Publié le 18/08/2024

Les Rencontres de la Photographie d’Arles – Top 3 des expos photos à ne pas manquer

L’actualité artistique est marquée par la 55ème édition des “Rencontres de la Photographie ” d’Arles, un rendez-vous inconditionnel des passionnés de l’image, jusqu’au 29 septembre 2024. Visite guidée et coup de coeur autour de trois expositions : “Finir en Beauté”, de Sophie Calle, les grandes pionnières de la photographie contemporaine japonaise, “Quelle joie de vous voir”, et “Au Nom du Nom”, les surfaces sensibles du graffiti.

asako narahashi prints 2003

Narahashi Asako. Kawaguchiko, 2003, série half awake and half asleep in the water. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / PGI / Aperture.

Dans la ville d’Arles, déployée sous la forme d’un parcours dans les 25 lieux patrimoniaux et avec plus de cinquante expositions photo dans le In et près de cent dans le Off, à voir en ce moment aux Rencontres de la Photographie d'Arles, et jusqu'au 29 septembre 2024.

Pour cette nouvelle édition de ce festival, l’un des plus grand au monde, nous vous proposons de vous propulser à travers trois expositions qui ont retenu notre attention : "Finir en beauté" de Sophie Calle, "Quelle joie de vous voir ", une exposition qui démontre l’importance des photographes japonaises, et "Au Nom du Nom" , les surfaces sensibles du graffiti".

Trois expositions à ne pas manquer, tout d’abord pour leur authenticité et leur langage universel, pour leur qualité artistique bien sûr et pour leur capacité à engendrer une écriture photographique singulière, avec la présentation d’images d’une grande contemporanéité. 

« Les Rencontres célèbrent la vitalité de la jeune création aussi bien que les grands noms de la photographie, en donnant une place toute particulière aux artistes français. Quel que soit le moment de sa carrière, qu’il soit émergent ou confirmé, Arles est toujours une étape majeure pour un photographe »
Rachida Dati, Ministre de la Culture

« Véritable passeur entre artistes et spectateurs, le festival a fait de l’accueil des publics l’un
de ses principaux engagements, en ayant à cœur de transmettre à toutes et tous l’intention artistique des photographes invités » ….« Se faire une opinion sur les images qui nous entourent au quotidien et développer un esprit critique nous semble capital, à l’heure de l’essor des outils d’intelligence artificielle et de l’usage massif des moyens de désinformation ».
Hubert Védrine, Président de ces Rencontres de la Photographie d'Arles

Que voir aux Rencontres de la Photographie d'Arles 2024 ? Visite guidée et coup de cœur autour de trois expositions à ne pas manquer !

Il y règne une formidable profusion d’images, un public plutôt international, où connaisseurs et amateurs se mêlent avec un enthousiasme palpable, pour partager des moments de contemplation autour de la photographie contemporaine.

L’incontournable Sophie Calle, plasticienne et photographe : « Finir en Beauté »

Sophie Calle. Finir en Beauté, 2024.
Avec l’aimable autorisation de Anne Fourès. 

Les œuvres de Sophie Calle

Les Cryptoportiques - Place du Forum - Arles

L’imposante exposition « Finir en Beauté » de Sophie Calle explore la question de la beauté à travers la série « les aveugles », révélant ainsi la manière dont la déficience visuelle influe sur nos représentations de la beauté.
Cette installation, d’une grande force scénique se définit entre image et narration et fait appel à notre mémoire visuelle ou fantasmée. Dans ce lieu sombre et humide, elle nous plonge dans une atmosphère de finitude, où l’artiste nous livre un récit de ce qui est « à conserver ou à jeter » et nous interroge aussi sur cette décomposition lente du cliché, qui est ici, sacralisée. Cet environnement et le propos énoncé par l’artiste d’une voix monocorde provoquent une émotion d’une rare intensité, une tension, un choc visuel d’une force étonnante.

« Je veux que mes photos finissent de se décomposer ici et que les mots recueillis auprès des hommes et des femmes que j’ai interrogés sur le thème de la beauté s’enfoncent dans les soubassements de la ville ».

L’artiste interpelle ainsi le visiteur à questionner notre propre rapport à la beauté, celui que l’on conserve éternellement, celui qui nous surprend ou qui nous émerveille. Ici, l’œuvre de Sophie Calle nous touche profondément.

Sophie Calle et "Le Nobel des Arts"

Surnommé "Le Nobel des Arts" , le Prix Praemium Impérial sera remis en mains propres à Sophie Calle, au mois de Novembre prochain, dans la catégorie peinture pour l'édition 2024 de cette prestigieuse récompense artistique. Ainsi, l'art contemporain français est mis à l'honneur. Elle rejoint ainsi la vingtaine d’artistes français majeurs déjà récompensés ces 35 dernières années par le Praemium Imperiale, parmi lesquels Pierre Soulages, Daniel Buren, César, Louise Bourgeois, Niki de Saint Phalle, Christian Boltanski et Annette Messager. Une exposition importante est au Japon en préparation avec un regard croisé avec Toulouse Lautrec.

