Publié le 28/01/2023

Émilien Bouglione : Un Seigneur du Cirque – Rosa Bouglione : La grande Dame du cirque…

« Le cirque est une école des valeurs, pas de trucage au Cirque on paie comptant, c’est l’école de la vérité… » Rencontre avec Émilien Bouglione, prince du cirque …

Emilien Bouglione Prince du cirque - cirque d'hiver

Émilien Bouglione,  Prince du cirque ©V.L.R

S’il est un monde dans lequel le mot « famille » a conservé tout son sens c’est bien le monde du cirque… Au-delà de la grande famille des « Bouglione », ce sont les gens du cirque du monde entier qui, le dimanche 26 août 2018, pleuraient, « la grande dame du cirque » : Rosa Bouglione… Son fils aîné,Émilien Bouglione, maître de l’art équestre avec sa célèbre Cavalerie du Cirque d’Hiver de Paris, acrobate, trapéziste, clown, dompteur, homme canon a reçu le premier « Clown d'argent », des mains du prince Rainier III lors du 1er festival international du cirque de Monte-Carlo, c’était hier : en 1974…  Émilien Bouglione est un personnage à la ville comme sur la piste, les personnages se font rares, je n'allais pas le lâcher... Fils de Joseph Bouglione, petit-fils de Sampion, il est aujourd’hui le doyen de la célèbre dynastie…

Émilien Bouglione un jour aux puces…. © V. L R

Rencontre avec le doyen du Cirque d’Hiver : Émilien Bouglione...

Le prince du cirque

V.L.R : Émilien Bouglione vos plus beaux souvenirs au Festival de Monaco ? 

Émilien Bouglione : Des souvenirs heureux envahissent ma mémoire comme ce premier Clown d'argent, grand honneur de ma vie d'artiste, et la sympathie dont veut bien m'honorer la famille princière l'une de mes plus grandes joies ; la Principauté dont un Souverain a su comprendre, aider et aimer le cirque jusqu'à faire que le Festival de Monaco qu’il a  créé soit l'un des symboles de notre art.

V.L.R : Émilien, "Vous faites votre cirque" (si je puis dire !) depuis quand ? 

Émilien Bouglione : Le Cirque d'hiver a été construit en 1851, nous y sommes depuis 1934. Des cirques "Bouglione" on en voit beaucoup, certains appartiennent à des petits cousins, ils se défendent, font bien leur métier mais aujourd'hui le dernier grand cirque Bouglione c'est le Cirque d'Hiver de Paris, nous sommes près de 800 "Bouglione", souvent dans l'histoire du festival de Monaco nous avons été plus de 40 présents...

V.L.R : Vos débuts sur la piste ?

Joseph et Rosa Bouglione ©V.L.R

Émilien Bouglione : A 6 ans, j'étais en piste, c'est mon école à moi, avec mon père Joseph, Rosa, ma mère (dompteur) j'ai pratiqué toutes les disciplines : acrobate, musicien, clown, jongleur, trapéziste, un jour j'ai même doublé Tony Curtis dans le film "Trapèze" et puis bien sûr il y aura la Cavalerie Bouglione qui m’a fait connaître...

V.L R :  Votre sentiment sur la polémique des animaux au cirque.

Émilien Bouglione : Que la SPA protège les animaux je suis d'accord à 100%, mais ne mélangeons pas  tout : il y a les bonnes mères de famille et les mauvaises... Il a existé au cirque comme ailleurs des gens peu scrupuleux, mais en général les animaux ne sont pas maltraités, déjà il ne faudrait pas oublier qu’ils sont notre budget !  Moi, j'avais 100 chevaux, sur les cent, 30 travaillaient, je les avais par amour. Allez voir en Afrique où l’on massacre à tout va ! Allez-voir plus près de chez nous sur les marchés à bestiaux...  Là, je crie bravo à la SPA. On dit que les animaux sont malheureux dans un zoo : c'est faux. Ils ont de l'espace, ils sont soignés.  Monaco nous a d'ailleurs beaucoup aidés, en montrant la réalité de notre vie avec les animaux.  Alors arrêtons, ça suffit !

Les animaux .... ©DR

V.L.R : On parle de plus en plus de cirque moderne, c'est un peu comme "la nouvelle cuisine", "le nouveau roman" ? S'il n'y a pas de trapézistes, pas d'animaux, plus de paillettes, ce n'est plus du cirque.

