Publié le 17/02/2022

37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix

Il y eu Diva, c’est vrai… premier film du réalisateur, et multi-césarise, mais quelle oeuvre peut aussi bien incarner Jean-Jacques Beineix, que 37°2 le matin, ou les images, les couleurs flamboyantes et la tragique histoire d’amour sont encore dans toutes nos mémoires. Béatrice Dalle (Betty) dont c’est le premier rôle crève l’écran, incandescente, imprévisible, rebelle, érotique, amoureuse éperdue de Jean-Luc Anglade (Zorg) beau, éclatant dans sa nudité, émouvant aux larmes, ils représentent tous deux le couple générationnel des années 80.

37°2 le matin critique analyse film Betty et Zorg pour la vie

À travers ce film 37°2 le matin, nous avons voulu rendre hommage à Jean-Jacques Beineix, décédé le 13 janvier 2022, à l'âge de 75 ans.
Réalisateur, écrivain, dialoguiste, scénariste , et même producteur de cinéma, Jean-Jacques Beineix avait plusieurs cordes à son arc...et surtout il était passionné par son art et comme il disait :"... je risquais ma vie pour chaque film".
Malmené par la critique, ses dernières réalisations furent des échecs commerciaux, mais il nous laisse 3 ovnis qui marqueront les années 1980, avec trois films :

Diva qui remporta le César de la première oeuvre, et révéla Richard Bohringer et Gérard Darmon,
La lune dans le caniveau avec Gérard Depardieu et Victoria Abril,
37°2 le matin, premier long-métrage produit par sa société, et qui sera un immense succès public.

37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix

L'avant-propos du film (1986) : la révélation de Béatrice Dalle aux côtés de Jean-Hugues Anglade

affiche du film 37°2 le matin 1987

Adapté du roman éponyme de Philippe Djian, le film 37°2 le matin a été vu à sa sortie en France par 3,6 millions de spectateurs et parvenu depuis au statut de film culte, il révèle Béatrice Dalle, alors inconnue, aux côtés de Jean-Hugues Anglade. Nommé à neuf reprises aux Césars, 37°2 le matin fut également nommé à l'Oscar du meilleur film étranger.
Et pour donner un peu d'humilité à toutes visions d'une œuvre qu'elle quel soit, et tempérer les ardeurs des critiques "savants", écoutons les paroles du sage Dominique Besnehard son ancien directeur de casting, dénonçant le rôle de certains critiques de cinéma qui n'ont jamais été tendres avec Jean-Jacques Beineix : « La critique, quand elle décide, avant d'aller voir le film, de ne pas aimer, c'est un mal terrible.

37°2 le matin, synopsis d'une histoire d'amour

Zorg 35 ans, employé au gardiennage dans un village de bungalows en bord de mer, rencontre Betty, une jeune femme pulpeuse qui s'installe bientôt chez lui. Son patron n'est pas content mais finit pas accepter la nouvelle venue à condition qu'elle aide Zorg à repeindre les 500 bungalows. Betty fouille dans ses affaires et découvre le manuscrit de son premier roman. Emballée, elle décide de trouver un éditeur pour Zorg.

37°2 le matin, scène culte

37°2 le matin, est le film choc passionnel de l’année 1986. Beineix adaptait Djian et offrait à toute une génération son film culte. Portée par la présence volcanique de Béatrice Dalle, cette histoire d’amour fébrile est un vrai choc charnel et passionnel à (re)découvrir dans sa version longue pour goûter à la mélancolie amère des années 80.
Le titre tire son origine de la température normale d'une femme enceinte au réveil.

37°2 resplendit en gigantesque chiffre sur la magnifique photo qui remporta le César de la meilleure affiche en 1987.
Véritable phénomène à sa sortie en 1986, 37°2 le matin a été vite estampillé le film de toute une génération. Les crises d’hystérie et de folie de la jolie Béatrice Dalle, qui campait avec Betty son premier personnage au cinéma, son amour fusionnel pour Zorg, interprété par un Jean-Hugues Anglade investi d’une mission dramatique, l’issue tragique de leur romance, les mythiques plages de Gruissan, la complicité festive entre les acteurs, tout cela nourrissait les fantasmes et les passions d’une jeunesse avide de rébellion et d’émotion. Sur la musique de Gabriel Yared, qui signa là l’un des plus beaux thèmes des années 80, le charme opéra à fond. Et opère toujours presque 30 ans plus tard.
Le personnage de Betty est résumé dans cette voix off de Jean-Luc Anglade : " Betty était comme un cheval sauvage, qui s'était tranché les jarrets en franchissant une barrière de silex, et qui essaye de se relever. Ce qu'elle avait pris pour une barrière ensoleillée n'était qu'un enclos triste et sombre, et elle connaissait rien du tout à l'immobilité, elle était pas faite pour ça...".
Cette douce mélancolie des mots accompagnera tout le film, et la musique du roman est parfaitement retranscrit à l'écran par le jeune réalisateur.

