- Auteur Joseph Lustro
- Temps de lecture 6 min
Projection sur grand écran : Adieu Monsieur Haffmann
Dans une période trouble ou le communautarisme, le repli sur soi, la crise identitaire, le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie, ou les extrêmes de tout bord nous font craindre le pire, il est bon de voir un tel film qui nous donne a réfléchir. Ce n’est pas le premier film a traiter de ce sujet qu’est la poursuite et la discrimination des juifs pendant la seconde guerre mondiale, mais l’histoire de “Adieu Monsieur Haffmann” l’aborde sous l’angle psychologique du glissement et la décrépitude d’un homme vers la cupidité, la violence et enfin la dénonciation.
"Adieu Monsieur Haffmann", c'est un film aussi qui aborde la fragilité de la condition humaine.
Sortie du film au cinéma le 12 janvier 2022, réalisation Fred Cavayé, musique Christophe Julien.
"Adieu Monsieur Haffmann" en résumé
Synopsis
Paris 1941. François Mercier est un homme ordinaire qui n’aspire qu’à fonder une famille avec la femme qu’il aime, Blanche. Il est aussi l’employé d’un joaillier talentueux, M. Haffmann. Mais face à l’occupation allemande, les deux hommes n’auront d’autre choix que de conclure un accord dont les conséquences, au fil des mois, bouleverseront le destin de nos trois personnages.
Adieu Monsieur Haffmann est l’adaptation de la pièce de théâtre éponyme de Jean-Philippe Daguerre, qui a remporté 4 Molières en 2018 : trois prix d’interprétation et le prix du meilleur spectacle du Théâtre Privé. Fred Cavayé retrouve Gilles Lellouche pour la troisième fois après À bout portant et Mea Culpa.
"Adieu Monsieur Haffmann"- Le film
Le thème du film pourrait on dire est "comment devient on un salaud" ?
On ne cherche pas d'excuses au personnage joué admirablement par Gilles Lellouche, qui disons le tout de suite, gravi un échelon avec ce rôle, ni à porter un jugement quel qu'il soit sur ce qu'il va faire, mais que l'humain est complexe et que parfois il ne faut pas grand chose pour basculer dans la partie sombre de sa personnalité.
Dans ce huis clos ou va se jouer le destin des protagonistes, on peut y voir une parabole de la vie.
" On ne sait jamais ce qu'il va se passer dans le déroulement du film et ce qui fait toute sa force..." Gilles Lellouche
Avec son sous sol et sa cave, où Daniel Auteuil, dans le rôle de Monsieur Haffmann se terre et se cache, qui pourrait être comparé à l'enfer, l'obscurité, la peur, le malheur, une certaine déchéance, et ou l'appartement occupé au dessus par François Mercier et Blanche, joués respectivement par Gilles Lellouche et Sara Giraudeau, semblerait être la vie, le bonheur, la liberté et la réussite. Mais parfois les apparences sont trompeuses, et comme disait Gilles Lellouche dans une interview : " On ne sait jamais ce qu'il va se passer dans le déroulement du film et ce qui fait toute sa force...".
Une sorte de blanc et de noir, du yin et du yang, ou les choses s'entremêlent et où l'on passe de l'un à l'autre, d'une émotion à une autre, ou la frontière entre le bien et le mal est tenu, ou le destin peut basculer en une minute quand on fait un choix, et qui nous entraîne dans le chaos de la vie, le chaos de nos interpretes et en quelque sorte le chaos de nos vies...
"Adieu Monsieur Haffmann" - Distribution du film
Ces interprètes qui portent admirablement le film...ces trois acteurs qui dans un registre différent sont très intenses dans leur rôle respectif.
Daniel Auteuil, (M Haffmann)
Tout en retenue, en douceur, muni d'une grande compassion, Daniel Auteuil nous distille un personnage discret, tout en finesse et en humilité, c'est un rôle à sa stature du grand comédien qu'il est.
Gilles Lellouche (François Mercier)
Gilles Lellouche qui comme dit plus haut, intense, dur, nous donne un personnage tout en nuance qui va sombrer doucement dans la violence, le déni et commettre l'irréparable par amour. C'est enfin un rôle à sa mesure, tragique, dramatique auquel il donne vie d'une manière saisissante, et il nous laisse entrevoir une montée en puissance de son jeu d'acteur
Sara Giraudeau (Blanche)
Blanche (Sara Giraudeau) qui va subir sa vie au début du récit, suivre son mari, femme soumise s'il en est à cette période des années 40, et qui va donner de l'ampleur peu à peu a son personnage, légèrement effacée, pour enfin prendre son destin en main et donner à son personnage une hauteur inattendue.
"Adieu Monsieur Haffmann" - Analyse
Oui, ce film nous tient en haleine jusqu'au dénouement final, comme une délivrance, une évidence même...il nous donne effectivement à réfléchir comment la vie est fragile et qu'elle peut basculer à tout moment. Qu'un destin est lié à nos choix de vie, mais que chacun a son libre arbitre de prendre un chemin ou un autre. Ce film nous parle de cela aussi.
Les personnages auront chacun le leur, et chaque décision prise aura un impact dans leur destinée.
Le film évoque également la noirceur de ce que peut être l'âme humaine... François Mercier est un homme banal, voire insignifiant au début du film. Il veut réussir et donner un avenir à sa femme. Il veut aider Haffmann et trouve un arrangement...il est travailleur, méticuleux, mais peu a peu les choses vont changer. C'est toute la subtilité et le travail de la mise en scène du réalisateur Fred Cavaye, et le jeu des acteurs qui nous entraîne à découvrir comment un homme ordinaire peu sombrer peu a peu, tomber dans une violence "ordinaire" dans son couple, fricoter avec l'occupant, ou sa cupidité va l'entraîner dans une fuite en avant et enfin ou la dénonciation sera l'ultime barrière qu'il franchira.
François Mercier est un homme ordinaire qui va faire des choses abominables, et c'est la toute la genèse du film, comment des hommes ordinaires ont ils pu franchir la barrière de l'humanité et tomber dans l'indicible, la destruction et la volonté d'exterminer une race, une culture qu'elle quelle soit.
Cette histoire, ce film résonne bien entendu en nous actuellement, et l'on s'interroge.
"Adieu Monsieur Haffmann"- Épilogue
"L'enfer, c'est les autres". Jean-Paul Sartre
Et pour paraphraser une citation célèbre de Jean-Paul Sartre "L'enfer, c'est les autres", attention de ne pas accuser l’humanité de gêner notre bien-être personnel, quoi de plus égoïstes, et commençons à se rappeler que les extrêmes ne sont jamais la solution pour avoir une société apaisée et empreinte d'un peu d'humanité, de bienveillance et de solidarité.