Émilien Bouglione : La nouvelle cuisine, franchement on ne mange pas très bien ! Moi, je me régale avec un bon pot-au-feu, des saucisses aux lentilles... Les dessins dans l'assiette, les "échantillons" : c’est pas mon truc ! Le cirque ce n'est pas le théâtre et le théâtre ce n'est pas le cirque !

La cavalerie Bouglione

V.L.R : J'entends souvent dire aussi : "Il n'y a plus de clowns", que répondez-vous ?

Émilien Bouglione : Raymond Devos sans cabaret et sans télévision aurait été chez nous, tout comme Poiret et Serrault, C'est Lagaffe qui m'a dit un jour "on fait rire mais nous ne sommes pas des clowns, clown c'est trop dur " : c'est très juste, le cirque est une école des valeurs, du dépassement de soi, au cirque on paie comptant, pas de trucage, c'est l'école de la vérité. On doit être musicien, jongleur, acrobate, clown, dresseur, un peu vétérinaire, chauffeur, mécanicien. Quand on demandait à Devos "qu'est-ce que le cirque ?" il répondait simplement "le cirque c'est énorme", dans la lignée des grands actuellement le clown Fumagali est fantastique...

V.L.R : Et la "guerre des cirques", autre lubie de journalistes ou réalité ? 

Émilien Bouglione : Nous sommes une grande famille, nos enfants se marient encore entre familles de cirque, nous sommes tous un peu cousins. Toutes ces histoires de guerres des cirques, elles ont existé effectivement pour la presse : mon père Joseph se bagarrait avec les frères Amar pour des histoires d’affiches et le soir il dînait avec eux ! 

V.L.R : Vous avez été avec vos frères, à l’origine de la création des "Galas de l'Union des artistes" : des acteurs, des célébrités, pour un soir se transformaient « artistes de cirque »

Émilien Bouglione : En 1923, pour que l'Union des Artistes puisse continuer à venir en aide aux vieux artistes que l'âge a privés de travail, donc de ressources, Max Dherly a une idée : Il demande aux plus grosses vedettes du monde du spectacle d'exécuter gratuitement un numéro de cirque lors d'une soirée exceptionnelle. Les recettes iront aux œuvres sociales de l'Union.  Les frères Bouglione mettent le Cirque d'Hiver à la disposition de l'Union. Emilien Bouglione avec son sourire malicieux et ses yeux qui brillent se souvient de ses premiers élèves entrant dans le cercle magique : Marlène Dietrich, Maurice Chevalier, Belmondo, Jean Marais, Gina Lollobrigida… Récemment pour sa 53ème édition, le Gala de l'Union retrouvait la piste du Cirque d'Hiver-Bouglione pour une soirée exceptionnelle qui mettait à l'honneur le 7ème Art : « Le cirque fait son cinéma ! » 

Le Cirque d'Hiver ... ©DR

La naissance du Cirque d’Hiver … à Paris

Le cirque Napoléon ...

C’est le Prince Louis-Napoléon qui inaugura, le 11 décembre 1852, le cirque auquel il allait prêter son nom « Le Cirque Napoléon ». Un monument historique qui se dessine sur 42 mètres de diamètre, est composé de 40 fenêtres réparties sur 20 pans, de 21 lustres à gaz, une salle de 5 900 places. La décoration intérieure et extérieure avait été confiée aux grands sculpteurs et peintres de l’époque: Pradier, Bosio, Gosse, Barrias. Franconi et Baucher sont les régisseurs de ce Cirque voué pour l’essentiel à l’art équestre. Le 28 octobre 1934: les 4 frères Bouglione reprennent le Cirque d’Hiver; c’est le début d’une passion que rien n’arrêtera. Le nom de Bouglione devient synonyme de cirque. En épousant Joseph Bouglione en 1928, Rosa Bouglione, rejoignait la tribu la plus célèbre du cirque européen. Le temps passe : 1999, la nouvelle génération Bouglione reprend le flambeau…

