Publié le 15/11/2023

Docteur Folamour… de Stanley Kubrick

Un film culte visionnaire sur la folie des hommes, à voir ou à revoir ….

Kubrick sur le tournage de docteur follamour en 1963

Kubrick sur le tournage de Docteur Folamour en 1963

Docteur Folamour, ce film réalisé en 1964 par Stanley Kubrick, avec Peter Sellers en rôle titre, est pour autant plus que jamais d'actualité.

Un contexte historique toujours d'actualité

La paranoïa et la mégalomanie d'un homme peut entraîner la planète dans un chaos effrayant, engendrer des peurs terrifiantes, et provoquer de terribles drames humains, et c'est ce que nous vivons malheureusement aujourd'hui, à quelques kilomètres de nos frontières, avec le conflit Russo-Ukrainien.

Le fanatisme religieux et le terrorisme autre fléau de notre société a déclenché aussi son lot de désolation et de terreur avec la guerre entre le Hamas et l'état d'Israel.

Puisse la vision de ce film culte qu'est "Docteur Folamour", sinon nous sauver, mais au moins nous faire quelque peut sourire et réfléchir aux conséquences de tels actes...

Docteur Folamour

Synopsis

Affiche originale du film

Le général Jack Ripper, convaincu que les Russes ont décidé d'empoisonner l'eau potable des États-Unis, lance sur l'URSS une offensive de bombardiers B-52 en ayant pris soin d'isoler la base aérienne de Burpelson du reste du monde. Pendant ce temps, Muffley, le Président des Etats-Unis, convoque l'état-major militaire dans la salle d'opérations du Pentagone et tente de rétablir la situation...

Le film vu par les critiques de l'époque

Un film inclassable

Stanley Kubrick qualifiait son film de comédie cauchemardesque, et cette dichotomie transparait dans les réactions des critiques. L'oscillation permanente entre tragique et burlesque nous entraîne dans des montagnes russes à la fois d'émotions, de désespoir et de rires.
Jamais un film n'a déclenché autant de critiques disparates et différentes. Chef d'oeuvre pour certains, farce grotesque pour d'autres, chacun à la lecture de cette revue de presse pourra en tirer sa conclusion et entrevoir sa propre perception du film.

Affiche d'exploitation du film
Le film par le prisme des critiques.

Il est intéressant de relire les critiques de l'époque, ou tous s'attachent à définir un film iconoclaste.

Education Nationale cite : « Tenter de définir Dr Folamour, à en délimiter le genre et le sujet est une tâche particulièrement difficile. Cela pourrait être un film d'anticipation, au meilleur sens du terme, mais aussi une comédie ubuesque et dramatique ».

Combat précise : « Plus qu'un film d'anticipation, nous tenons-là l'une des satires les plus féroces du monde contemporain ».

Pour l'Humanité «  L''intention est plus politique, car Kubrick ne ménage pas les grands de ce monde et fustige les milieux responsables des États-Unis, leurs militaires en particulier. Il a osé aller très loin ».

Minute mentionne à ce propos le courage qu'a eu le réalisateur « d'opposer à l'horreur le rire ».

La Croix cite cette même liberté de ton,  cette audace que Kubrick porte en étendard.

Libération : « Après Sept jours en mai et Pacifique année zéro, Stanley Kubrick nous donne l'occasion de nous inquiéter une fois encore de la mentalité du Pentagone ».

L'ironie comme exutoire

La grande force du film réside bien entendu dans son humour percutant. Kubrick manie avec un plaisir non dissimulé  l'humour anglo-saxon, qui consiste à parler avec un détachement ironique des choses les plus tristes, a ce titre les passages avec le "Docteur Folamour" sont à la fois hilarantes et cyniques.

Pour Combat, c'est l'auto-ironie qui constitue ici l'arme absolue, et pour La Croix on assiste à Ubu roi à l'heure de l'atome, il pleut des gags lugubres et désarmants à longueur de bobine.

En adoptant ce ton grinçant et délirant, Kubrick cherche à rendre son propos plus digeste.

Le Canard Enchaîné ne l'a pas vu autrement : « C''est un film terrible, effrayant, admirable, qui serait difficilement supportable s'il ne s'y mêlait un humour et des pointes comiques faisant avaler cette pilule amère».

Le Figaro littéraire quant à lui nous dit : Les situations burlesques et un excellent dialogue viennent, comme à intervalles réguliers, détendre le climat.

Cette originalité dans le traitement, ce décalage des réactions humaines par rapport à la forme et au fond en a aussi dérouté plus d'un, et je dois dire que à ma première vision, je suis resté quelque peu interrogatif...ce que confirme France Soir en confessant " qu' à la fin du film, on ne sait plus très bien si l'on doit rire ou pleurer".

Cette dernière critique résume à elle seule ce film, iconoclaste, décalé et improbable.

L'humour comme message et le style de Kubrick

Si certains regrettent le choix de l'humour à outrance et auraient préféré davantage de sobriété dans le traitement, à commencer par Télérama pour qui « la caricature est un peu lourdingue et le rire épais » d'autres comme Le Monde avoue sa déception, arguant qu'on ne rit guère, on ricane tout au plus et que la satire tourne vite assez court.

Entre vitriol et prise de conscience, Dr. Folamour est un produit hybride, sans doute, mais qui comporte des morceaux de roi reconnaît Les Lettres Françaises.

Mais l'efficacité est comme toujours de mise chez Kubrick, à travers son style direct et violent
Comme toujours, Kubrick s'attache à une préparation méticuleuse de son film, et c'est visible, il s'est beaucoup documenté et a consulté de nombreux conseillers afin de donner une vérité technique à sa réalisation.

Le Monde quant à lui salue d'ailleurs une partie documentaire saisissante et souvent d'une beauté admirable.

La caméra devient un instrument satirique et au final le style est si brillant qu'on est en admiration devant la réussite artistique et visuelle.

Enfin, mention spéciale à Peter Sellers

Bien sûr, Dr. Folamour doit beaucoup à l'interprétation magistrale de Peter Sellers. L'acteur anglais livre un numéro d'une prodigieuse virtuosité, qui constitue le piment essentiel de ce film acide et généreux, à l'image de son rôle à triple facette. « Il accomplit une sorte de performance à la Guiness » admire La Lanterne

Les Lettres Françaises adresse ses compliments à « ce monstre sacré de l'humour qui s'identifie si exactement à ses personnages qu'il est bien difficile de reconnaître le même acteur sous les masques qu'il adopte avec une habileté et une désinvolture sans égales».

Dr. Folamour est un film brillant, alléchant, excitant. Mais c'est par l'originalité de son thème et l'étrangeté de sa conception plus que par ses qualités véritables qu'il retiendra l'attention. 

En dépit de ses inégalités, de ses excès, c'est mieux qu'un grand film, c'est un avertissement, un cri d'alarme qui prend toute sa force à l'heure où l'actualité est brûlante et anxiogéne.

A la fois avant gardiste et prémonitoire, lorsque que l'on voit ce que nous vivons aujourd'hui en Ukraine et en Israel, le cinéma restera toujours une loupe sur notre société et les travers de l'humanité, Dr Folamour en ait le vestige du passé qui nous parle au présent.