Publié le 18/06/2023

“Noir Lumière et Outrenoir” Hommage à Pierre Soulages, d’après Dominique Lièvre compositeur

Rencontre avec Dominique Lièvre, compositeur lors de sa création “Noir, Lumière et Outrenoir”, hommage à Pierre Soulages, pour 16 voix et violoncelle solo avec l’ensemble Musicatreize dirigé par Roland Hayrabedian sur des textes de Kévaly Kheuanesombath et Frédéric Audibert au violoncelle.

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Dans le cadre du festival ‘Chants Libres’, Festival d'art choral en Provence-Alpes Côte d'Azur, du 22 au 25 juin 2023 soutenu par la Fondation Bettencourt Schueller , Dominique Lièvre, compositeur, présente le 25 juin au Château Sainte Roseline (Les  Arcs sur Argens) : ‘’ Noir Lumière et Outrenoir’’ Hommage à Pierre Soulages,  pour 16 voix et violoncelle solo avec l'ensemble Musicatreize dirigé par Roland Hayrabedian  sur des textes de  Kévaly Kheuanesombath et Frédéric Audibert au violoncelle.

« Je veux te conquérir, toi territoire immobile et mille fois parcouru mais jamais dominé Je veux, mieux que les experts, percer ton silence et tes mystères Je veux si rien ne compte dans une vie l’inventer ce sens. Je ne veux plus fuir. Mais me mesurer à toi, je peux. Noir. Lumière. Outrenoir. Qui de nous deux domptera l’autre ? Je veux du sacré. Sois ma revanche sur la vie, donne-le-moi. »

— Kévaly Kheuanesombath

Noir Lumière et Outrenoir - Dominique Lièvre - Pierre Soulages - Ensemble Musicatreize

Pour Dominique lièvre, compositeur passionné, grand admirateur de Pierre Soulages, les œuvres de Soulages sont ‘musiques’. Dominique Lièvre a composé une œuvre spirituelle, lumineuse, un opus à mesure de l’œuvre du grand Pierre Soulages.

Danielle Dufour-Verna/Marie-Céline Magazine culturel –Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Dominique Lièvre – Je suis compositeur. J’écris depuis de nombreuses années de la musique, de l’opéra, de la musique pour orchestre, de la musique de chambre, de la musique pour le théâtre. Je dédie ma vie à la musique. 

DDV – Est-ce une demande de Musicatreize cet hommage à Pierre Soulages ?

Dominique Lièvre – C’est Roland Hayrabédian, avec ce merveilleux ensemble qu’est Musicatreize, qui m’a passé une commande. Au départ, il n’y avait pas forcément de sujet. J’adore l’œuvre de Soulages depuis très longtemps et j’avais dans l’esprit d’écrire quelque chose autour de cela. Quand j’ai écrit ‘Noir Lumière et Outrenoir’ avant bien sûr que Pierre Soulages ne décède, j’avais envie de célébrer à ma manière cet immense artiste des 20e et 21e siècles. 

DDV – Vous nous parlez de l’œuvre ?

Dominique Lièvre –C’est une œuvre pour 16 voix et violoncelle solo tenu par Frédéric Audibert. La pièce se décompose en cinq moments très distincts. J’avais demandé à Kévaly Kheuanesombath d’écrire cinq textes autour d’arguments que je lui avais donnés, en fait les titres seulement et quelques mots clés. 

Le premier texte, ‘La dame de Saint-Sernin’ est un détonateur pour Soulages en terme de matière, de reflets etc. et dans son sens plus spirituel.

Le deuxième texte, ‘L’œuvre en noir’ est un texte qui, d’une certaine manière, fait référence à une certaine idée de l’alchimie au sens très large où on peut imaginer le personnage de Zénon de Marguerite Yourcenar qui est un peu au centre. J’ai fait une espèce de parallèle ce personnage de Zénon et Pierre Soulages, par l’idée de sculpter, d’immobiliser et des certitudes dans la vie. 

Le troisième texte est le centre de la pièce. Il s’intitule Noir lumière et Outrenoir. Il donne le titre à l’œuvre. C’est réellement un écho du geste et du travail de la matière au sens spirituel, au sens philosophique.

Le quatrième texte qui compose la pièce, c’est ‘Les vitraux de Conques’ en écho du travail qu’avait fait Pierre Soulages à Conques en réalisant les vitraux en 94.

Le dernier texte ‘Chromanoir’, une espèce de petits jeux de mots sur l’idée du chromatisme sur un rapport des couleurs bien sûr, et puis du noir. C’est lui qui conclut la pièce. 

DDV –Peut-on dire que l’œuvre de Pierre Soulages est musique ? 

Dominique Lièvre – Oh, oui ! Enfin, pour moi, toutes les fois que j’ai eu l’occasion d’aller observer les œuvres de Pierre Soulages, notamment au musée de Rodez. Quand je vois les œuvres de Pierre Soulages, et notamment les Outrenoirs, oui, pour moi, c’est de la musique, oui. 

DDV – Comment donc arrive-t-on à pénétrer son monde pour le rendre sensible à l’oreille, pour le faire entendre? 

Dominique Lièvre – c’est une espèce de chimie. C’est très difficile à expliquer. Quand je vois l’œuvre de Soulages, je rentre dans le noir et je vais vers des choses colorées, je vais vers des choses lumineuses. Il y a comme ça une poésie qui se déplie au fur et à mesure qu’on regarde une œuvre de Soulages et cette poésie est, pour moi, complètement en liaison avec l’écoulement du temps et la perception que l’on en a. C’est bien évidemment personnel mais ça réveille en moi une prospection dans la musique et dans le geste musical.  

DDV – Peut-on dire de Pierre Soulages qu’il est lumière ?

Dominique Lièvre –Oui, je crois. En tout cas, c’est comme cela qu’il m’apparait. Au-delà de cette première approche qui a pu, à un moment donné, choquer l’observateur, j’entre dans la lumière quand je vois son œuvre. Je dirais même, quand j’entends Soulages.

DDV – Quand vous entendez Soulages… Il serait quelle note, quel instrument, le violoncelle ? 

Dominique Lièvre – Dans la pièce, le violoncelle joue un petit peu le rôle de révélateur, comme quand on mélange des couleurs. Le violoncelle, c’est un peu le pinceau, un peu la palette de couleurs. Le rôle des 16 voix, quelque part, c’est la toile, dans ce rapport-là, d’une certaine manière, la « mise en scène », du peintre en train de peindre. Il y a une chose qui est importante à mon sens, c’est que, bien que j’aie écrit cette pièce avant le décès de Pierre Soulages, il y a quelque chose de spirituel. C’est-à-dire que, on est bien sûr loin d’un requiem au sens où l’on peut l’entendre habituellement, mais cette pièce est profondément spirituelle, pas religieuse, spirituelle. Je crois que dans mon geste d’écriture, cette pièce est une espèce de tournant.