Publié le 16/07/2022

Projection sur grand écran : Seule la terre est éternelle

On parle d’écologie, de transition énergétique, de pollution ou bien encore de réchauffement climatique, et ceci depuis fort longtemps…est ce que les choses changent ou s’améliorent ? Certains cinéastes comme Cyril Dion avec ses films “Demain” et “Animal” plus récemment, nous interpellent et nous font réfléchir à l’avenir de notre planète. Encore plus récemment, le documentaire réalisé par François Busnel et Adrien Soland, “Seule la terre est éternelle”.

Seule la terre est éternelle film Paradise Valley

"Seule la terre est éternelle", un hymne à la nature. Documentaire de François Busnel et Adrien Soland réalisé en 2019, avec comme fil rouge l'écrivain Jim Harrison. dont plusieurs heures de pellicule ont été captées en 2015, pour sortir non pas en télévision mais sur grand écran. Le romancier américain disparaissant en mars 2016, dans son refuge du Montana, c'est le plus bel hommage qu'il aurait pu lui faire.
Et c'est une énorme présence dont nous gratifie le romancier, ou il nous invite à la manière d'un guide, de l'accompagner sur la Yellowstone River quand il passe des heures à pêcher le poisson d’eau douce sur un drift boat, son bateau dériveur, et de celles lorsqu’il déguste un repas entre amis ou lorsqu’il se raconte à François Busnel, qu’on ne verra pas à l’image. Celui qui a animé face caméra chaque semaine depuis quatorze ans l’illustre émission littéraire de France 5, La Grande Librairie, se tient ici à l’écart de l’objectif pour accueillir pleinement celui qu’il lui tient à cœur de faire connaître davantage.

Analyse Seule la terre est eternelleJim Harrison dans son chalet
Jim Harrison dans son chalet

Seule la terre est éternelle : Synopsis

Les choses simples sont les plus belles, alors partons à l'aventure avec Jim Harrison, qui nous donnent quelques leçons de vie et qui célèbre notre belle nature... Il est encore temps.
Jim Harrison : Décembre 1937-Mars 2016

Un homme rentre chez lui au cœur des grands espaces. Il raconte sa vie, qu’il a brûlée par les deux bouts et qui révèle une autre Histoire de l’Amérique. A travers ce testament spirituel et joyeux, il nous invite à revenir à l’essentiel et à vivre en harmonie avec la nature. Cet homme est l’un des plus grands écrivains... Il s’appelle Jim Harrison.

Genèse du film

" Seule la terre est éternelle est un film sur notre rapport à la nature et la nécessaire reconnexion au monde sauvage à travers le regard d’un écrivain qui est, je le crois, le plus important des écrivains américains contemporains. En tout cas, celui qui m’a le plus ébloui et dont les livres peuvent aider ceux qui les lisent. Je voulais partager ce que j’ai appris en le lisant et que j’ai découvert grâce à lui". François Busnel

Des les premières images, on est happé par le magnétisme du romancier, son allure de vagabond céleste, claudiquant avec sa canne, sourire édenté, son petit ventre qui sort de son tee-shirt, et surtout sa voix rauque et fatiguée qui nous envoûte.

Le souffle haletant, une cigarette aux lèvres, au volant de son pick-up, l’homme parcourt sa vie, ses rencontres, ses passions, son chemin de vie...et son retour à la nature.
Il cite : “Le paysage peut emporter tous les chagrins, ça absorbe toutes les névroses" poursuit-il dans la foulée en scrutant l’horizon. "Comment être malheureux quand tu vois ça ?" Et c'est la la force de ce documentaire, les leçons de vie qu'évoque Jim Harrison magnifiés par les splendeurs des paysages parcourus.
On en prend plein la vue... offrant de somptueuses images du Michigan, du Nebraska, et du Montana. Il ne fallait rien de moins qu'un écran de cinéma pour raconter Harrison, cet enfant du Montana à la gueule burinée.

