Publié le 16/02/2024

Les aventures de Tintin à Nice : une double exposition

Tintin, Hergé et Tchang, la double exposition à voir jusqu’au 30 juin 2024 à l’Espace culturel Lympia et au Musée départemental des arts asiatiques à Nice. Rencontre avec Adrien Bossard, le directeur et conservateur de ces deux lieux culturels.

Expo Tintin Nice 2024

« Tintin, Hergé & Tchang », une double exposition sur les traces des aventures de Tintin à voir du 27 janvier au 30 juin 2024 dans deux lieux culturels d'exception de la ville de Nice, gratuits et ouverts à tous, l'espace culturel Lympia et le musée départemental des arts asiatiques.

Le Musée Hergé de Louvain-la-Neuve (Belgique) s’associe au Département des Alpes-Maritimes pour dévoiler les multiples facettes du père de Tintin, une superbe sélection de documents précieux, de dessins originaux, d'objets et de peintures, présentés pour la première fois sur la Côte d’Azur.

De l’illustration à la bande dessinée en passant par la publicité, le dessin de presse et les arts plastiques, Georges Remi, alias Hergé, est mis à l’honneur.

Directeur de ces deux lieux culturels prestigieux, Adrien Bossard,  est également conservateur du patrimoine, formé à l'Institut National du Patrimoine, pour les conservateurs de musées, des monuments historiques, d'archéologie, de l'inventaire, des archives et du patrimoine scientifique, technique et naturel.

Précisons qu' un musée tel que celui-ci, le musée des arts asiatiques, bénéficie de l'appellation "musée de France".

Exposition « Tintin, Hergé et Tchang »

Rencontre avec Adrien Bossard, conservateur et directeur du Musée des arts asiatiques, et de l'Espace culturel Lympia à Nice

Adrien Bossard © Musée départemental des arts asiatiques

Monsieur Bossard, bonjour, présentez-nous votre démarche, ce magnifique endroit qu'est le musée des arts asiatiques, et la genèse de cette double exposition :

Histoire du musée des arts asiatiques 

Je dirige le musée des arts asiatiques depuis 2018 et l'espace culturel Lympia depuis 2020, donc ça va bientôt faire six ans que je travaille pour le Département des Alpes-Maritimes, six années très intenses, durant lesquelles nous avons développé une double programmation d'expositions avec mon équipe.

Avec l'évidence d'une identité forte d'art asiatique que nous perpétuons au sein du musée, la possibilité d'accès gratuit aux deux lieux et une réponse à la demande du Département de faire des expositions de haut niveau pour permettre une ouverture culturelle intéressante pour le Grand Sud.

Le musée des arts asiatiques a été inauguré le 16 octobre 1998, son histoire est complexe, et faite de nombreux rebondissements. Le point de départ de la création du musée, c'est le désir d'un homme Pierre-Yves Trémois, qui était un artiste réputé, peintre et graveur.

Il était à l'Académie des Beaux-Arts et possédait une collection d'art japonais et chinois, il a alors proposé à la Ville de Nice de donner sa collection en échange de la création d'un lieu pour les accueillir.

Assez rapidement, il a été décidé de choisir Kenzo Tange, un architecte japonais, pour construire le musée. Kenzo Tange, à cette époque, au sommet de sa carrière. Il a été le premier japonais à avoir reçu le prix Pritzker, récompense la plus prestigieuse dans le domaine de l’architecture.

Il est considéré comme un architecte majeur du XXe siècle, très inspiré par Le Corbusier. Ce musée en marbre de Carrare est un hommage aux temples méditerranéens antiques. Il y a apporté énormément de symboles asiatiques, et d'une certaine manière, il a voulu faire créer une forme de synthèse architecturale des conceptions philosophiques et artistiques japonaises.

C'est très joli, c'est très beau, c'est réussi. Oui, c'est un musée assez extraordinaire.

Nous sommes également un musée de proximité qui travaille vraiment en direction du public local. Ce musée est une porte, une ouverture sur l'Asie. Nous réalisons donc un vrai travail pédagogique, d'éducation, et nous accueillons de nombreux scolaires.

La genèse de l'exposition, un pari audacieux...

Pour ce qui concerne la genèse de l'Exposition, c'est un peu par hasard.

