- Auteur Isabelle de Montfumat
- Temps de lecture 12 min
Montpellier : « Pierre Soulages, La Rencontre » – Musée Fabre – Exposition à voir jusqu’au 4 Janvier 2026
Le Peintre du noir et de la lumière est mis à l’honneur pour fêter les 20 ans de la donation de l’artiste et de son épouse au Musée Fabre. « Pierre Soulages, La Rencontre », une exposition inédite à voir jusqu’au 4 Janvier 2026 à Montpellier !

Pierre Soulages, Peinture 162 x 114 cm, 27 août 1958, 1958, huile sur toile, 162 x 114 cm, Rodez, Musée Soulages, inv. 2014.3.24 © Musée Soulages, Rodez / Photo Vincent Cunillère © Adagp, Paris, 2025
En 2025, le musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole célèbre son bicentenaire en inaugurant une exposition-événement consacrée à Pierre Soulages, figure emblématique de l'art contemporain, né le 24 décembre 1919 à Rodez et mort le 25 octobre 2022 à Nîmes. À l’occasion des 20 ans de la donation majeure de Pierre et Colette Soulages, le musée propose une rétrospective inédite intitulée Pierre Soulages, La Rencontre, offrant au public un parcours immersif avec une sélection de plus de 100 œuvres du maître de l’Outrenoir. (28 Juin 2025 au 4 Janvier 2026)
"Pierre Soulages, La Rencontre" Musée Fabre - Montpellier
Pierre Soulages (1919–2022) est l’une des dernières grandes figures de l’art moderne. Son œuvre présentée à travers le monde, est prolifique : plus de 1 550 toiles.
Figure majeure de l’Art moderne, Soulages incarne le lien entre deux siècles de modernité. L’exposition met en lumière l’importance de cette œuvre majeure, d'une immense carrière d’une richesse inouïe. Les « salles Soulages » conçues par l’artiste lui-même, parcours permanent du musée Fabre, mettent à l'honneur ses premiers aux derniers développements picturaux.

Paris, Musée d’Art moderne, achat à l’artiste en 1979, inv. AMVP 2144
© Paris Musées, musée d'Art moderne, Dist. GrandPalaisRmn / image ville de Paris Droits d'auteur: © Adagp, Paris, 20252144.
Sous les commissariats de Michel Hilaire, Directeur et Conservateur général honoraire du patrimoine et de Maud Marron-Wojewdzki, Conservatrice du patrimoine, responsable des collections modernes et contemporaines du musée Fabre, cette exposition réunit une sélection de plus d’une centaine d’œuvres, en provenance des plus grands collections publiques et privées européennes.
Pierre Soulages, Une rencontre avec le musée Fabre
En 1941, alors jeune étudiant en art, Pierre Soulages pousse les portes du musée Fabre de Montpellier.
Une découverte qui marquera à jamais son regard et son parcours. Plus de soixante ans plus tard, en 2005, il témoigne de son attachement en offrant vingt de ses œuvres à la ville de Montpellier, consolidant ainsi un lien unique avec le musée.
« Plus que tout autre ce musée à compté pour moi », écrivait Pierre Soulages.
« Ce musée qu’il rencontre à l’âge de 22 ans a été fondateur notamment avec le choc qu’il éprouvait pour le célèbre tableau de Courbet, l’œuvre iconique du musée… », renchérit Michel Hilaire.
Tout l’Œuvre sous le signe de la Rencontre !

huile sur toile, 130 x 97 cm, Collection C. S.
© Archives Soulages © Adagp, Paris, 2025
Il n’est pas si facile d’évoquer presque quatre-vingts ans de peinture, tant l’œuvre est fascinante et peut être dévoilée par de multiples prismes. C’est le fondement du parcours de cette exposition, qui met en lumière les différentes périodes de l’artiste émérite.
Loin des stéréotypes, l'expo composée de 6 salles successives donne lieu à une approche sensible et non chronologique de l’œuvre de Pierre Soulages.
Sous le signe de la Rencontre - ou plutôt des Rencontres - ce parcours artistique montre la diversité de son œuvre, des premiers émois de l’artiste à travers les stèles pariétales jusqu’à la quête des « Outrenoirs » qui devient sa signature.
Dotée d’une grande qualité muséale, cette manifestation culturelle majeure de la ville de Montpellier permet un espace de compréhension sur l’œuvre de Pierre Soulages et propose par séquences successives de très beaux moments de contemplation.
Un retour aux sources de la peinture abstraite contemporaine
Pour entrer de plain-pied dans l'univers artistique de Pierre Soulages, Michel Hilaire et Maud Marron-Wojewdzki s’attachent à donner une lecture singulière, osant une mise en abîme des œuvres de l’artiste avec d’autres œuvres d'art contemporain.
La Rencontre avec les autres artistes
Faisant la part belle aux rencontres plastiques, formelles, théoriques et amicales, le visiteur est invité à aller au plus près de l’œuvre de Pierre Soulages partageant ainsi une sorte d’intimité singulière, avec l’histoire de l’Art, avec les toiles qui l’ont profondément marquées, celles de Rembrandt, de Courbet, de Cézanne… qui l’amèneront peu à peu, à créer une œuvre visionnaire, fascinante et particulièrement singulière.

