Publié le 09/07/2025

Interview d’Erwin Schrott pour Liverpool Oratorio de Paul McCartney – Chorégies d’Orange

« …Ce qui rend les Chorégies d’Orange uniques, c’est un rituel vivant, un espace sacré où la musique merveilleuse perd son velours et devient esprit pur. »  Après son succès en 2018 pour Mefistophele, Erwin Schrott revient aux Chorégies d’Orange pour le Liverpool Oratorio de Paul Mc Carney. Un retour très attendu sur la scène du théâtre antique, ce 25 juillet 2025.

Erwin Schrott Liverpool Oratorio Choregies orange 2025

Dans le cadre de sa programmation 2025, Les Chorégies d’Orange, plus ancien festival d'art lyrique français, présentent pour la première fois le 25 juillet l’œuvre emblématique de Paul McCartney et Carl Davis, Liverpool Oratorio

Pour l’interpréter, sous la baguette de Kazuki Yamada, un quatuor magistral : le baryton-basse Erwin Schrott, la soprano Jessica Pratt, le ténor Andrew Owens et la mezzo-soprano Floriane Hasler.

Erwin Schrott aux Chorégies d’Orange - Liverpool Oratorio de Paul McCartney

Interview téléphonique

Le baryton-basse urugayen, triomphateur des Chorégies d’Orange avec Mefistofele en 2018, Don Giovanni en 2021 et l’Elisir d’amore en 2022, Erwin Schrott, Divo de la scène lyrique, prêtera sa voix aux rôles du Headmaster, du Preacher et de Mr Dingle pour le Liverpool Oratorio de Paul Mc Carney.

Entre plusieurs spectacles et malgré un agenda très rempli, Erwin s'est rendu disponible pour répondre à nos questions...

Le Liverpool oratorio, ni classique, ni contemporain

Qu’est-ce qui vous a inspiré à participer à cet oratorio et que signifie l’Oratorio de Liverpool pour vous en tant qu’œuvre ?

Erwin Schrott : C’est une création qui n’est ni classique ni simplement contemporaine. Ce qui m’a vraiment inspiré, c’était sa sincérité émotionnelle. Ce travail ne naît pas de la tradition, mais de la réflexion. C’est une autobiographie musicale qui transforme l’expérience personnelle en quelque chose d’universellement sacré. Quand je chante dans cet oratorio, je ne fais pas que prêter ma voix, je prête ma mémoire, mes doutes, mes triomphes.
En tant que personne qui a grandi entourée par la musique des gens comme le tango, et qui plus tard s’est immergée dans la rigueur sacrée de l’opéra et de l’oratorio, cette pièce me permet de marcher sur les deux chemins à la fois. Et je trouve cela profondément émouvant. C’est une œuvre qui honore la lutte, la foi, la naissance, la perte, la rédemption et finalement, l’amour.

Erwin Schrott, du directeur au prédicateur, ou à l’enseignant

Pouvez-vous nous révéler le(s) sujet(s) et en quoi consiste votre rôle ?

« Il n’y a pas de masque dans cette musique, seulement des miroirs. »

Erwin Schrott : Je joue tous les rôles de basse, et chacun porte un poids symbolique, une gravité morale. Du directeur au prédicateur, ou à l’enseignant, ils ne sont pas de simples personnages, ils sont des piliers de jugement, de conséquence, de loi, et parfois de grâce. Ils s’opposent et façonnent le parcours de Shanty, la figure dont la vie est retracée à travers l’oratorio.
Je deviens la société qui l’entoure et le presse. Un moment, je suis la figure d’autorité exigeant l’obéissance, le suivant, je suis une voix de tradition solennelle. Ces rôles exigent une élasticité psychologique. Je dois me déplacer entre chaleur et rigidité, entre le sacré et le profane, toujours avec vérité. Il n’y a pas de masque dans cette musique, seulement des miroirs.

Le Liverpool oratorio de Paul Mc Carney, une précision de diction

Quels défis techniques et vocaux rencontrez-vous dans ce rôle ?

Erwin Schrott
: Ce rôle semble simple si on le compare à d’autres compositeurs. Les lignes mélodiques de McCartney sont enracinées dans des idiomes populaires et nécessitent une précision de diction. Les transitions entre le dialogue narratif et les moments plus lyriques doivent être gérées avec délicatesse, il ne faut jamais tomber dans la parodie ou forcer la grandeur opératique où l’intimité est nécessaire.

Il y a aussi le défi de la forme vocale parce que les rôles de basse sont écrits à travers une large gamme émotionnelle. Vous devez soutenir tout avec émotion et intention. Et parce que j’interprète toutes les parties de basse, il y a un « changement rapide » presque théâtral requis, pas de costume, mais de soul.

Erwin Schrott © Dario Acosta

Le Théâtre antique d'Orange, une communion avec le temps

À votre avis, qu’est-ce qui rend les Chorégies d’Orange uniques ?

« Les acoustiques sont un don des dieux, sculptées par des mains romaines et embrassées par le beau ciel provençal. »

Erwin Schrott -Orange ! Le simple fait de dire le nom m’apporte de merveilleux souvenirs. Il n’y a pas d’endroit sur terre comme le Théâtre antique d’Orange. Vous n’êtes pas simplement là pour une performance, vous entrez en communion avec le temps lui-même. Les pierres se souviennent. Les acoustiques sont un don des dieux, sculptées par des mains romaines et embrassées par le beau ciel provençal.

Mais plus que l’architecture, c’est l’âme du lieu. Un endroit où la musique devient élémentaire, comme le vent, comme le feu. Chaque fois que je chante là-bas, j’ai l’impression que l’univers lui-même écoute. Le public, ouvert à la nuit, devient partie prenante du drame. Il n’y a pas de séparation. Nous respirons le même air. C’est ce qui rend les Chorégies d’Orange uniques, c’est un rituel vivant, un espace sacré où la musique merveilleuse perd son velours et devient esprit pur.

Erwin Schrott, sa conception du bonheur

Quelle est votre propre conception du bonheur ?

Erwin Schrott : Le bonheur... la félicité... le bonheur... pour moi, ce n’est pas quelque chose que tu poursuis, c’est quelque chose auquel tu reviens. C’est l’état où l’âme se sent chez elle. Oui, en tant qu’artiste, je trouve des moments de pur bonheur dans la musique, dans cet instant mystérieux où la voix, le souffle et l’émotion s’alignent et quelque chose d’éternel passe à travers vous. C’est un cadeau.

Mais si je suis complètement honnête avec vous, pour moi, le bonheur c’est être avec ma famille, et avec ma famille élargie... Partager un repas, une promenade dans la forêt, rire devant des histoires, ressentir la présence des générations passées et futures dans une pièce... c’est sacré. C’est l’amour sous sa forme la plus pure.

Le bonheur c’est la musique .../... Mais plus profondément, le bonheur c’est l’appartenance

Avec eux, je trouve une harmonie qu’aucune composition ne peut égaler, car notre amour crée la musique que les mots et les notes ne peuvent qu’essayer d’imiter. Je suis juste. Entier. Ancré. Et très, très reconnaissant.

Alors oui, le bonheur c’est la musique. Mais plus profondément, le bonheur c’est l’appartenance. C’est être avec ceux que j’aime, dans le silence entre les concerts et dans le battement de cœur derrière chaque phrase que je chante.

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