Publié le 28/06/2023

Projection sur grand écran : Il Boemo

À l’affiche, “Il Boemo” biopic sur le compositeur tchèque Josef Mysliveček. Un voyage magnifique au coeur de l’Opéra seria et baroque auquel nous convie le cinéaste tchèque, dans une Venise décadente et joueuse. La distribution est flamboyante et fait appel à des plus belles voix comme celle de Simona Saturova, Philippe Jaroussky, ou de la soprano Raffaella Milanesi.

Il boemo critique film Josef Myslivecek

Il Boemo, le beau film du réalisateur et scénariste tchèque Petr Vaclàv, sorti dans les salles de cinéma le 21 juin 2023. La distribution est flamboyante et réunit trois artistes lyriques parmi les plus belles voix de l'opéra avec la soprano slovaque Simona Saturova, le contreténor français Philippe Jaroussky, et la soprano italienne Raffaella Milanesi.

Il Boemo, histoire du film

"Il Boemo" est un biopic sur le compositeur tchèque Josef Mysliveček, né en 1737 en Bohême, décédé en 1781 à 43 ans à Rome. C'est l'un des compositeurs d'opéra les plus acclamés et les plus prolifiques d'Italie de la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais aussi un génie de la musique oublié du monde pendant 200 ans, il sera entre autres le mentor et ami de Wolfgang Amadeus Mozart.

Ce film ne peut nous empêcher de penser au chef d'œuvre "Amadeus" de Milos Forman, sorti en 1984, et qui mettait Mozart à l’honneur. Mais le réalisateur Václav s'éloigne de l'exubérance et de l'énergie flamboyante du Forman pour aller vers un ton plus pessimiste, plus morbide, plus fataliste, et au final beaucoup plus sombre.

Le réalisateur praguois Petr Vaclàv s'était déjà intéressé à la vie de Josef Mysliveček par un documentaire "Confessions d'un disparu" en 2015.

Josef Mysliveček, le "Mozart tchèque"

Surnommé le Mozart tchèque, à 27 ans, Josef Mysliveček fuit l'Empire austro-hongrois, ravagé par la Guerre de Sept Ans, pour l'Italie. Il obtient une bourse du comte Vincent von Waldstein à Venise et étudie la composition avec Giovanni Battista Pescetti. Il reste en Italie où sa renommée grandit au point qu'il est surnommé "Il divino Boemo", le divin Tchèque, notamment grâce au succès de son premier opéra Semiramide en 1766.

Josef Mysliveček fut un compositeur prolifique à l‘opéra. Son œuvre inspira Haydn et Mozart. Il assimilera la virtuosité italienne en particulier napolitaine (comme Mozart d'ailleurs); à Naples, Venise, alors capitale européenne des plaisirs (et de la débauche), Myslivecek reste une figure aussi essentielle pour le XVIIIè que mésestimée.

Il Boemo, un biopic sur le compositeur Josef Mysliveček

Le biopic de Petr Vaclav restitue le fond social et politique d’une époque sensible au raffinement distingué où le statut du compositeur, même auteur d’opéras, de surcroît très applaudis, reste précaire, et on le constatera avec la fin miséreuse du compositeur, aussi fragile et exposé que les dieux de la scène, castrats et divas. Tel Icare, il atteindra les sommets et se brûlera les ailes.

Le réalisateur et scénariste tchèque Petr Vaclàv

Josef Mysliveček, le compositeur oublié

"Mozart l'admirait, l'histoire l'a oublié"

De son temps, Josef Mysliveček connaîtra tout de même la gloire avec quelques uns de ses opéras, puis rencontre la maladie (syphillis) et tombe dans l'oubli. Souvent décrit comme le père de l'opéra tchèque, il a aussi écrit dix oratorios, quatre-vingt-cinq symphonies, des concertos, notamment pour violon, et de la musique de chambre.

Il Boemo, Synopsis

1764. Dans une Venise libertine, le musicien et compositeur Josef Myslivecek, surnommé « Il Boemo », ne parvient pas à percer malgré son talent. Sa liaison avec une femme de la cour lui permet d’accéder à son rêve et de composer un opéra. Dès lors sa renommée grandit, mais jusqu’où ira-t-il ? La vie, l’œuvre et les frasques d’un compositeur de génie oublié que le jeune Mozart admirait.

C'est un voyage magnifique au coeur de l'Opéra seria et baroque auquel nous convie le cinéaste tchèque, dans une Venise décadente et joueuse.

Il Boemo, musique, image, distribution

On suit à la fois les aventures amoureuses (elles sont d'ailleurs assez nombreuses et dont l'une le portera malheureusement à sa perte...) de notre compositeur et ses voyages à travers l'Italie ou il connaitra rapidement la gloire grâce à ses opéras – une trentaine, créés à Milan, Parme, Naples, Turin, Venise, Florence, Bologne, Rome.