37°2 le matin, lieux de tournage

Les couleurs et les images du film sont son ADN, et marquent son époque... qui n'a pas craqué pour l'affiche du film, les peintures flashy des bungalows, la Mercedes jaune, la robe rouge de Betty, symbole de la passion qui l'entraînera dans la folie.

Les chalets de Gruissan -37°2 le matin Lieux de tournage
Les chalets de Gruissan - région Occitanie

L’éclairage de 37°2 n’est plus criard et esthétisant, mais d’une douceur exigeante. Les décors y sont plus sobres et réalistes, tout en se nourrissant de la lumière propre à la région d’Occitanie qu’il sublime. Le talent visuel du réalisateur est toujours éloquent, notamment quand il s’agit de retranscrire la douce chaleur estivale de Gruissan ou les couleurs en demi-teintes d’un crépuscule. Le génie m’as-tu-vu que certains dénigraient, les effets visuels brillants que d’aucuns qualifieraient de clinquants et creux, s’exprime désormais à travers une réalisation sans excès, se faisant le miroir d’émotions exacerbées et dévorantes.

37°2 le matin, un film toujours d'actualité

37°2 le matin scène a l hôpital

L’histoire, intemporelle, n’a pas pris une ride. Un récit de jeunesse qui pourrait être encore d’actualité. L’amour de deux âmes perdues, libres et seules au monde, prêtes à s’aimer jusqu’à la mort aussi tragique soit-elle, peut être perçu comme naïf, mais révèle la pleine conscience des insuffisances de leur monde. Pour Beineix l'Amour est un refuge dans cette société dure et sans issue...et il y met toute sa fougue dans ces récits charnels et incarnés, il résume ainsi les paradoxes d’une jeunesse abîmée par le système. Universalité ou Amour, quand tu parles aux jeunes, le succès est éclatant…

37°2 le matin, le cinéma d’un homme libre et indépendant

Jean-Jacques Beineix créera sa propre société de production Cargo Films, pour être libre dans sa vision et ses choix artistiques, et la réussite de son film récompensera son travail.
37°2 le matin, œuvre passionnée et passionnelle, lui offre la liberté totale et deviendra son plus grand succès (plus de 3 millions de spectateurs), le remettant sur les rails après le cuisant flop du flamboyant La lune dans le caniveau.
Sa marque de fabrique est intacte et exit la froideur ou l’austérité de La lune dans le caniveau, Beineix filme la rage de la passion, la fébrilité des corps, la sensualité nue, frontale et naturelle, et donne tout son sens au titre emblématique que Djian avait initialement choisi pour son ouvrage (Demain est une autre nuit).

37°2 le matin, scène d'ouverture ou scène d'amour

37°2 le matin scène d'ouverture

La scène d'introduction où la caméra s'approche de deux corps enchevêtrés faisant l'amour est criante de réalisme et Beineix veut tout de suite nous plonger dans l'Amour charnel et physique.
Des deux versions du film, je vous conseille la version intégrale, dit longue par rapport au montage cinéma.
La version longue paraît plus limpide que la courte, qui souffre d’un déséquilibre flagrant entre les trois parties bien distinctes qui composent sa progression. Dans le montage alternatif de trois heures, les scènes parisiennes sont plus acceptables, car réellement drôles et furieuses. Elles sont même indispensables quand il s’agit de distancier Zorg et Betty du reste de la société et de leur imposer la grisaille d’un monde qu’ils rejettent alors qu’ils aspirent à l’évasion.

37°2 le matin, scène finale

37°2 le matin scène finale film

Betty et Zorg, la fureur d'Aimer
Betty (la chatte blanche ?) : " T'es entrain d'écrire".
Zorg : " Non, je réfléchissais".

" Il arrive un moment où le silence, entre deux personnes, peut avoir la pureté d'un diamant et c'était le cas".