Deux événements auront contribué à le développer.

Je ne suis pas à proprement parler tintinophile, mais comme je vous l'ai expliqué, j'ai une anecdote à vous raconter...et c'est un souvenir d'enfance.

Je suis d'une génération qui a quand même grandi à travers les aventures de Tintin ; J'ai alors beaucoup regardé les dessins animés, quand j'étais petit. 

©Joseph Lutro

Mon père n'est pas un tintinophile pur et dur, mais il s'est marié à une chinoise de Singapour, qui venant vivre en France, lui a offert l'album Le Lotus bleu pour s'initier à la langue française. J'ai donc grandi avec cet exemplaire du Lotus bleu, annoté en chinois par ma mère.

(Souvenir confirmé par mes parents).

Puis la découverte il y a trois ans de la plus grande exposition jamais organisée sur Tintin  à Shanghai ...

Il s'agissait d'un beau projet porté par le musée Hergé à l'international. Je me suis dit alors qu'il faudrait faire cela sur la Côte d'Azur.Il faut dire que l’on n'est pas très BD dans les établissements culturels de ce territoire, et qu'il n'y a pas beaucoup de propositions culturelles autour de ce médium... j'ai tenté ma chance.

J'ai contacté le musée Hergé, je suis allé les voir en Belgique, je leur ai présenté les établissements que je dirige. Ils sont descendus pour voir les lieux. Ils ont été assez convaincus de la qualité de la proposition.

On sortait d'une phénoménale exposition Hokusai qui nous a permis de battre des records d'affluence. On avait fait à l'époque 70 000 visiteurs en 4 mois, ce qui était assez énorme. Ils ont alors dit ok, et tout s'est fait en étroite concertation avec eux.

Notre expérience des 30 expos en 5 ans a bien entendu pesé, mais l'expertise, la compétence et l'expérience reconnue des équipes du Musée Hergé a largement contribué à apporter à cette double exposition un très haut niveau de qualité.

©Joseph Lutro

La salle du Lotus bleu entre autres est particulièrement réussie, avec le papier peint collé sur les murs, figurant  l’énorme dragon noir de la couverture de l’album, et la présentation de planches originales qui sont de véritables trésors iconiques de l’histoire du 9e art. Quant à l'espace Lympia, la mise en valeur des œuvres d'art de la collection d'Hergé prend ici toute son sens.

L'idée de cette double exposition, avec Tintin et Tchang, au musée des arts asiatiques et Hergé et l'art à l'espace culturel Lympia, est une grande première à ma connaissance sur la Côte d'Azur.

Parlez-nous des particularités de l'Exposition :

Oui, une des particularités de l'exposition, c'est que nous allons changer les planches originales. Comme il s’agit d’œuvres graphiques, on ne peut pas l'exposer plus de 3-4 mois d'affilée.

À mi-exposition, nous procéderons à une rotation pour toutes les planches afin de permettre leur bonne conservation. 

Ce n'est pas 2 expositions, mais bien 4 que les visiteurs pourront voir !

L'essence des expositions, si l'on peut dire, c'est d'abord l'amitié qui lit Hergé à Tchang.
L'exposition au musée des arts asiatiques l'exprime totalement, autant par ses nombreuses archives et dessins portant sur les deux albums mythiques que sont Le Lotus bleu et Tintin au Tibet, que par la documentation utilisée par Hergé pour leur création.. quant à l'espace culturel Lympia, on  pourra découvrir un Hergé grand collectionneur et artiste peintre.

L'idée de cette double exposition n'est pas en soi de faire aimer Tintin, mais plutôt de permettre de découvrir Hergé en tant que créateur. On regarde en effet différemment une œuvre quand on en sait plus sur l’artiste, son parcours, sa méthode et ses inspirations.

Hergé, est un des plus grands artistes du XXe siècle

Parlez-nous d'Hergé :

On a sans doute tendance à l'oublier parce que c'est de la bande dessinée, un art reconnu à sa juste valeur depuis peu et que tout le monde appelle désormais le 9e art. Un art qui bénéficie aujourd’hui d’une belle réputation avec ce festival d’Angoulême qui est un événement international.

Nous pouvons dire qu’Hergé est le père fondateur de cette pratique artistique en Europe.