Le film est une belle réussite et les critiques sont dithyrambiques...tant sur le plan technique, réalisation que musicale.

La distribution est flamboyante et fait appel à des plus belles voix de l'opéra, celles de Simona Saturova, à Philippe Jaroussky, et la soprano Raffaella Milanesi.

Les exploitants de salle parlent du film :

" La mise en scène excelle dans la peinture saisissante d’un XVIIIe siècle décadent. Témoignant de ce temps où l’opéra était le lieu au cœur des interactions sociales les plus triviales, la caméra de Petr Vaclav s’attarde sur les visages exaltés des cantatrices, comme se consumant à force d’exsuder les arias les plus résolument célestes. Portrait d’un artiste littéralement dévoré par son art, mais également portrait d’une société patriarcale qui exige de l’ambition féminine des talents redoublés pour parvenir à ses fins, Il Boemo distille des scènes propres à marquer les esprits tout autant que des séquences musicales susceptibles de les enchanter. Un film passionnant."

L'image

Entre tableaux resplendissants de l'époque vénitienne, une lumière flamboyante à la bougie, des décors et costumes somptueux, les perruques sont à tomber par terre (la mode est aux films de costume...cf Jeanne du Barry), le film est visuellement très beau et réussi. 

Et si on faisait allusion à "L'Amadeus" de Forman pour le biopic sur le Divin Mozart, on peut également lorgne vers le "Barry Lindon" de Kubrick pour cette réalisation méticuleuse et précise, voire précieuse. N'en déplaise à certains, Il Boemo n'a rien à envier à ses deux chefs d'œuvres.

La Musique

Pour les personnes qui aiment les arias, c'est un régal... Plusieurs morceaux dont la scène où "la Gabrielli" (cantatrice aussi célèbre que redoutée...) défaillante, puis enchanteresse devant le roi Ferdinand, nous transporte d'émotions et de larmes.

La musique, vous l'avez compris est sublime, et d'une beauté à pleurer. C'est d'ailleurs le premier mérite du film, nous faire découvrir sa musique.

Magnifique musique lyrique et baroque.

Grâce à un travail de longue haleine (le réalisateur et scénariste Petr Vaclav a commencé à travailler sur le projet il y a dix ans), de documentation nourrie sur l’époque à travers énormément de lectures de correspondances et d’ouvrages du XVIIIème siècle, avant 1790 pour coller au plus près à l’époque où se déroule le film (Histoire de ma vie de Casanova et Correspondance de Mozart firent partie des oeuvres les plus marquantes pour écrire le scénario). Il s'est entouré du célèbre chef d’orchestre Vaclav Luks qui a ressuscité les partitions (les très rares enregistrements existant de la musique de Myslivecek étant de piètre qualité), et Il Boemo nous donne à entendre pour la première fois la musique du compositeur oublié. 

l’acteur et musicien tchèque Vojtech Dyk

Pour incarner ce musicien habité, c’est l’acteur et musicien tchèque Vojtech Dyk qui a été choisi, grâce à son oreille musicale il a appris l’ensemble du texte en italien – la distribution du film étant italienne – et a pu réellement jouer du clavecin. Nous découvrons à l’image à la fois l’homme et son œuvre, par une interprétation magistrale et des scènes d’opéra vécues en coulisses, dans la salle, comme sur scène, à couper le souffle.

La scène avec Mozart

Mysliveček a rencontré Mozart deux fois (en juillet 1770 à Bologne et, en 1777, à Munich) et l'on peut avancer que l'inventivité rythmique et mélodique d'"Il Boemo" dut exercer quelque effet sur le jeune compositeur autrichien. C'est du Mozart avant l'heure, en moins bien, en moins mémorables, mais excellents. Et il y a une séquence qui résume parfaitement cette impression. Mysliveček rencontre un gamin du nom... devinez qui ?... de Mozart. Celui-ci, heureux de voir en vrai son idole, lui demande gracieusement d'interpréter une de ses compositions sur son clavecin. Mysliveček s'exécute volontiers. Une fois qu'il a terminé, l'enfant prend sa place, rejoue à l'oreille ce qui vient d'être joué, tout en y apportant de nettes améliorations, sous le regard triste et admiratif du musicien tchèque.

1769, Venise, Teatro San Benedetto

Dernier Livret

Amoureux de l'Opéra, ce film sur ce génie oublié du XVIIIe siècle, est fait pour vous, il vous permettra de (ré) découvrir son oeuvre magistrale et sa musique mélodieuse.

Amoureux de beau cinéma, ce biopic devrait combler les plus exigeants et mélomanes d'entre vous, tant les plans et les images sont jolies.

Enfin, dans Il Boemo les femmes sont si belles et rebelles...

Il Boemo è magnifica.