IVe-IIIe millénaire avant notre ère
© musée Fenaille-Rodez
Avec une muséographie des plus sobres, nous pouvons, admirer les premières œuvres achetées par le musée Fabre, entrant par la même dans les collections, qui révèlent son travail des matières, des brous de noix aux goudrons, et présente le lien existant, dès le début, à l’art pariétal et préhistorique.
Celle qui marqua, tout d’abord l’artiste, par ses formes primordiales, permettant de « Penser le monde des origines, thème central dans la démarche de l’artiste », nous indique Maud Marron-Wojewdski.
A l’appui des œuvres de Pierre Soulages, une Statue-menhir de la Verrière – IV-IIIème millénaire avant notre ère est donc présentée en provenance du musée Fenaille.
Pour Pierre Soulages, il fallait aller plus loin …
Bâtir la peinture est une grande préoccupation de Pierre Soulages. Dans les années 50, l’artiste construit l’espace de la toile avec de grandes diagonales saillantes avec l’apparition de bleu, de bruns, de rouges mêmes. On y retrouve aussi le œuvres de Marx Ernst, Piet Mondrian.

Hague, The Netherlands, bequest Salomon B. Sl
L’œuvre est pensée telle une architecture, comme le souligne le poète Edouard Jaguer : « Ces couleurs sont pour ainsi dire maçonnées, truellées, … l’ensemble tient comme la charpente d’une maison.. et l’on est entraîné par un le dynamisme élémentaire, irrésistible de ce labour »
L’exposition témoigne de la continuité de l’œuvre, de tous ces moments picturaux forgeant sa recherche et sa détermination à faire surgir la lumière par contraste, entre la couleur noire et les parties claires, par superposition et raclage, ou encore par le mode d’application d’un pigment unique.
Pour Pierre Soulages, une nouvelle perception de l’œuvre d’art
Puis vient l’écriture et le silence plastique. Elles trouvent leur influence marquée par les rencontres amicales et celles des œuvres d’autres artistes.
En 1947, découvrant la calligraphie chinoise, Pierre Soulages réalise des œuvres sur papier qui évoquent, selon lui « les signes chinois » dépourvues de toutes significations.
Tout d’abord avec Pierre Bloch, une rencontre marquante pour lequel, il nourrira une admiration réciproque ; avec celle de Zao-Wou-Ki, le peintre chinois installé à Paris nouant avec lui une intense amitié, partageant sa fascination pour la calligraphie… sans oublier celle de Jean Degottex et bien sûr, celle d’Hans Hartung…

huile sur toile, 145 x 97 cm,
Collection du musée de Grenoble,
don de l’artiste en 1949
Ville de Grenoble /Musée de Grenoble
–J.L. Lacroix © Adagp, Paris, 2025
Durant les années 60, sans doute l’une des plus belles périodes de Pierre Soulages, les œuvres offrent un nouvel espace pictural : de grands signes plastiques noirs ou bleus se détachant sur un fond traité en aplat lisse, bien loin des épaisseurs de matière, si caractéristique de la décennie précédente.
« A cette époque, Pierre Soulages entreprend une série de toiles de grands formats en longueur, dans lesquelles viennent se côtoyer le noir et le blanc, sous la forme de boucles et jambages. Sur une surface entièrement blanche émerge une écriture noire, composées de larges bandes faites à la spatule, dont le rythme répétitif est interrompu par le bord de la toile. Dans un rapport entre fond et forme, les deux s’exaltent mutuellement, héritage de sa grande observation des techniques des calligraphies », nous explique Michel Hilaire.
Du clair-obscur au noir lumière
Photo de l’œuvre enjambages noirs et blancs.
Du clair-obscur au noir lumière, cette salle montre et livre un élément de lecture très signifiant, qui apporte avec grand soin, une grande compréhension de l’œuvre de Pierre Soulages.

2 novembre 1959, huile sur toile,
162 x 130 cm, Montpellier, musée Fabre,
dépôt de l'artiste, 2007,
© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / ©Frédéric Jaulmes
© Adagp, Paris, 2025
En effet, Pierre Soulages aura recours à l’un des grands moyens de la peinture classique introduit au XVIIème siècle, le clair-obscur. Dans cette séquence, les toiles de Pierre Soulages révèlent cette fascination pour la lumière qui jaillit du noir, offrant des contrastes singuliers.
Un parcours singulier autour de l’Œuvre majeure du XXème et XXIème Siècle
1979 sera une année marquante pour l’artiste
Organisant la lumière par fragmentation, l’œuvre picturale recouvrant intégralement la surface de la toile de peinture noire, Pierre Soulages donne naissance aux « Outrenoirs ». Une quête qui occupera la seconde partie de sa vie artistique, démontrant avec éclat le perpétuel renouvellement de cette peinture, hors norme.
Ces tableaux installent, ou plutôt « sculptent » la lumière.
Recouvrant intégralement la surface de la toile de peinture noire, avec de longues stries quelquefois à peine visibles jusqu’à de profondes rayures, Pierre Soulages travaille en détail les surfaces pour transformer la lumière autour de nous.

