décidé de faire ce cadeau ?

Pour prolonger l’hommage qu’on rend à Nina Simone et pour justement la rapprocher davantage de nous. On va encore plus loin dans la dimension caribéenne, justement pour nous rapprocher encore davantage de Nina Simone et de ce que l’on a en commun, c’est-à-dire cette source afro qui était tellement importante pour elle et qui l’est également pour nous.

Donner le meilleur de soi-même

Comment portez-vous cet album Nina, personnellement ?

En ce qui me concerne, dans la manière de porter le répertoire de Nina Simone et de la raconter, c’est de chanter ce que je veux transmettre au public et pourquoi on est là. C’est toujours davantage un moment de partage, un moment de communion, un moment de voyage.

Et plus on fait des concerts, plus je prends conscience du rôle absolument majeur des artistes dans ce qu’ils ont à offrir au public. Notre récompense, ce sont des applaudissements.

C’est aussi que le public reparte heureux, content. Il n’y a rien qui me récompense plus que des sourires et des gens que je vois encore un peu ailleurs à la fin du concert, qui ne sont pas encore complètement revenus en eux, et peut-être qu’ils ne reviendront pas exactement comme ils sont arrivés. C’est cet honneur-là que j’explore toujours et encore, concert après concert.

Emmener le public au plus loin de ce qu’il accepte d’aller...

Comment pensez-vous que le public réagit par rapport à ce que vous voulez transmettre, ce que vous voulez partager ?

Il faut toujours être très humble, en fait, quelle que soit l’activité que l’on fait, mais encore plus quand on est artiste, parce que vous partez avec une idée, vous pouvez avoir des attentes, et on est toujours très déçu lorsque l’on a des attentes. En revanche, on peut être très heureux de ne pas avoir d’attentes, de donner le meilleur de soi-même, et de laisser au public la liberté d’accueillir et de faire exploser en eux-mêmes ce que vous leur donnez.

Il y a des publics, il y a des salles, il y a des lieux, il y a des villes, mais il y a peut-être même des jours.
Il y a des jours où les gens sont arrivés avec tous leurs problèmes, ils ont eu un peu de mal à les laisser à la porte de la salle de concert, et on voit bien que cette semaine n’a pas été simple. Et puis il y a des jours où la semaine n’a pas été simple, mais ils ont envie, ils ont envie de voyager, ils ont envie de partir, ils ont envie de penser à autre chose, et ça fonctionne, et c’est ça qui est incroyable.

Et puis parfois, il y a des publics qui sont très réservés, qui sont très pudiques, ou qui sont… comment je pourrais dire… oui, qui attendent d’être convaincus. Alors ceux-là, il faut aller les chercher.

Chanter Nina Simone, la femme, l’artiste

On a dû vous poser des milliers de fois cette question, Kareen Guiock Thuram, mais chanter Nina Simone est très audacieux. Qu’est-ce qui vous a donné envie ? La femme ? L’artiste ?

C’est tout ça à la fois, et vous avez raison. C’était de se dire, avant que les gens m’entendent chanter, comprennent qui je suis, pourquoi je fais ça, quelle est mon histoire en fait : mais quelle folie de reprendre le répertoire de Nina Simone ?

C’est ce que les gens se disent quand ils ne viennent pas du jazz, très souvent, parce que dans le jazz, il n’y a pas de répertoire sacré. Personne ne s’interdit de les interpréter de nouveau.
Ce qui est important, c’est le niveau de votre charge, c’est comment vous allez vous l’approprier. Charge à vous de l’adapter d’une façon qui fasse sens, mais en soi, il n’y a aucun répertoire qu’on s’interdise de toucher dans le jazz.

Donc c’est vrai que lorsque Dominique Fillon et moi avons pensé à rendre cet hommage-là, à aucun moment on ne s’est dit : « Oh là là, c’est trop grand, c’est trop audacieux, c’est intouchable ». On ne s’est jamais dit cela. Chanter Nina Simone, c’est chanter une artiste entière, extrêmement talentueuse, qui estimait ne pas avoir eu ce qu’elle méritait, mais qui savait ce qu’elle valait, et c’était ça le plus important.

« Je me mets à la disposition de son élégance et de sa grandeur »

Restez-vous fidèle à Nina Simone lorsque vous interprétez ses chansons ?

Je suis fidèle à moi-même. Si je suis fidèle à Nina Simone, c’est dans le respect de son répertoire, dans le respect de son élégance, et dans le respect de l’esprit même de son œuvre. Le propos n’est jamais d’altérer la pureté de son message, et la pureté de ses intentions. C’est presque obsessionnel chez nous, même dans la manière dont je m’habille, etc.

Je chante son répertoire, donc je me mets à la disposition de son élégance et de sa grandeur. À aucun moment je ne suis dans l’imitation. Personne ne peut imiter Nina Simone, il faut écouter Nina Simone. Donc ma proposition, c’est une proposition d’une femme des années 2020, qui revisite son répertoire d’une façon personnelle. Mais je suis d’abord fidèle à moi-même.

