Publié le 05/06/2023

Barvalo, Une exposition réparatrice et collaborative au MUCEM. Roms, Sinti, Manouches, Gitans, Voyageurs…

Exposition Barvalo – Le MUCEM – 10 mai/4 septembre 2023 « C’est la plus collaboratrice des expositions qu’a fait le MUCEM en dix ans. » L’exposition réunit 200 œuvres et documents qui retracent l’histoire et la diversité des populations romani d’Europe. 

Exposition barvalo mucem rom tziganes 2023

Małgorzata Mirga-Tas, Out of Egypt, Pologne, 2021, textiles, 230 x 277 cm inv. 2021.24.1, Mucem © Marianne Kuhn / Mucem

Du 10 mai au 4 septembre, le MUCEM à Marseille présente dans le cadre de son programme d'expositions de l'année 2023Barvalo’. En langue romani, barvalo signifie « riche » et, par extension, « fier ». Ce mot polysémique sert de titre à la nouvelle exposition du MUCEM, consacrée à l’histoire et à la diversité des populations romani d’Europe. Une histoire indissociable de celle de l’antitsiganisme, contre lequel ceux que l’on continue parfois d’appeler « Tsiganes » luttent depuis un millénaire.

Longsden, Edwin Long, The Suppliants: Expulsion of the Gypsies from Spain, 1872,
Collection du Royal Holloway and Bedford New College, University of London
© Royal Holloway and Bedford New College, University of London

Barvalo, exposition au MUCEM, du 10 mai au 4 septembre 2023

Un projet contre les exclusions historiques

« Que les voix de ceux qui sont représentés ne soient pas mises sous silence »

Longtemps les musées ont négligé cette culture romani ou l’ont caricaturé, stéréotypé. Aujourd’hui le MUCEM présente une exposition qui a demandé sept ans de travail collaboratif avec tous ceux qui connaissaient la culture romani et qui avaient envie de la partager avec ceux qui ne la connaissent pas,  n’en connaissent que des caricatures, ou en ont une vision très réductrice. C’est la plus collaborative des expositions qu’a fait le MUCEM en dix ans. Que les voix de ceux qui sont représentés ne soient pas mises  sous silence. Un projet contre les exclusions historiques et dans la représentation des populations romani.

Affiche Les quatre frères Bouglione, Bedos et Cie, © Marianne Kuhn / Mucem

Barvalo, Une expo pour la fraternité

Le Mucem, une fois de plus, montre son excellence et la qualité de ses expositions. Particulièrement émouvante, pédagogique, didactique sans être strictement directive, intelligente, dense, en un mot, magnifique, l’exposition Barvalo éclaire des parties sombres de notre histoire. C’est une exposition humaniste qui, sans parti pris, œuvre pour la fraternité. 

Tous petits-enfants d’internés

« Nous avons cherché des traces dans les livres d’histoire et nous avons été déçus »

« Maintenant nous vivons avec notre temps et nous ne voulons pas oublier ce que nous sommes, tous des enfants de familles d’internés qu’il serait légitimes de reconnaître dans les manuels scolaires.

Auteur inconnu (photographe de la police judiciaire), Photographie judiciaire en plein air d’une famille de Nomades réalisée par la Brigade régionale de police mobile de Dijon, vers 1908-1910
© Musée Nicéphore Niépce, Ville de Chalon sur Saône

« Je vous parle d’abord en tant que petite fille de résistant et libérateur de la France. Vous pouvez voir ce certificat bleu-blanc-rouge remis par la République française à mon grand-père maternel. Je vous parle également en tant que co-présidente  de l’association du camp des Salins pour la mémoire des internés de 1940 à 1945 en Camargue. Je vous parle aujourd’hui de la part de ma génération, celle qui a entendu la vie de nos anciens de la bouche de nos parents, quelques phrases lâchées pudiquement. Nous avons cherché des traces sur les livres d’histoire et nous avons été déçus de ne pas avoir trouvé de réponse. Nous avons lu des phrases entières sur l’histoire de nos frères juifs et seulement trois lignes sur la nôtre, avec des chiffres approximatifs, les Tziganes.

« Centre de recherche sur l'hygiène raciale et la biologie criminelle de l'Office de la santé du Reich - Femme en blouse blanche (infirmière / Sophie Ehrhardt ?) lors de la détermination de la couleur des yeux d'une jeune femme (Sinti / Rom ?) », 1936-1940 © Bundesarchiv, Koblenz

Pourquoi tous ces voyageurs, Roms, Gitans, sinti ou manouches sont reniés par les gadgé ? Ceux qui, malgré les temps ont continué d’aimer leur pays et de le servir, et tous ceux qui ont pris le maquis en France. Oui, pourquoi on n’en parle pas, c’est triste, tous les silences. Et il y en a tellement qu’il nous a fallu des années pour trouver la force d’en parler et dire notre sentiment d’injustice et de souffrance, voir la douleur dans les yeux d’un ancien qui a vu mourir son père dans un camp, voir les yeux rouges d’une vieille femme qui a porté sa mère dans ce même camp, et faire comme si tout était normal ? Non, ça n’est plus possible !

