- Auteur Marie-Céline SOLÉRIEU
- Temps de lecture 8 min
Corentin Apparailly, à la dérive des émotions avec « Titanic »
Après « L’Art d’Aimer », voici « Titanic » …
D’une ode à l’amour et à l’espoir au naufrage, Corentin Apparailly nous fait chavirer d’émotions à travers ses compositions. Rencontre !

C'est dans le cadre du Festival de Quatuor du Luberon que nous avons rencontré ce jeune et brillant compositeur Corentin Apparailly, le 22 août 2025. "Titanic", une œuvre mélodieuse au répertoire musique de chambre, pour le plus grand bonheur du public, rassuré par l'absence des notes dissonantes que l'on pourrait redouter dans toute création contemporaine. Donné dans l'écrin du cloître de l'Abbaye de Silvacane à la Roque d'Anthéron, le concert fût très apprécié des mélomanes, porté par les résonances musicales et vibratoires d’un lieu chargé d’histoire.
Interprété par le Quatuor Agate, et le pianiste Cyril Guillotin, ce quintette "Titanic" s'inspire de l'histoire vraie du naufrage du Titanic, en écho aux musiciens, qui, jusqu'à la dérive, ont continuer à jouer de leurs instruments.

Le jeune compositeur Corentin Apparailly signe une œuvre poignante : « Titanic »
Talent prometteur de la scène contemporaine
Né en 1995, Corentin Apparailly fait partie de ces génies de la musique. Lancé dans la composition depuis 2019, il a déjà près de 24 œuvres à son actif, sans compter les commandes qui se succèdent.
Compositeur en résidence de l'Orchestre de Chambre de Toulouse pour les saisons 2024-2027, lauréat des Prix des Arts de l'Académie d'Occitanie, Corentin Apparailly est également compositeur associé du Katok Ensemble depuis 2024.
Altiste de formation, brillant musicien, et membre fondateur du Quatuor Arod, qu'il a quitté pour se consacrer pleinement à la composition, Corentin Apparailly est considéré comme une figure montante de la nouvelle génération des compositeurs. Ses œuvres ont été interprétées par des musiciens de renom, tels que le Quatuor Agate ou le Quatuor Debussy, Eva Zavaro, Valentine Michaud, Julien Martineau, Félicien Brut.
Il collabore également avec des orchestres comme l'Orchestre Victor Hugo France Comté, l'Orchestre national des Pays de la Loire, l'Orchestre Symphonique de la Radio Finlandaise, ou encore l'Orchestre national Avignon-Provence, pour L'Art d'Aimer de Jean-Claude Gallotta.

Rencontre !
Pourquoi le Titanic ?
Corentin Apparailly : Tout le monde connaît l'histoire du naufrage où il y avait huit musiciens à bord, qui ont joué vraiment jusqu'à la fin. J'ai essayé d'en savoir un peu plus, et de mettre des noms et des visages sur les musiciens qui étaient là, de me rendre compte qu'ils avaient tous entre 20 et 35 ans.
Je me suis senti proche d'eux parce que je suis altiste à l'origine. C'est déjà arrivé qu'on me propose d'aller faire des concerts sur une croisière. Je me suis dit alors qu'à un siècle près, ces musiciens du Titanic auraient pu être des amis. Cette histoire m'a beaucoup ému. En me renseignant, j'ai vu qu'on connaissait visiblement la dernière pièce qu'ils ont jouée. C'est pour cela que je l'ai intégrée aussi à ma création, que je m'en suis inspiré pour leur rendre hommage.
De quoi vous-êtes vous inspiré pour composer cette quintette avec piano, au-delà de l'histoire du Titanic?
Corentin Apparailly : L'histoire du Titanic est vraiment la base de cette composition. Par exemple, j'ai écouté le son des cloches du Titanic, ou de la corne quand le bateau part afin de réintégrer des éléments. C'est vraiment construit autour de cela. Il y a aussi les images de glace, d'océan, qui m'ont aussi traversé quand on pense à cette histoire, et que l'on compose.
Vous avez une approche visuelle lorsque vous composez ?
J'écris la partition, mais oui c'est très visuel. Je suis très marqué aussi par la musique de film. Cela m'est arrivé, en composant, d'aller regarder des images d'archives du Titanic, des coupures de presse, pour m'imprégner vraiment de l'atmosphère, et d'essayer de le retranscrire au mieux.
Et je suis heureux lorsque les musiciens me disent qu'ils ont vu le port, le bateau à travers leur interprétation. J'aime bien quand les images sont assez fortes pour qu'elles restent pour le public et les musiciens.