Les photographes Japonaises sont mises à l’honneur

« Quelle joie de vous voir »

Palais de l’Archevêché - Place de la République - Arles

Autre moment attendu pour cette nouvelle édition des Rencontres de la Photographie, l’exposition « Quelle joie de vous voir » nous révèle l’importance des photographes japonaises, de 1950 à nos jours, remontant ainsi le temps d’une compréhension peu visible jusqu’alors, prêtant ainsi à de nouvelles formes de récits de l’image.
Le choix de cette année 1950, n’est pas fortuite dans l’histoire de la photographie japonaise. Dans l'après-guerre, la photographie japonaise connaît son premier âge d'or. Intégrant les expériences de la guerre, de l'après-guerre, l'essor accéléré de l'économie, les modifications environnementales et sociétales brusques, les photographes féminines s'emparent de la réalité avec un regard plus personnel, tout en gardant une conscience sociale.

Kawauchi Rinko. Sans titre, série the eyes, the ears, 2002-2004. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Aperture. 

Pour la première fois, cette exposition présente les grandes pionnières de la photographie contemporaine japonaise.

Souvent dans l'ombre des circuits ou longtemps ignorées des critiques, celles qui se sont frayées un chemin dans cet univers masculin, parmi elles : Tokiwa Toyoko, Watanabe Hitomi, Okanoue Toshiko, Yamazawa Eiko, Narahashi Asako, les premières pionnières des années 50 en la matière, et d'autres suivront comme Yuki Onodera et Hiromix ....

Trois thématiques plus spécifiques se dégagent de cet accrochage : l'observation du quotidien, les perspectives critiques sur la société japonaise, ainsi que des expérimentations de la forme photographique.

Véritable découverte pour le visiteur, l’exposition lève le voile sur le vécu et les points de vue de ces talentueuses photographes japonaises, montrant ainsi l’histoire et la société dans lesquelles elles évoluent. Nous vous proposons d’aller à la rencontre de trois photographes japonaises, toutes donnant lieu à une écriture photographique singulière en prise avec leur temps.

Watanabe Hitomi, l’une des pionnières de la photographie japonaise

Watanabe Hitomi. Sans titre, série Tōdai Zenkyōtō [Rassemblement de tous les campus de l’université de Tokyo], 1968-1969. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Aperture.

Dans cette effervescence naissante, connue pour ses photographies de la contre-culture tokyoite, Watanabe Hitomi couvre le terrain des manifestations étudiantes à l’université de Tokyo (1968-1969). Elle ouvre ainsi le champ à des documents subjectifs, qui témoignent de l’expérience vécue, tout en posant des questions plus larges sur la société japonaise. Ici, la photographie se fait forte et engagée.

Yuki Onodera, la photographie contemporaine poétique

La très talentueuse Yuki Onodera est devenue en quelques années, une sommité de la photographie contemporaine. La plus japonaise des françaises a reçu avec la série « Eleven Finger » présentée au sein de l’exposition, le fameux Prix Kimura Iheï (2003), l’équivalent du Prix Niepce en France, dont elle devient également lauréate (2006). Du reste, ses expositions personnelles sont des événements très attendus au Japon.
Ici, les grands formats de Yuki Onodera révèlent « deux portraits » formant une sorte de narration par l’image réalisée dans l’espace urbain.

Le pouvoir de séduction de ses images s’enracine dans leur capacité à nous faire ressentir les possibilités de l’inconnu, tout en fixant les éléments du réel qui créent un monde fascinant et très poétique. Fait de contrastes, l’élégance de ses grands clichés argentique, noir et blanc, s’accompagne d’une grande subtilité. Ses photographies révèlent une sorte d’allégorie du portrait dont la portée se fait sentir par l’absence du visage, volontairement matérialisé par un masque, qui révèle par contraste ce geste innocent.

« Ces photos sont prises à hauteur de hanche, pour laisser s’exprimer les attitudes et les mouvements inconscients »… « Ces portraits sont cachés par la technique du photogramme, avec un papier ajouré, comme de la dentelle, qui apparaît en blanc sur le tirage ».

L’incorporation d’un masque minutieusement ciselé, dessiné ou peint - soigneusement décoré, fait de motifs ajourés tantôt concrets, tantôt abstraits, pris d’éléments figuratifs, d’animaux ou de formes abstraites, réalisé avec dextérité et perfection par la main de l’artiste, contraste fortement avec l’intention du geste humain.

