Publié le 27/07/2023

Clelia Cafiero, maestria et puissance d’une cheffe d’Orchestre

Baguette d’exception pour ‘Carmen’ aux Chorégies d’Orange, nous avons rencontré la jeune et talentueuse cheffe d’orchestre Clelia Cafiero.

Clelia Cafiero chef orchestre biographie

Elle était pour la première fois dans le fabuleux théâtre antique d’Orange ce 8 juillet 2023. La jeune femme et talentueuse chef d’orchestre Clelia Cafiero a dirigé avec maestria la ‘Carmen’ de Bizet au prestigieux Festival des Chorégies d’Orange. La cheffe d’Orchestre a, d’emblée, apportée une couleur supplémentaire à l’œuvre qui, la beauté des voix, ont fait de cette Carmen, une merveilleuse réussite musicale. 

Marie-Céline l’a rencontrée lors de la présentation des artistes de Carmen aux Chorégies d'Orange

Clelia Cafiero, sa biographie en quelques notes ...

L’envol de Clelia Cafiero, de pianiste à chef d'orchestre

Italienne née dans un petit village près de Naples et de famille non musicienne. Clelia Cafiero a l’intelligence de comprendre, très jeune, sa prédisposition pour la musique. Son papa l’amène, dès l’âge de cinq ans, jouer sans connaitre les notes, sur le piano de l’église pendant la messe. C’est au Conservatoire de Naples qu’elle débute ses études de piano et les poursuit à Milan. C’est au  Conservatoire de Milan qu’elle termine ses études de piano et étudie la direction d’orchestre au moment même où elle gagne, à l’âge de 22 ans,  le concours pour être pianiste à la Scala de Milan. Elle est dès lors pianiste de l’orchestre et pianiste pour les répétitions avec les chanteurs. 

Une direction d'orchestre de Carmen à l'Opéra de Marseille au pied levé

Dans ce lieu mythique et dans ce festival parmi les plus prestigieux au monde, les plus grands chefs ont été à la baguette, les plus grandes voix ont retenti. Lorsque Jean-Louis Grinda demande à Clelia Cafiero de diriger Carmen aux Chorégies, elle est envahie d’une joie immense et se sent investie, en même temps, d’une terrible responsabilité. Elle relève la gageure haut la main et reçoit l’ovation du public. Clelia Cafiero est une cheffe d’orchestre humble et généreuse, elle dit devoir sa réussite à Maurice Xiberras, directeur de l’Opéra de Marseille, qui lui a permis de faire la dernière représentation de Carmen à l’opéra de Marseille. Son amour pour la philosophie et la littérature ne sont sans-doute pas étrangers à son intelligence et à son approche de la musique.  

La direction d’orchestre, un monde nouveau

Elle découvre un monde nouveau car la carrière de pianiste soliste est totalement différente. C’est en jouant dans l’orchestre, au côté des musiciens, qu’elle s’imprègne peu à peu des symphonies. Elle se passionne pour le travail que fait le chef d’Orchestre, a la chance de voir les plus grands chefs au monde et note sur sa partition, pendant les pauses au piano et tout au long des concerts, ce que le chef demande à tel ou tel instrument. Elle s’imagine alors à la place du chef d’orchestre pour faire son interprétation de la musique. Après avoir joué une petite partie au clavier avec le chef Antonio Pappano, elle tape à sa porte, lui déclare son admiration pour la manière dont il dirige symphonies et opéras et lui demande l’autorisation de suivre ses répétitions. A son grand étonnement, Antonio Pappano l’invite à assister à Manon Lescaut au Royal Opera House de Londres. Munie du diplôme de direction obtenu au Conservatoire de Milan, Clelia cherche dès lors la façon de devenir cheffe d’orchestre et trouve à cet effet, à Marseille, un concours de recrutement en qualité d’assistante chef d’orchestre. 