2018 « L’Adieu à « Madame Rosa » à 107 ans 

Hommage à la grande Dame du cirque, Rosa Bouglione

Rosa Bouglione et son fils Émilien

Rosa Bouglione, née Rosalie Van Been le 21 décembre 1910 à Ixelles en Belgique s’est éteinte le 26 août 2018 à Paris à l'âge de 107 ans. Elle était la doyenne de la famille Bouglione, et n'avait pas cessé de participer, superviser les activités de la famille.  « Madame Rosa », aurait fêté ses 108 ans le 21 décembre… La toujours belle « Rosa » s’est éteinte, à son domicile à deux pas du Cirque d’Hiver. Avec son mari, Joseph Bouglione, elle avait fait l’acquisition du célèbre cirque de la capitale en 1934. Le mercredi 29 août 2018 de 10h à 13h, autour de la famille, le peuple de Paris se recueillait devant un cercueil couvert de roses rouges, comme le veut la tradition, posé au centre du cercle magique, cette piste du Cirque d’hiver qu’elle a tant aimée… 

« Un mariage dans la cage aux lions »

Rosa Bouglione commence sa carrière comme danseuse dans la cage aux lions, dans la ménagerie de ses parents, son père tenant les fauves en respect pendant que la belle Rosa danse la « serpentine ». La rencontre avec Joseph Bouglione fut un coup de foudre, le 4 juillet 1928, ils se marient dans la cage aux fauves… 

Les enfants de Rosa Bouglione

De cette union naîtront Odette (1929), Josette (1930), Firmin (1932), Émilien (1934), Sandrine (1936-2012), Sampion (1938) et Joseph (1942). Leur père, personnage haut en couleur, le grand Joseph Bouglione, à la mort de son frère Alexandre, reprend le flambeau familial et devient directeur du Cirque d'hiver. 

« Elle n’a pas souffert, elle s’est éteinte tout doucement »

« Pendant presque un siècle, Madame Rosa a reçu les plus grandes stars et accueilli, dans ce temple du cirque, les plus grands artistes internationaux », indiquait le communiqué de la famille : Cinq générations, rassemblant quelques 55 petits, arrière et arrière-arrière-petits-enfants vont dire adieu à leur emblématique aïeule qui leur a légué l'amour du cirque. « Elle n’a pas souffert, elle s’est éteinte tout doucement » me confiera au téléphone, le fils aîné de la grande Dame du cirque, Emilien Bouglione, aujourd’hui doyen de la dynastie. Le mercredi 29 août 2018, de 10h à 13h, autour de la famille, le peuple de Paris se recueillait devant un cercueil couvert de roses rouges, comme le veut la tradition : au centre du cercle magique, cette piste du Cirque d’hiver qu’elle a tant aimée…

Deux précieux ouvrages à lire et regarder…

« Un mariage dans la cage aux lions » (Michel Lafon - 2011)

Autobiographie de « Madame Rosa » : Dompteurs, dresseurs de chevaux, trapézistes, clowns blancs, Auguste, Rosa Bouglione fait découvrir, au quotidien, la passion de ces virtuoses de l'impossible. On y apprend (entre autres !) que « la belle Rosa » a débuté sa carrière dans la ménagerie de ses parents, son père tenant les fauves en respect pendant qu’elle dansait la « serpentine » dans la cage aux fauves. La rencontre avec Joseph Bouglione, un coup de foudre, ils se marient 1928, dans la cage aux lions ! 

« Le Cirque d’hiver » (Beau livre – Flammarion -2002)

Ce premier livre paru sur le Cirque d'Hiver constitue en soi un événement. En effet, aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est la première fois qu'est racontée, illustrée, l'histoire de ce temple du cirque, chef d'oeuvre du patrimoine architectural urbain du XIXe siècle ; salle mythique la plus ancienne de Paris, avec la Comédie-Française, et seul cirque « en dur » qui présente encore aujourd'hui des spectacles. Les auteurs : Louis-Sampion Bouglione, fils du maître de voltige équestre, Émilien Bouglione, a pour mission de conserver les archives concernant le Cirque d'Hiver et la famille. Co-auteur, Marjorie Aiolfi, véritable mémoire du cirque, historienne de l'art est issue de l'Ecole du Louvre

Actuellement à l’affiche du Cirque d'Hiver à Paris : 

La dernière création de la nouvelle génération des Bouglione : « Fantaisie » (Jusqu’au 5 mars) - Renseignements : Tél : 01 47 00 28 81