Livret de circulation de Denise Schutt, 2012, papier, collection Denise Schutt
© Yves Inchierman / Mucem

Après la guerre, la vie continue, bien sûr, après les camps, tout est mieux mais la douleur est profonde et elle nous suit encore. Parce que nous vivons en caravane, que nous voyageons, que nous avons une culture différente, on continue à nous montrer du doigt. Maintenant nous vivons avec notre temps et nous ne voulons pas oublier ce que nous sommes, tous des enfants de familles d’internés qu’il serait légitime de reconnaître dans les manuels scolaires. A nos anciens qui se sont battus, je dis, nous ne laisserons pas la mémoire s’éteindre. C’est un devoir pour nous, un courage, une fierté qu’ils nous ont laissés, et bientôt des anciens il n’y en aura plus. Il serait juste de leur dire simplement merci. »  (Une petite fille d’internés)

— Valentin Merlin, Aire d’accueil de Saint-Menet, (Marseille), série « Terrains désignés », 2018, photographie, tirage moderne, Collection Valentin Merlin © Valentin Merlin

Barvalo, une exposition, 5 commissaires

L’une des particularités de cette exposition est le comité d’experts qui a accompagné la préparation de l’exposition avec 5 commissaires :

Co-commissaires

Julia FERLONI, Conservatrice du patrimoine, Responsable du pôle « Artisanat, Commerce et Industrie », Mucem
Anna MIRGA-KRUSZELNICKA, Directrice adjointe de l’ERIAC - European Roma Institute for Arts and Culture (Berlin) 
Jonah STEINBERG, Maître de conférences et directeur du département Global Studies à l’Université du Vermont (États-Unis)

Commissaires associés

Françoise DALLEMAGNE, Chargée de collections et de recherche, Mucem,
Alina MAGGIORE, Doctorante en anthropologie sociale, Mucem / Université Aix-Marseille / Université de Freiburg, Allemagne

200 œuvres et documents

L’exposition réunit 200 œuvres et documents (imprimés, vidéos et sonores) issus de collections publiques et privées françaises et européennes. Parmi ces 200 œuvres, 62 proviennent des collections du Mucem et 15 ont été spécialement conçues pour l’exposition et produites par le musée : 6 commandes à des artistes romani européens – Luna De Rosa (Italie), Gabi Jimenez et Marina Rosselle (France), Mitch Miller (Écosse), Emanuel Barica (Roumanie) – et 9 créations audiovisuelles (films, carte animée et son)

Gabi Jimenez, Caravane sous deux cyprès, 2001 © Marianne Kuhn / Mucem

La première section de l’exposition met en lumière les ressorts par lesquels les persécutions contre les populations romani, culminant avec l’Holocauste, sont apparues et se perpétuent. Avec plusieurs sous sections, cette première partie de l’exposition, « Barvalo » retrace un millénaire d’histoire (du Moyen Âge au siècle des Lumières) des différents groupes dont les ancêtres partageaient une langue, le romani

La deuxième partie de l’exposition propose une réflexion sur les notions d’appartenance et d’identité, en prenant le parti d’inverser le regard du visiteur. C’est l’installation de l’artiste Gabi Jimenez, le Musée du gadjo : on y découvre la « gadjologie », une science imaginaire et parodique de l’Autre qui se ferait l'écho d'une perception romani.

En fin de parcours, une galerie de portraits de personnalités célèbres et moins célèbres témoigne de la richesse des cultures romani et de la fierté des différentes communautés à contribuer à la diversité culturelle des sociétés européennes

Katarina Taikon and Martin Luther King, 1964, © Pers Anders Thunqvis

Tout au long de l’exposition, le visiteur est accompagné virtuellement par quatre « guides » appartenant à quatre groupes romani distincts. Leurs récits personnels et familiaux entrent en résonance avec une histoire européenne plus large et partagée.

Dans chaque partie, les œuvres d’artistes non-romani côtoient celles de sculpteurs, photographes et peintres romani contemporains afin de permettre aux représentants de ces minorités de donner leur vision de neuf siècles de présence en Europe et d’affirmation culturelle.

A la fin de l’exposition, une petite salle de lecture met à disposition des visiteurs une sélection d’ouvrages autour du large sujet des populations romani. Le visiteur peut ainsi consulter des livres d’art, bandes dessinées, romans, recueils de poèmes, catalogues d’exposition, ouvrages d’historiens, d’anthropologues romani et non-romani, qui peuvent aussi être empruntés au Centre de Conservation et de Ressources du Mucem, à la Belle de Mai. Cet espace manifeste l'étroite collaboration du Mucem avec le projet RomaMoMa.

Informations pratiques, réservations, billetterie "Exposition Barvalo - Mucem"

Esplanade du J4 13001 Marseille – France
+33 (0)4 84 35 13 13

Billet Expositions Tarif Famille : 18,00 €
Billet Expositions Tarif plein : 11,00 €