Publié le 14/07/2022

Becoming Elizabeth … Petite fille triste deviendra grande reine féroce

Trois raisons pour lesquelles la série Becoming Elizabeth deviendra culte … 1547, Royaume d’Angleterre. Après de longues années de règne et quelques mariages au dénouement tragique qui forgeront sa sombre légende, Henri VIII meurt au palais de Whitehall. Laissant ainsi derrière lui un pays déchiré par de sanglantes querelles religieuses et un trône convoité par toutes les têtes se rêvant couronnées. Mais aussi une descendance troublée, vouée à un destin dramatique. Becoming Elizabeth, la série culte dont les deux premiers épisodes ont été diffusés en avant-première lors du Monaco Streaming Film Festival le 1er juin dernier.

Becoming Elizabeth Season 1 2021

Mary, fille de Catherine d’Aragon, Edward, fils de Jeanne Seymour et bien sûr Elizabeth, fille d’Anne Boleyn. C’est d’ailleurs sur cette dernière, jeune demoiselle renfermée devenue souveraine légendaire, que se focalise la caméra experte d’Anya Reiss dans la série Becoming Elizabeth. Depuis le 12 juin, épisode 1 et épisode 2 attirent l’attention d’un public de plus en plus large sur la plateforme de streaming Starzplay. Pas étonnant pour une épopée passionnante où se bousculent fourberies et autres trahisons au sein d’une Perfide Albion qui n’a décidément jamais aussi bien porté son (sur)nom.

Les trois bonnes raison de voir Becoming Elizabeth, un série culte en devenir

Un conte historique aux bouleversements épiques

“Le Roi est mort, vive le Roi"

“Le Roi est mort, vive le Roi”, déclare Lord Somerset (John Heffernan, tout en machiavélisme), le genou plié face au jeune Edward (Oliver Zetterström, plein de justesse) alors que le corps de son père, Henri VIII, est acheminé vers sa dernière demeure à Westminster. Éclairées par la lueur vacillante des quelques bougies qui les entourent, ses deux sœurs observent le nouveau monarque avec inquiétude. Mary (la fantastique Romola Garai) et Elizabeth (l’époustouflante Alicia von Rittberg) comprennent toute la gravité de la scène qui se déroule sous leurs yeux. Mais aucune, surtout pas Elizabeth, ne sait encore comme leurs vies s’en trouveront bouleversées. Tout cela en une nuit. Une nuit de janvier, froide et humide, durant laquelle le destin de la Grande Bretagne fut à jamais changé. Et le nom de ses souverains pour toujours ancrés dans l’Histoire.

Becoming elisabeth serie critique season 1
Becoming Elizabeth Season 1 2021 ©2021 Starz Entertainment LLC_NICK BRIGGS

S’engage alors inexorablement autour de la couronne une lutte acharnée pour le pouvoir dont personne ne sortira indemne. Avec Becoming Elizabeth, Any Reiss nous livre une œuvre historique où pour accéder au trône, toutes les bassesses semblent permises. Voire très vivement encouragées. Pour survivre, Elizabeth devra donc apprendre à manier l’art de la manipulation. Jour après jour, contrer la duperie. Et sans relâche, déceler la sournoiserie. Nulle victoire ne lui sera offerte. Pour connaître la consécration à laquelle elle est promise, la jeune fille devra faire preuve d’une détermination redoutable. La tête haute, elle ne pourra se laisser aller à aucune faiblesse. Avec force, elle renversera chaque obstacle qui se dressera sur sa route. Afin d’ainsi devenir celle que tous appelleront avec crainte et respect Elizabeth I, Reine d’Angleterre.

Une dynastie sulfureuse qui fascine toujours

L’Histoire de la royauté

De toutes les figures importantes qui ont traversé l’Histoire de la royauté, nulle n’est parvenue à la marquer comme l’ont fait les représentants de la célèbre Maison Tudor. Nombreux sont les mystères qui entouraient cette famille royale des plus sulfureuses. A travers les siècles, sa légende s’est ainsi répandue fiévreusement grâce aux œuvres de dramaturges comme Shakespeare, inspiré par les frasques de ces monarques d’un autre genre, et son formidable Richard III. Pas en reste, Victor Hugo s’est aussi fendu du phénoménal Marie Tudor (1833), empreint d’une puissance toute particulière et depuis perçu comme un chef d’œuvre incontournable.

Becoming Elizabeth Season 1 2021 analyse
Becoming Elisabeth season 1 Analyse©2021 Starz Entertainment LLC_NICK BRIGGS

C’est donc en toute logique que le monde du septième art s’est par la suite très largement penché sur la question brûlante des Tudors. D'ailleurs, c’est pour avoir interprété avec brio le rôle principal du film Elizabeth (1998) que l’actrice Cate Blanchett recevra le Golden Globe de la meilleure actrice pour la première fois de sa carrière. Avant elle, les mythiques Sarah Bernhardt, Bette Davis et Jean Simmons s’étaient aussi frottées au personnage tout en nuances de celle que l’on surnomme encore aujourd’hui La Reine Vierge. Côté petit écran, la sensationnelle Les Tudor (2007), la tumultueuse Reign (2013) ou la récente The Spanish Princess (2020) ont démontré que le monde des séries pouvait appréhender avec savoir-faire les subtilités d’une ère trouble où sexe, meurtres, corruption et trahisons gangrénaient les (très) hautes sphères.