Votre parcours de compositeur compte déjà une quinzaine de créations, je crois ...
Oui, à peu près, non, un peu plus, maintenant, 23 ou 24 compositions.
Depuis quand ?
Depuis six ans. Je me suis lancé dans la composition en 2019.
Combien de temps pour créer une oeuvre par exemple ?
Cela dépend, une œuvre comme celle-ci, c'est plusieurs mois de travail, 4-5 mois.
J'écris aussi plusieurs choses en même temps, donc tout avance en même temps.
Bien sûr, un duo pour deux violons va prendre moins de temps qu'un quatuor ou qu'une pièce pour orchestre. C'est donc à moi d'adapter le planning pour avoir le temps d'écrire. En général, on me prévient à peu près un an à l'avance, donc je sais, par exemple, là, pour juin prochain, que je dois écrire une pièce, un conte musical.
Comment cela se passe-t-il dans votre tête lorsque vous écrivez plusieurs pièces en même temps ? J'écris souvent en intensif une semaine, puis je change. Je n'écris pas deux pièces différentes sur une même journée ! Ce serait trop dur pour le cerveau ! Le temps de se plonger dedans, on a besoin d'un temps un peu long.
Vous arrivez à faire des tiroirs ?
Oui exactement ! Je fais des tiroirs avec tous les projets.
Pourquoi avez-vous voulu composer ? Parce que vous étiez un brillant musicien ... vous avez aussi créé un quatuor, le Quatuor Arod.
Oui, c'est ça, ils sont venus jouer il y a deux jours au Festival. C'est rigolo, on s'est croisés.
En fait, j'ai toujours un peu écrit de la musique depuis que je suis petit, et je pense qu'au bout d'un moment, quand on a vraiment envie de créer ses propres histoires, ça ressurgit. J'arrivais un peu à faire tout en même temps, et au bout d'un moment, le quatuor a commencé a donner beaucoup de concerts, parce qu'on a gagné des gros concours mondiaux.
On faisait des tournées partout au Japon, et cela devenait quasi impossible de faire le reste à côté. C'est vraiment la création qui me plaît encore plus que l'interprétation, parce que l'on peut vraiment mettre de soi et être vraiment dans son univers. J'ai dû faire le choix de partir du quatuor pour me consacrer vraiment à plein temps à la composition.

Vous êtes âgé de 30 ans ... Vous êtes très jeune pour un compositeur !
Je ne sais pas. Si, en musique classique, c'est vrai.
C'est qu'aujourd'hui il y a des jeunes compositeurs de 40, 45 ans, en musique classique, c'est tellement du long terme. Quand on regarde le passé, on se rend compte qu'ils sont tous morts à 35 ans et on se dit... comment ils ont eu le temps d'écrire tout ça !
On y consacre notre vie. C'est vrai que je suis un peu tout le temps la tête dans mes notes et dans mes compositions.
Est-ce que cela déborde dans votre vie personnelle ?
La vie perso, ça va. J'ai une vie épanouie. Mais c'est vrai qu'on y pense tout le temps.
Parfois, ça tourne la nuit. On ne peut pas trop dormir. Je me lève pour pour noter mes pensées. Ça peut être compliqué à vivre. Ce n'est pas de tout repos.
Mais je suis bien entouré, heureusement.
C'est votre pilier ?
Pour pouvoir avoir le luxe de se consacrer à son art, c'est vrai que c'est chouette si les bases à côté sont très solides. J'ai une famille, mes parents sont toujours ensemble. J'ai une copine. Ça cadre le reste.
On peut se laisser aller dans des élucubrations artistiques. Ça aide. C'est vrai que de savoir qu'il y a du solide à côté, on peut peut-être se perdre un peu dans autre chose en sachant qu'on ne part jamais vraiment très loin et que l'on a du soutien à côté.