Kareen Guiock Thuram, de journaliste à artiste

On vous présente souvent comme la journaliste du 12/45 de M6, et la femme de Lilian Thuram. Pourquoi ne vous présente-t-on pas comme Kareen Guiock Thuram, artiste-chanteuse ?

(Rires) J’en ai pris mon parti, et ça ne me dérange pas plus que ça. Disons que ça permet toujours de situer. En effet, c’est vrai que pour les gens qui ne me connaissent pas en tant que chanteuse, ils me connaissent peut-être — et probablement d’ailleurs — en tant que journaliste. Et c’est vrai qu’être aussi un personnage public médiatique, ça a aussi été un désavantage, parce que ce n’était vraiment pas un avantage d’être journaliste pour se lancer dans une carrière de chanteuse de jazz. Mais ça permet au public de vous situer, et peut-être aussi parfois de se rencontrer lui-même, en se disant que c’est marrant, c’est cette femme qui présente un JT, qui est perçue comme vraiment le Graal pour les journalistes… De présenter un JT, de présenter aujourd’hui une émission hebdomadaire… Si elle s’autorise à aussi suivre une autre de ses passions, et à vivre plusieurs vies, j’ai peut-être le droit moi aussi de le faire.

Quant à être la femme de Lilian, actuellement je suis l’épouse de Lilian Thuram, voilà, c’est comme ça.

Mais peut-être qu’à un moment donné, on dira : « Lilian, le mari de Kareen Guiock Thuram » !

Ça lui arrive de plus en plus, il adore ça d’ailleurs ! (rires)
Vous savez, c’est toujours pareil, c’est le plus évident... C’est comme ça qu’on fonctionne aujourd’hui dans notre société. Il faut s’y adapter. Ça ne me dérange pas. J’assume tout ça. J’ai choisi aussi de m’appeler Kareen Guiock Thuram, donc d’accepter le nom de mon mari. Ce n’est pas pour reprocher aux gens de dire que je suis son épouse, c’est dans mon nom, ils font le lien, ça s’explique, ça permet de me situer en tant que journaliste, en tant que… civilement… je ne sais pas comment on dit ça, maritalement on va dire.

Un chemin de croix

Comment avez-vous eu ce déclic de quitter la télé ? J’imagine que c’est quelque chose qui sommeillait en vous depuis pas mal d’années ?

Je faisais déjà de la musique. La première fois que je suis montée sur scène, ça devait être en 2001-2002. J’ai pas mal chanté dans des clubs de jazz, dans des petits festivals de jazz. Je faisais mes classes en toute discrétion.

Pour répondre à votre question, quand je lisais des interviews d’artistes, que je voyais des interviews de gens disant « c’est une sorte de vie ou de mort », je me disais : "les gens sont hyper dramers, mais n’importe quoi, ils en font des caisses".

Et en fait, c’est vrai. C’était vital, c’est-à-dire que je ne pouvais plus vivre sans m’exprimer artistiquement. J’étais extrêmement malheureuse. Je pense que je m’en serais rendue malade de ne pas pouvoir m’exprimer artistiquement.

Un besoin vital, celui de vibrer vraiment musicalement, et d’avoir cette liberté de chanter, même si cela m’a demandé énormément d’efforts. Je suis très timide à l’origine, j’ai souffert pendant très longtemps de pudeurs vocales, c’était terrible pour moi.

Chaque concert était entre le calvaire et la torture. J’ai mis énormément de temps à comprendre pourquoi il fallait monter sur scène, à comprendre que monter sur scène, ce n’était pas se donner en spectacle, ce n’était pas un exercice de l’ego. C’était vraiment un moment de générosité, un moment de partage, un moment où on prend soin du public. Et c’est ça qui m’a libérée. Ça a été vraiment un chemin de croix pour moi de monter sur scène et de faire des concerts, jusqu’à y arriver grâce à cette tournée Nina.

Une journaliste interviewée

Une journaliste interviewée, ça ressent quoi ?

Au début, c’était très étrange. Finalement, c’est plus sain d’être interviewée en tant qu’artiste qu’en tant que journaliste. Quand on est interviewée en tant que journaliste, on ne parle pas en son nom propre, on parle au nom d’une rédaction, au nom d’une chaîne, au nom d’une émission.
Quand on est artiste, mes propos n’engagent que moi, et je suis totalement dans ma fantaisie, dans ma capacité à vous raconter des choses qui me sont très personnelles.
Ça me permet aussi, moi, en tant que journaliste, même si je suis interviewée en tant qu’artiste, de me dire : « Ah tiens, c’est intéressant, quand on a des questions comme ça, bah tiens, je pourrais tourner des choses comme ça ! »
On apprend tout le temps.

Merci beaucoup Kareen ! J'espère que vous avez été satisfaite de mon interview !

Très satisfaite, et j'ai hâte de vous lire maintenant !

Informations pratiques, réservation, billetterie Concert Kareen Guiock Thuram Jazz à Pau

Le Foirail

Place du Foirail
64000 Pau

www.pau.fr

Concert 23 et 24 mai 2025 à 20h

Kareen Guiock-Thuram (chant)
Kevin Jubert
(piano)
Rody Cereyon
(basse)
Tllo Bertholo
(batterie)

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