A l’espace culturel Lympia, le parcours propose une partie biographique qui est toujours bien pour replacer les choses, pour voir comment a évolué son style, les différentes étapes de sa vie et de sa carrière, comment il a créé la ligne claire. Il y a aussi son rapport à l'art qui est abordé parce qu'il a alimenté sa propre pratique artistique des arts, des cultures, des civilisations à travers le monde, mais aussi de l'art abstrait.

Et ça, c'est quelque chose que les gens ne connaissent pas forcément.
Notre objectif, ce n'est pas de convaincre que Tintin, c'est génial !

Tintin, c'est plus profond que simplement ce jeune reporter et son chien et toutes leurs aventures à travers le monde.

C'est aussi Hergé, et au détour de l'exposition, on découvre  l’excellence et le labeur de ce créateur de génie... Quand, dans les années 1960, il s’est lancé dans la peinture, il a réalisé qu’il ne voulait surtout pas être un peintre du dimanche. Il voulait exceller. Et s’il brillait dans la bande dessinée, ses peintures s'avèrent quant à elles « sous influence ».

© Joseph Lutro

C'est-à-dire qu'une peinture va ressembler à du Miró, une autre à du Poliakoff, une autre à du Klee. Il n'a pas été en mesure de créer une identité propre qu'il a par ailleurs su développer dans la bande dessinée.

Et c'est assez paradoxal parce qu'autant pour la bande dessinée, il n'a pas été formé, il était autodidacte, et il a inventé quelque chose. Autant pour la peinture, et il s'est formé auprès d'un peintre belge. Et il n'a pas su développer son propre style. Les visiteurs découvrent donc Hergé en tant qu'artiste accompli d’une part et pas tout à fait en réussite d’autre part, je trouve cela assez intéressant.

Le mot de la FIN...

Précisons que la double exposition se termine le 30 juin 2024. Nous avons choisi de proposer cet événement sur le temps scolaire pour qu’un maximum d’enfants puissent en profiter avec leur classe.
Ce que je souhaite pour cette exposition, comme pour la majorité de nos expos, c'est qu'elle soit transgénérationnelle et que le musée soit vraiment un lieu de partage.

Contrairement à votre génération et à la mienne, la nouvelle génération ne connaît pas très bien Tintin.

Notre journaliste Joseph Lustro, tintinophile

Mon plus grand désir, est que des grands-parents viennent avec leurs petits-enfants au musée et qu'ils partagent ce moment de découverte.

Mon objectif est également que les visiteurs se souviennent qu’ils ne sont pas allés à Paris, à New York ou à Londres pour voir une exposition sur Tintin mais qu’ils sont restés ici, chez eux, et qu’ils ont bénéficié non pas d’une exposition mais bien de deux, une chance incroyable. 

En fait, je veux défendre le concept d'un musée générateur de souvenirs, et d'ouvrir le monde de la culture à toutes et tous...

© Joseph Lutro

L'Exposition Hergé en quelques lignes :

1er partenariat entre le Musée Hergé et le Département des Alpes-Maritimes
1re double exposition au musée départemental des art asiatiques et à l’espace culturel départemental Lympia
72 œuvres à l’espace culturel départemental Lympia dont 10 peintures d’Hergé
107 œuvres au musée départemental des arts asiatiques
32 planches à l’espace culturel départemental Lympia
44 planches au musée départemental des arts asiatiques, soit 76 planches originales
Une rotation des planches originales sera réalisée à la mi-exposition, l’occasion de revenir visiter l’exposition
1 fusée lunaire de 6 mètres de haut sur la terrasse de l’espace culturel départemental Lympia
1 catalogue au format inédit pour la double exposition.

Renseignements, horaires, tarifs : Exposition « Tintin, Hergé et Tchang » Musée des arts asiatiques et espace culturel Lympia

Musée des arts asiatiques

405, Promenade des anglais
06 200 Nice
Tél : 04 89 04 55 20
Horaires d'ouverture : de 10h à 17h fermé le mardi

Espace culturel départemental Lympia

2, quai Entrecasteaux
06 300 Nice
Tél : 04 89 04 53 10
Horaires d'ouverture : de 10h à 17h fermé les lundi et mardi