9 juillet 2000, huile sur toile, Rodez,
Musée Soulages,© Musée Soulages
Rodez /Photo Thierry Estadieu
© Adagp, Paris, 2025
« Dans cet extrême, le noir avait envahi toute la surface de la toile… sans formes, sans contrastes, sans transparences…Dans cet extrême, j’ai vu en quelque sorte la négation du noir, les différences de textures, réfléchissant plus ou moins faiblement la lumière, du sombre émanait une clarté, une lumière picturale dont le pouvoir émotionnel particulier animait mon désir de peindre » Pierre Soulages
Pour Pierre Soulages, la quête de l’abstraction s’invite alors avec celle des Outrenoirs
Ces grands tableaux couverts d’aplats de noirs jouent avec la lumière. Ils sont le résultat d’une longue recherche sur la texture et la morphologie d’une épaisse couche de peinture noire, étalée sur de grands formats.
Ici, c’est l’histoire des Outrenoirs… Les œuvres ultimes, approchant les sept mètres de long, faits de grands formats verticaux ou horizontaux, nous fascinent définitivement.
Pierre Soulages n’a cessé de penser la peinture dans son lien à l’architecture, considérant lui-même que les tableaux sont des murs eux-mêmes. En effet, en 1966, l’artiste ayant une exposition au musée de Huston décide de les suspendre dans l’espace, au moyen de câbles.
Une nouvelle vision de l’espace de la toile, conçue sous la forme de polyptiques, offrant une circulation du regard, selon différentes lectures.
« Leur grande dimension peut conduire à se déplacer, à appréhender la toile par pans successifs, à faire vivre l’alternance des clairs et des sombres, des lumières et des silences ». Michel Hilaire.
Pierre Soulages, Peinture 222 x 314 cm, 24 février 2008, acrylique sur toile, 2 éléments
juxtaposés de 222 x 157 cm, Collection C. S.
© Photo Vincent Cunillère © Adagp, Paris, 2025
L’aventure picturale de Pierre Soulages n’a de cesse d’expérimenter le rapport entre le noir et la lumière. Avec les Outrenoirs, Pierre Soulages entre dans une étape décisive.
Tout l’Œuvre entre alors dans un espace d’expérimentation et de fascination, une émotion sensible s’empare de nous …presque fragile tant l’impression du noir est ici perçue, comme une matière inexorablement porteuse d’une certaine finitude.
L’artiste « instrumentalise le reflet, l’espace et le temps de la peinture sont radicalement transformés, la dotant d’une multiplicité lumineuse totalement inédite ». Au contraire de l’œuvre monochrome, « ce sont des différences de textures, lisses, fibreuses, calmes, tendues ou agitées qui, captant ou refusant la lumière, font naître les noirs gris ou les noirs profonds ».
"Pierre Soulages, La Rencontre" au Musée Fabre, une exposition des plus emblématiques à Montpellier

26 septembre 2014,
acrylique sur toile, 70 x 57 cm,
Collection C. S.
© Photo Vincent Cunillère
© Adagp, Paris, 2025
De l’abstraction aux Outrenoirs
L’un des rendez-vous des plus emblématiques de l’été, avec l’attribution du label « Exposition d’intérêt national » affirmant l’importance de Pierre Soulages dans le patrimoine artistique français contemporain s’invite à Montpellier, pour plusieurs mois.
Ce Maître incontesté de la peinture au noir, d’une abstraction radicale au service de la matière et de la lumière, nous laisse une empreinte indélébile. La quête des Outrenoirs, que constitue l’essence même de son Œuvre, nous invite à approcher au plus près de ce sentiment si singulier, que seule une œuvre d’art peut nous inspirer, porteur de la dimension intemporelle et universelle.
Et si Pierre Soulages souhaitait « que d'autres enfants, comme lui et après lui, puissent à nouveau être saisis par le vertige de la lumière et comprennent à leur tour que la neige peut se dessiner avec de l'encre »….
A l’appel de ses vœux, il sera peut-être exaucé, tant « La Rencontre ! » est grande, nouant ainsi un lien inexorable avec l’Histoire de l’Art et celui de prochaines générations d’artistes. En tout cas, remarquable pour sa singularité.
Informations pratiques "Exposition Pierre Soulages, La Rencontre"
Musée Fabre
Boulevard Bonne Nouvelle
34000 Montpellier - France
+33 (0)4 67 14 83 00
musee.fabre@montpellier.fr
Horaires : Le musée Fabre est ouvert du mardi au dimanche, de 11h à 18h.