Yuki ONODERA
"Eleventh Finger " No.15, Tirage argentique sur papier Baryté – série en 26 pièces  - 98 x 100 cm 2014 (edition of 7) © libres de droits
.

Dans une grande subtilité de cadrage, les photographies de Yuki Onodera font apparaître à l’arrière-plan, l’espace urbain, dont on ne peut reconnaître les lieux. Sa photographie nous laisse dans une sorte d’incertitude, portant ainsi de manière incandescente un monde globalisant des grandes métropoles du monde. Il y réside une sorte de violence dissimulée, portée par une acte poétique puissant.

En regardant avec attention, les photographies de l’artiste nous dévoilent quelque chose de contrarié qui nous renvoie presque à l’innocence et à une perte de l’identité. Ses photographies sont en quelque sorte des objets de narration qui par leur intensité nous subjuguent par leur puissance poétique opérée, par une succession de déplacements souhaités par l’artiste et par une accumulation d’éléments révélés au tirage. L’intensité des tirages, savamment façonnés par la main de l’artiste dans son laboratoire offre un pouvoir de séduction d’une étonnante singularité.

Le visiteur ne doit jamais se contenter de sa première impression. En effet, Yuki Onodera nous laisse le soin d’affiner la lecture de ses photographies, pour s’approcher de leur vérité.

Hiromix, le regard d’une adolescente sur le Japon de l’hyper-consommation…

Plus proche de nous, Hiromix, de son vrai nom Hiromi Toshikawa, est une jeune photographe japonaise. Hiromix séduit par son style frais, simple, moderne.
Son travail s’inspire d’une vieille tradition japonaise, à savoir le journal intime que toute jeune fille tient, et qu’elle agrémente souvent de photographies. L’artiste a su populariser la photographe adolescente, les autoportraits face au miroir et les couleurs vives, chères aux ados japonais.

La naïveté apparente de ses clichés naît d’une grande spontanéité dans le choix de ses sujets : crépuscule sur le périphérique pluvieux de Tokyo, autoportrait indiscret au réveil, lolitas nipponnes égarées dans les escaliers d’une boîte de nuit… Beaucoup y verront le reflet facile d’une mode, le regard sans recul, d’une adolescente sur le Japon de l’hyperconsommation…
Mais il n’en est rien, ces œuvres nous bousculent et offrent une nouvelle approche de la photographie contemporaine.
Après Arles, cette fascinante exposition « Quelle joie de vous voir » circulera en Europe dans les prochains mois.

"Au Nom du Nom, Les surfaces sensibles du graffiti"

Une surprise, un coup de cœur pour cette exposition

Église Sainte-Anne - Place de la République - Arles

Au détour de ce parcours, la très surprenante exposition « Au Nom du Nom », révèle ainsi l’image de la photographie et le Graffiti, qui dans une sorte d’une fulgurance mêlée, nous incite à porter un regard neuf sur le Street Art et en particulier sur le Graffiti.

Gordon Matta-Clark découpant au chalumeau son Graffiti Truck à «Alternatives», Washington Square Art Show, juin 1973 © The Estate of Gordon Matta-Clark/Artists Rights Society (ARS), New York. Avec l’aimable autorisation de l’Estate Gordon Matta-Clark and David Zwirner.

Avec un accrochage irréprochable tant pour sa sélection artistique que pour cette exposition singulière et originale, Hugo Vitri, commissaire de l'exposition et conservateur du Palais de Tokyo, nous invite à découvrir la représentation du Graffiti dans la photographie contemporaine.

Il nous incite donc à regarder le Street Art d’un œil neuf et nous propose un « panel » assez complet du genre. Des slogans contestataires, des manifestations au sigles vibrants du métro, le graffiti est une inscription ou un dessin exécuté de manière généralement illicite, une forme d’expression spontanée dans l'espace public (mur, monument, transports en commun, toilettes publiques, etc.). Ici, la photographie nous interpelle et reflète ainsi la composante de notre société globalisante, des rues américaines ou des rues parisiennes.

« Photographie documentaire, d’ambiance, d’action, archive intime, souvenir cramé, oublié, photographie picturale, photographie policière : l’exposition étire une pensée en négatif du graffiti envisagé comme révélateur de ce que la ville remue »
Hugo Vitri, commissaire de l'exposition

L’exposition présente une quarantaine d’artistes internationaux où la photographie nous interpelle sur cette pratique avec des clichés insolites qui nous interpellent jusqu’à l’humour.

Une révélation et un moment jubilatoire pour cette 55ème édition, qui nous laisse dans l'attente des Rencontres de la Photographie d'Arles 2025.

Informations pratiques, billetterie, programme des expositions des Rencontres de la Photographie d'Arles 2024

www.rencontres-arles.com

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