Avec Lawrence Foster 

« Ce qui m’importe, c’est de faire ma version de la musique mais je dois connaitre la partition en profondeur, par cœur et surtout je dois savoir où il faut agir. Pour donner sa signature, il faut dire les deux trois choses qui font la différence. »

— Clelia Cafiero

Lawrence Foster, chef d’orchestre alors en titre à l’Opéra de Marseille, l’auditionne, la choisit et la prend sous son aile. Elle apprend avec lui l’efficacité des répétitions. Quand Lawrence Foster a très peu de temps pour préparer un concert, il a la capacité à dire des choses qui font changer les choses en très peu de temps. Clelia commence à raisonner comme lui à la lecture d’une partition : « Ce qui m’importe, c’est de faire ma version de la musique mais je dois connaitre la partition en profondeur, par cœur et surtout je dois savoir où il faut agir. Pour donner sa signature, il faut dire les deux trois choses qui font la différence. » Elle commence à faire des concerts à Marseille, remplace Lawrence Foster, empêché, pendant la pandémie COVID, exécute tous les streaming proposés par l’Opéra de Marseille, les concerts du Nouvel an, remplace d’autres chefs au pied levé, fait des enregistrements avec Lawrence Foster, est remarqué par une maison de disques et lui demande un CD. 

Communiquer la passion et l’envie de jouer, un travail d’ensemble 

Un réseau se crée où le nom de Clelia Cafiero circule. Cette carrière extrêmement particulière, Clelia Cafiero la conduit avec passion malgré l’ingratitude du métier de chef d’orchestre qui requiert énormément de responsabilités et une grande expérience pour acquérir la confiance des musiciens. Pour cela, malgré le fait d’être jeune et d’être une femme, Clelia élabore une stratégie pour expliquer à l’orchestre les choix qu’elle fait : arriver avec les idées claires, travailler la musique pour la connaitre comme elle est écrite, dans la composition, l’orchestration, dans l’idée, dans le texte, dans les mots, et surtout, communiquer la passion et l’envie de jouer, aux autres. Le fait d’arriver en souriant devant des musiciens qui ont peut-être joué cent fois la même partition auparavant, avec légèreté, en leur disant que la musique va être élaborée ‘ensemble’ parce que c’est magnifique, puis en expliquant les choix musicaux, participe du fait de la cohésion de l’orchestre et du succès de l’œuvre. L’attitude un peu froide ou détachée d’un chef change le résultat d’un concert. Pour Clelia Cafiero, la musique est toujours un travail d’ensemble. 

À la baguette de Carmen au Chorégies d’Orange

« L’Orchestre d’opéra doit être le coussin des voix »

— Clelia Cafiero

L’orchestre d’opéra est habitué à jouer avec les plateaux et le chant qui demande une mesure flexible, il s’adapte. Répétant avec l’excellent orchestre symphonique de Lyon, habitué seulement aux répertoires symphoniques avec mesures et tempos stables, Clelia chante elle-même l’Opéra et commence avec cet orchestre symphonique un vrai parcours de rapprochement à l’opéra. Leur travail commun se solde, à Orange, par un véritable succès. 

Compromis, confiance et bon esprit

Clelia Cafiero travaille avec l’orchestre en faisant des compromis. C’est, dit-elle, un mot clé qui participe de la confiance installée entre le chef et les musiciens. Ne pas imposer, créer une confiance dans l’autre, mettre à l’aise sont primordiaux dans le métier de chef d’orchestre. 

Un fil rouge qui nous lie : les réseaux sociaux

« Apporter l’opéra et la musique classique comme une histoire à vivre, simplement »

Assez préoccupée par la place des jeunes générations, Clelia Cafiero a un projet en cours: apporter l’opéra comme une histoire simple de vie, proposer à des orchestres de jeunes ainsi qu’à des chanteurs faisant partie d’associations, le développement de la musique chez les jeunes, la découverte de la musique classique et de l’opéra chez les ados. Diffuser sur les réseaux en parlant chaque fois d’un opéra différent, raconter l’histoire –les histoires d’amour plaisent toujours, quelles que soient les époques- et la transmettre avec simplicité en cherchant à passionner le public jeune qui sera le  public futur. 

La Musique, une thérapie

Clelia Cafiero a la musique au cœur. Elle considère qu’elle « sauve les âmes ». C’est, dit-elle, une thérapie. Naples, Marseille, le raccourci se fait facilement entre ces deux villes populaires et culturelles qui sont au cœur de Clelia Cafiero. Nous ne devrions pas tarder à revoir à Marseille cette cheffe d’Orchestre promise à une grande carrière. Elle enregistre dans notre ville avec l’Orchestre de Marseille et un ténor américain pour la San Francisco Recording, à partir du 20 août 2023.

« In bocca al lupo » maestra !