Yellowstone River paysage seule la terre est éternelle
Yellowstone River

Et on est subjugué par les somptueux paysages dans lesquels il a vécu et qui ont inspiré son œuvre : les Grandes Plaines où paissent encore quelques bisons rescapés des grands massacres du Far-West, le Montana, avec ses rivières propices à la pêche à la mouche, le Nebraska, l’Arizona et l’Utah, avec ses gigantesques mesas et ses formations rocheuses à couper le souffle de Monument Valley où vivent encore les Indiens. Ces indiens qui sont ces amis et dont son œuvre est parsemée de "Légendes d'Automne", à "Dalva", en passant par "En route vers l'ouest".

Dans un moment particulièrement émouvant, Jim Harrison confie le surnom que lui ont donné les Indiens Ojibwés :
"Celui qui part sur les chemins longs et obscurs et dont on espère qu'il pourra revenir". Parfaite définition de son art, tant le poète-romancier aime entraîner son lecteur hors des sentiers battus pour explorer les méandres inattendus de chaque existence. Ces chemins ne sont pas que métaphoriques : l'écrivain explore le rapport charnel de l'homme et de la nature, décrit comme personne la majesté des paysages, l'importance de la terre.
A la vision de ce documentaire, de lecteur je suis devenu spectateur éprouvant au-delà des images splendides de l'Ouest, la profondeur de ce qui est une vraie philosophie de vie et quelque part une spiritualité profonde.

 "Ce n'est pas un film sur Jim Harrison, mais avec Jim Harrison"

On sent bien aussi toute l'admiration qu'il porte à ce romancier hors normes, et il lui laisse carte blanche... Jim Harrison parle comme il vit, avec outrance et passion.

Jim Harrison et François Busnel seule la terre est éternelle
Jim Harrison et François Busnel

La liberté de parole comme la vie de Jim Harrison est brute, sans fioritures, de sang et de larmes, de peines et de dérives en tout genres, il n'élude rien...comme son rapport aux substances illicites ou addictives : drogue et alcool. Le paradoxe c'est que l'endroit où il vit s'appelle Paradise Valley, un domaine qui porte bien son nom, un Eden primitif où il semble être seul au monde, parmi les loups, les grizzlys et les serpents à sonnette. Avec son visage "de cyclope" , selon la formule de François Busnel (un accident dans l'enfance lui coûta un œil), sa bouche édentée, son boitillement, Harrison fait beaucoup plus que ses 77 ans. C'est qu'il porte toute une vie de souffrances : la sienne, bien sûr – la pauvreté, le handicap, la mort tragique de son père et de sa sœur quand il avait 19 ans –, mais aussi celle de son pays… Car peu d'écrivains ont su exprimer comme lui l'effroi et la douleur du génocide des Indiens d'Amérique.

Harrison passe tout en revue, le plus souvent depuis son bureau, au milieu de ses photos et objets préférés qui ont tous leur petite ou grande histoire, comme cette petite valise médicinale que lui a offert un chef indien...et assis à sa table de travail face à ce mur blanc pour ne pas le disperser de son inspiration du moment, il projette sur lui les images que son esprit lui dicte.

Epilogue

Voilà, j'espère qu'à la lecture de cet article, vous aurez envie de découvrir cet immense poète romancier (il s'est éteint sur sa table de travail un stylo à la main en écrivant un poème), et découvrir toute la beauté du monde, à travers des paysages somptueux.

Laissez vous porter par l'imaginaire auquel Harrison aura grandement contribué, à défaut d’être le seul.

Il avait souhaité inscrire comme épitaphe sur sa pierre tombale " il a fait son boulot", comme une dernière farce à la vie...

Jim Harrison a exploré les paradoxes de l'existence, explique François Busnel. Il s'agit d'apprendre à célébrer la vie même quand les tragédies les plus terribles s'accumulent : l'existence est fragile, mais on peut la reconstruire à tout âge, nous dit-il, surtout quand on revient à la terre.

Et "Seule la Terre est éternelle"...

Post scriptum

Jim Harrison aura publié quatorze romans et dix recueils de poésie, écrits à cheval sur deux siècles.