A la sortie de Becoming Elizabeth, il aurait été tentant de penser que les nombreuses œuvres de fictions ayant abordé le sujet de la brûlante Maison Tudor avaient fini par définitivement l’épuiser. Mais il n’en n’est rien. L’inspiration demeure, envers et contre tout. C’est ce que nous prouve avec talent Anya Reiss qui parvient avec une facilité déconcertante à réinventer l’image de la toute puissante d’Elizabeth I. A travers un récit initiatique sombre et haletant, le parcours jonché d'embûches de la jeune Elizabeth trouve ainsi une résonance inattendue. Une scène magistralement réalisée après l’autre, il offre à observer ce personnage sous un jour nouveau, plus humain. Ce n’est pas la reine que découvrent alors les téléspectateurs, ils ne la connaissent de toute façon que trop bien. Mais bien la petite fille audacieuse, l’adolescente téméraire, la jeune femme intrépide qui ne laissera rien ni personne se dresser sur son chemin. Bien souvent au prix de graves souffrances et traumatismes, elle apprend de ses erreurs pour ne plus en commettre aucune. Et se transforme en la souveraine impitoyable qu’elle est vouée à devenir.

Casting Becoming Elizabeth Season 1 2021
Becoming Elizabeth Season 1 2021 ©2021 Starz Entertainment LLC_NICK BRIGGS

Une réalisation léchée au casting époustouflant

“Le Roi ne peut-il pas s’exprimer par lui-même ?”

“Le Roi ne peut-il pas s’exprimer par lui-même ?” demande une Elizabeth déconcertée à un Lord Somerset zélé, prompt à parler au nom du jeune monarque. Face à elle, le jeune Edward reste silencieux, comme pour signifier que les manipulations de son oncle sont, en peu de temps, parvenues à empoisonner son esprit fragile. Dès les premières minutes de sa série, Anya Reiss donne le ton : son héroïne, bien qu’apeurée, n’est pas de celles qui rechignent à se dresser face à l’adversité. Bien qu’encore naïve et inexpérimentée, son esprit rebelle et sa capacité surprenante à remettre en question l’ordre établi, à commencer par le patriarcat étouffant de l’époque, laisse espérer pour la future reine d’Angleterre une (r)évolution des plus intéressantes.

Porté par le charisme incandescent d’Alicia von Rittberg, découverte auprès de Jesse Eisenberg et Clémence Poésy dans le film Résistance (2020), le personnage d’Elizabeth est étudié en profondeur pour n’oblitérer aucune de ses subtilités. A ses côtés, les prometteurs Jessica Raine et Tom Cullen, qui interprètent respectivement Catherine Parr et Thomas Seymour, livrent des performances remarquables où la nuance se dispute à la finesse. Sans oublier bien sûr la savoureuse Bella Ramsay, extraordinaire Lyanna Mormont dans Game of Thrones, qui nous prouve une fois de plus et cette fois-ci dans le rôle Jane Grey que décidément, la valeur n’attend point le nombre des années.

Résumé Becoming Elizabeth Season 1 2021
Becoming Elizabeth Season 1 2021 ©2021 Starz Entertainment LLC_NICK BRIGGS

Au jeu impeccable du casting de la série s’ajoute une réalisation des plus soignée dont jaillit une intensité rare, presque palpable. Il faut dire que pour les premiers épisodes, Reiss a confié la caméra à l’excellent Justin Chadwick à qui l’on doit le drame historique Deux sœurs pour un roi qui raconte avec grandiloquence l’histoire d’amour de Henri VIII avec Anne et Mary Boelin. Loin d’en être à son coup d’essai, le réalisateur parvient tout naturellement à retranscrire l’atmosphère sombre et oppressante que l’on prête volontiers à cette époque. Mais cette fois-ci, sur ordre de la créatrice, annihile quelque peu la dimension romantique pour lui préférer une dynamique politique plus importante.

Au diable les histoires d’amour qui de toute façon finissent mal, en général (surtout lorsqu’il est question des Tudor). Ce que la dramaturge Anya Reiss souhaite mettre avant tout en lumière, c’est la complexité et la brutalité des jeux de pouvoir qui secouent la cour du Royaume d’Angleterre durant cette période tourmentée. Et la manière dont son héroïne en apprendra chaque règle pour les tourner peu à peu à son avantage. Un choix scénaristique audacieux pour celle qui signe, avec Becoming Elizabeth, une première série plus que réussie. Et qui possède toutes les caractéristiques d’une œuvre en passe de devenir... culte.